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SPINOZA (1632 - 1677) Article Wikipédia ici

Chose singulière : "Il n'est aucune chose singulière dans la nature qu'il n'y en ait une autre plus puissante et plus forte; mais, étant donné une chose quelconque, il y en a une autre plus puissante qui peut détruire la première." (Ethique, IV, axiome trad. Caillois p.270)


Christ : "...bien que Spinoza lui-même n'admette, ni dans le judaïsme, ni dans le christianisme, ce qui échappe à notre compréhension, l'inspiration du Christ lui fournit un exemple typique de l'identification du fini et de l'infini, de l'amour intellectuel de Dieu, tel qu'il le conçoit." (L'idée de Vie..., pp.189-190 sur ce point cf S. Zac, "Le problème du christianisme de Spinoza"¸in Revue de Synthèse, oct-déc 1957, pp.479-491) "Certes Dieu s'est révélé au Christ ou à la pensée du Christ immédiatement et non par des paraboles et des images comme il s'était révélé (92) aux Prophètes. Nous connaissons par là que le Christ a vraiment perçu les choses révélées, c'est-à-dire les a connues intellectuellement; car on dit qu'une chose est connue intellectuellement quand elle est perçue par la pensée pure en dehors des paroles et des images." (T.T.P, IV, pp.92-93)


Cogito : "Le véritable cogito spinoziste (dans le sens de certitude absolue, point de départ logique et

ontologique) ce n'est pas le moi qui pense, mais la position de la totalité de l'être, de Dieu être intelligible et intelligibilité de l'être" "La pensée est attribut de Dieu, est donc Dieu, mais elle n'est pas attribut de l'homme qui n'est, lui, qu'un mode –un entendement- de cette pensée divine, ou mieux : de cette pensée qui est Dieu. Il n'y a pas d'individu qui pense, mais des hommes qui participent de la pensée qui est Dieu." (Ethique, Introduction de R. Caillois p.21) "Nous ne pouvons être absolument certains d'aucune chose, aussi longtemps que nous ne savons pas que nous existons. (…) celui qui ne sait pas d'une manière absolue qu'il est ne sait pas non plus qu'il est un être affirmant ou niant, c'est-à-dire que certainement il affirme ou il nie. On observera ici que, bien que nous affirmions ou niions beaucoup de choses avec une grande certitude sans faire attention à ce que nous existons, si cela n'était pas posé d'abord comme indubitable, tout pourrait être révoqué en doute.(…)

Le je suis doit être connu de lui-même. (…) Si vous le niez c'est donc qu'il ne sera connu que par une autre chose dont (par l'axiome I) la connaissance et la certitude devront être en nous antérieures à cette affirmation : je suis. Or cela est absurde (par la proposition précédente) ; donc je suis doit être connu de soi. C. Q. F. D." (Principes de la Philosophie de Descartes, p.248) "Je suis n'est pas la première vérité et n'est pas connu de soi en tant que je suis une chose composée d'un corps." (id, I, prop.3, p.249) "Je suis ne peut être la première vérité connue qu'en tant que nous pensons." (id, I, prop.4, p.249) "une réaction forcenée contre Descartes puisque Spinoza affirmera très fort, dans le livre deux, que nous ne pouvons nous connaître nous-mêmes, et nous ne pouvons connaître les corps extérieurs que par les affections que les corps extérieurs produisent sur le nôtre. Pour ceux qui se rappellent un peu Descartes, c'est la proposition anti-cartésienne de base puisque cela exclut toute appréhension de la chose pensante par elle-même, à savoir cela exclut toute possibilité du cogito. Je ne connais jamais que les mélanges de corps et je ne me connais moi-même que par l'action des autres corps sur moi, et par les mélanges." (Deleuze, Cours à l'université de Vincennes, 24/01/1978)


Colère : "La colère est le désir qui nous pousse à faire, par haine, du mal à celui que nous haïssons." (Ethique, III, définition 36 des affects)


Commandements de la Raison (rationis dictamina) : "La Raison ne demande rien contre la Nature ; elle demande donc que chacun s'aime soi-même, qu'il cherche l'utile qui est sien, c'est-à-dire ce qu'il lui est réellement utile, et qu'il désire tout ce qui conduit réellement l'homme à une plus grande perfection ; et, absolument parlant, que chacun s'efforce, selon sa puissance d'être, de conserver son être. Et cela est vrai aussi nécessairement qu'il est vrai que le tout est plus grand que sa partie. Ensuite, puisque la vertu n'est rien d'autre qu'agir selon les lois de sa propre nature, et que personne ne s'efforce de conserver son être, sinon selon les lois de sa propre nature, il suit de là : 1°) Que le fondement de la vertu est l'effort même pour conserver son être propre, et que le bonheur consiste pour l'homme à pouvoir conserver son être ; 2°) Que la vertu doit être désirée pour elle-même, et qu'il n'y a rien qui l'emporte sur elle ou qui nous soit plus utile, ce pourquoi on devrait la désirer ; 3°) Enfin, que ceux qui se donnent la mort ont l'âme impuissante et sont entièrement vaincus par des causes extérieures qui sont contraire à leur propre nature." (Ethique, IV, 18 scolie) "Les "commandements de Dieu" sont, en même temps, des commandements de la raison, car les moyens qui nous conduisent à la connaissance et à l'amour de Dieu découlent d'une compréhension de plus en plus grande des choses, c'est-à-dire du déploiement de la raison." (L'idée de Vie..., p.152) "...les décrets et commandements de Dieu ne sont en réalité que l'ordre de la Nature (...)" (T.T.P, VI, p.125)

Conatus : "Unaquaeque res, quantum in se est, in suo esse perseverare conatur" "Chaque chose, selon sa puissance d'être (quantum in se est) s'efforce de persévérer dans son être." (Ethique, III, 6) "L'effort (conatus) par lequel chaque chose s'efforce de persévérer dans son être n'est rien en dehors de l'essence actuelle de cette chose." (ibid 7) "L'esprit, en tant qu'il a des idées claires et distinctes, et aussi en tant qu'il en a de confuses, s'efforce de persévérer dans son être pour une certaine durée indéfinie, et il est conscient de son effort." (ibid 9) "Cet effort, quand il se rapporte à l'esprit seul, est appelé Volonté ; mais quand il se rapporte à la fois à l'esprit et au corps, on le nomme Appétit (Appetitus). L'appétit n'est donc rien d'autre que l'essence même de l'homme." (…) "entre l'Appétit et le Désir, il n'y a aucune différence, sinon que le désir se rapporte généralement aux hommes en tant qu'ils sont conscients de leur appétit, et c'est pourquoi il peut être ainsi défini : le Désir est l'appétit accompagné de la conscience de lui-même." (…) "Il est donc établi par tout ce qui précède que nous ne faisons effort vers aucune chose, que nous ne la voulons pas et ne tendons pas vers elle par appétit (appetere) ou désir, parce que nous jugeons qu'elle est bonne ; c'est l'inverse : nous jugeons qu'une chose est bonne, parce que nous faisons effort vers elle, que nous la voulons et tendons vers elle par appétit ou par désir." (III scolie de la proposition 9) "La puissance qui permet aux choses singulières, et par conséquent à l'homme, de conserver leur être, est la puissance même de Dieu, c'est-à-dire de la Nature" (IV démonstration de la proposition 4) "Chaque chose, en tant qu'elle est simple et indivise, et qu'on la considère seulement en elle-même, persévère toujours, autant qu'il est en elle, dans le même état." (Principes de la Philo. de Descartes, 2e partie, prop.14 p. 301) cf l'exemple de la pierre dans la fronde. / "Le conatus, étant notre effort de persévérer dans l'existence, est toujours recherche de ce qui nous est utile ou bon ; il comprend toujours un degré de notre puissance d'agir auquel il s'identifie : cette puissance augmente donc, quand le conatus est déterminé par une affection qui nous est utile ou bonne." (Spinoza et le Pb... p.219) "Déterminé par la tristesse, le conatus ne cesse pas d'être recherche de ce qui nous est utile ou bon : nous nous efforçons de triompher, c'est-à-dire de faire en sorte que les parties du corps qui nous affectent de tristesse prennent un nouveau rapport qui se concilie avec le nôtre." (id, pp.221-222) Le conatus, loi centrale de la nature, est proche du principe d'inertie, et particulièrement de son expression cartésienne : "Prima lex naturae : quod unaquaeque res, quantum in se est, semper in suo statu perseveret ; sicque quod semel movetur, semper moveri pergat." (Descartes, Principes de la philosophie, II, 37) : la loi centrale de la nature "humaine", i.e l'effort pour persévérer dans l'être, est en fait la loi centrale de la nature tout court, i.e la loi d'inertie.


Confiance : "est acquiesca in se ipso summum quod sperare possumus" "la confiance en soi-même est le sommet de ce que nous pouvons espérer" (*Ethique, IV, 52 scolie)


Connaissance : "mentis oculi quibus res videt observatque, sunt ipsae demonstrationes" "les yeux de l'esprit, par lesquels il voit et observe les choses, sont les démonstrations elles-mêmes." (Ethique, V, 23 scolie) "de natura rationis est sub specie aeternitatis concipere" "il est de la nature de la Raison de concevoir les choses sous l'espèce de l'éternité." (id V, 29 démonstration) "Le suprême efort de l'esprit et sa souveraine vertu est de comprendre les choses par le troisième genre de connaissance <"res intelligere tertio cognitionis genere" >" (V, 25) "omnia praeclara tam difficilia quam rara sunt" "tout ce qui est très précieux est aussi difficile que rare" (id, Ultima Verba) "La connaissance rationnelle, connaissance des lois par lesquelles j'appartiens au monde et me relie aux autres êtres, s'achève dans la connaissance du troisième genre, par la prise de conscience de soi, par la réflexion qui découvre en elle-même son lien interne avec l'attribut de Dieu dont elle est le mode et, pour ainsi dire, épouse la perspective de Dieu même." (Ethique, Intro. de R. Caillois p.36) "La connaissance de l'effet dépend de la connaissance de la cause et l'enveloppe." (id, I, Axiome 4) "Une idée vraie doit s'accorder avec l'objet qu'elle représente." (id, axiome 6) "Un entendement, fini en acte ou infini en acte, doit comprendre les attributs de Dieu et les affections de Dieu, et rien d'autre."<car il n'y a rien d'autre> (id, I, 30) "Dans la mesure où l'esprit humain imagine un corps extérieur, il n'en a pas une connaissance adéquate." (id, II corollaire de la proposition 26) "…nous percevons beaucoup de choses et que nous formons des notions universelles : 1° A partir des choses singulières qui nous sont représentées par les sens d'une façon incomplète, confuse, et sans ordre pour l'entendement ; et c'est pourquoi j'ai pris l'habitude d'appeler de telles perceptions : connaissance par expérience vague. 2° A partir des signes; par exemple : entendant ou lisant certains mots, nous nous souvenons de choses et en formons certaines idées semblables à celles par lesquelles nous imaginons les choses. Ces deux premières façons de considérer les choses, je les appellerai par la suite : connaissance du premier genre, opinion ou Imagination. 3° Enfin, de ce que nous avons des notions communes et des idées adéquates des propriétés des choses. Et de cette façon de connaître, je l'appellerai : Raison et connaissance du second genre. Outre ces deux genres de connaissance, il y en a encore une troisième, comme je le montrerai dans la suite, que nous appellerons : Science intuitive. Et ce genre de connaissance progresse de l'idée adéquate de l'essence formelle de certains attributs de Dieu jusqu'à la connaissance adéquate de l'essence des choses." (Ethique, II 40, scolie 2 p.159) "La connaissance du premier genre est l'unique cause de la fausseté, tandis que celle du second et du troisième est nécessairement vraie." (Ethique, II, 41) "La connaissance du second et du troisième genre, et non celle du premier, nous apprend à distinguer le vrai du faux." (id, II, 32) "L'esprit humain a une connaissance adéquate de l'essence éternelle et infinie de Dieu." <Mens humana adaequatam habet cognitionem aeternae et infinitae essentiae Dei.> (id, II, 47) "Ce que l'esprit peut comprendre (intelligere) de plus haut, c'est Dieu, c'est-à-dire (selon la déf. 6, partie I) l'Etre absolument infini, et sans lequel (selon la proposition 1, partie I) rien ne peut être, ni être conçu ; et par conséquent ce qui est souverainement utile à l'esprit, autrement dit son souverain bien, c'est la connaissance de Dieu.(…) Donc la vertu absolue de l'esprit, c'est de comprendre." (id, IV, démonstration de la propo.28) "Le suprême effort de l'esprit et sa souveraine vertu est de comprendre les choses par le troisième genre de connaissance." (id, V, 25) "Le troisième genre de connaissance progresse de l'idée adéquate de certains attributs de Dieu jusqu'à la connaissance adéquate de l'essence des choses ; et plus nous comprenons les choses de cette façon, plus nous comprenons Dieu ; et par suite la suprême vertu de l'esprit, c'est-à-dire la puissance ou la nature de l'esprit, autrement dit son suprême effort, c'est de comprendre les choses par le troisième genre de connaissance." (id, V, 25 démonstration) "Plus l'esprit est apte à comprendre les choses par le troisième genre de connaissance, plus il désire comprendre les choses par ce même genre de connaissance." (id, V, 26) "De ce troisième genre de connaissance naît la plus grande satisfaction de l'esprit qui soit possible." (id, V, 27) "Il est certain que, pour Spinoza, la science n'a pas de valeur en elle-même. Sa science, et toutes les sciences, doivent nous mener vers un seul but : l'acquisition du bien suprême ou –ce qui est la même chose- vers la réalisation de notre perfection." (A. Koyré in Traité de la Réforme de l'Entendement, avant propos, p.19) "Que ce troisième genre de connaissance fasse appel à, d'une part, toute une tradition de la mystique juive, que d'autre part ça implique une espèce d'expérience mystique même athée, propre à Spinoza, je crois que la seule manière de comprendre ce troisième genre c'est de saisir que, au-delà de l'ordre des rencontres et des mélanges, il y a cet autre stade des notions qui renvoie aux rapports caractéristiques. Mais au-delà des rapports caractéristiques, il y a encore le monde des essences singulières" (Deleuze, Cours à L'université de Vincennes, 24/01/1978) "A les envisager exactement, <les modes de la perception> peuvent être ramenés, en somme, à quatre : I. Il y a une perception que nous acquérons par ouï-dire, ou au moyen de quelque signe arbitrairement désigné. II. Il y a une perception que nous acquérons par une expérience vague, c'est-à-dire par une expérience qui n'est pas déterminée par l'entendement ; elle est dite telle <expérience> seulement parce que s'étant produite par hasard, et n'étant contredite par aucune autre, elle demeure pour nous comme solidement établie. III. Il y a une perception où l'essence d'une chose est inférée d'une autre chose, mais non d'une façon adéquate ; ce qui a lieu, soit lorsque d'un effet quelconque nous inférons la cause, soit lorsque l'on tire une conclusion [du fait] qu'un universel est toujours accompagné d'une certaine propriété. IV. Enfin, il y a une perception où la chose est perçue par sa seule essence, ou bien par la connaissance de sa cause prochaine." (Traité de la Réforme de l'Entendement, §19) "En outre, plus l'esprit connaît de choses, mieux il comprend et ses forces, et l'ordre de la nature ; or il peut se diriger soi-même et se proposer des règles d'autant plus facilement qu'il comprend mieux ses forces, et il peut se prémunir contre des choses inutiles d'autant plus facilement qu'il comprend mieux l'ordre de la Nature." (id, §40) "Le connaître est une pure passion, c'est-à-dire une perception dans l'âme de l'essence et de l'existence des choses ; de sorte que ce n'est pas nous qui affirmons ou nions jamais quelque chose d'une chose, mais c'est elle-même qui en nous affirme ou nie quelque chose d'elle-même." (Court Traité, p.149) Spinoza "...se pose la question de savoir comment quelqu'un peut-être averti que sa pensée s'accorde avec la chose ou non, et il répond avec Descartes que c'est l'évidence qui certifie la pensée de chacun." (Le Spinozisme, p.92) l'erreur vient dès lors "De ce que la chose, dans bien des cas, n'agit sur nous que par une partie d'elle-même, et de ce que nous considérons l'idée qu'elle représente cette action partielle comme si elle représentait une action totale." (ibid) ex. "Quand nous contemplons le soleil, nous nous imaginons qu'il est éloigné de nous d'environ deux cents pieds : c'est là une idée inadéquate. Or l'erreur ne consiste pas précisément dans cette idée, qui contient même quelque chose de positif et de vrai, puisqu'elle exprime l'espèce d'affection nécessairement suscitée dans notre corps par le soleil : elle consiste en ce que nous prenons l'idée de la distance imaginée pour la distance véritable, faute d'avoir une idée adéquate de cette dernière. L'erreur n'est pas l'ignorance pure et simple ; elle est l'ignorance de la vérité complète qui fait que nous prenons pour complète une vérité plus ou moins incomplète." (id, p.107) "...ce n'est pas nous qui affirmons ou nions jamais quelque chose d'une chose, mais c'est elle-même qui en nous affirme ou nie quelque chose d'elle-même." (Court Traité, II, 16, 5, p.125) "Spinoza récuse toute analyse de la connaissance qui distinguerait deux éléments, entendement et volonté. La connaissance est auto-affirmation de l'idée, "explication" ou développement de l'idée, à la manière d'une essence qui s'explique dans ses propriétés ou d'une cause qui s'explique dans ses effets." (Deleuze, Spinoza Philosophie Pratique, p.79) La connaissance spinoziste renvoie à un principe aristotélicien : connaître, c'est connaître par la cause. / "De plus, toute notre connaissance et la certitude qui exclut réellement et complètement le doute, dépendent de la seule connaissance de Dieu, tant parce que sans Dieu rien ne peut être ni être conçu, que parce que nous pouvons douter de tout aussi longtemps que nous n'avons pas de Dieu une idée claire et distincte. Il suit de là que notre souverain bien et notre perfection dépendent de la seule connaissance de Dieu, etc." (T.T.P, IV, p.87) "La raison devient cette puissance active capable d'engendrer des affects qui contrarient les passions tristes. Alors que dans le Court Traité, le connaître est un pur pâtir, dans l'Ethique il devient un pur agir." (Jaquet, L'unité du corps et de l'esprit, p.63) "...l'objet suprême de l'espérance humaine est donc l'Acquiescentia in se ipso qui tire son origine de la raison car lorsque l'homme se considère adéquatement il ne perçoit rien, sinon ce qui suit de sa propre puissance d'agir" (Mugnier-Pollet, Lucien, "Esquisse d'une axiologie de Spinoza" p.396) "...les lois et règles de la nature, selon lesquelles tout se fait et passe d'une forme dans une autre, sont partout et toujours les mêmes, et par suite il ne doit y avoir également qu'une seule et même façon de comprendre la nature des choses, quelles qu'elles soient, à savoir, par les lois et règles universelles de la nature. Et donc les Affects de haine, de colère, d'envie, etc., considérés en soi, suivent les uns des autres par la même nécessité et vertu de la nature que les autres singuliers ; et partant, ils reconnaissent des causes précises, par lesquelles ils se comprennent, et ont des propriétés précises, aussi digne de notre connaissance que les propriétés de n'importe quelle autre chose qui nous charme par sa seule contemplation. " (Ethique, III, préf. trad. Pautrat) / On peut dire que connaître par le troisième genre de connaissance, c'est "...faire que toutes les affections du corps –autrement dit les images des choses- soient rapportées à l'idée de Dieu" (Ethique, V, 14, trad. Caillois)


Conscience : "Propriété de l'idée de se dédoubler, de redoubler à l'infini : idée de l'idée. (..) ...les trois caractères de la conscience : 1°) Réflexion : la conscience n'est pas la propriété morale d'un sujet mais la propriété physique de l'idée ; elle n'est pas réflexion de l'esprit sur l'idée mais réflexion de l'idée dans l'esprit (Traité de la Réforme) ; 2°) Dérivation : la conscience est toujours seconde par rapport à l'idée dont elle est conscience, et ne vaut que ce que vaut la première idée ; c'est pourquoi Spinoza dit qu'il n'y a pas besoin de savoir qu'on sait pour savoir (idem, 35), mais qu'on ne peut pas savoir sans savoir qu'on sait (Ethique, II, 21 et 43) 3°) Corrélation : le rapport de la conscience à l'idée dont elle est conscience est le même que le rapport de l'idée à l'objet dont elle est connaissance (II, 21)" (Spinoza Philosophie Pratique, p.82) "L'idée, dis-je, de l'Esprit et l'Esprit lui-même se trouvent suivre en Dieu avec la même nécessité de la même puissance de penser. Car en vérité l'idée de l'Esprit, c'est-à-dire l'idée de l'idée, n'est rien d'autre que la forme de l'idée, en tant qu'on considère celle-ci comme une manière de penser, sans relation à l'objet ; car dès que quelqu'un sait quelque chose, il sait par là même qu'il le sait, et en même temps il sait qu'il sait ce qu'il sait, et ainsi à l'infini" (II, 21 scolie trad. Pautrat)


Contentement : "Le Contentement <gaudium> est la Joie née de l'image d'une chose passée dont l'issue nous a paru douteuse." (Ethique, III, 18 scolie 2).


Contingence : "Les choses singulières, je les appelle contingentes dans la mesure où, portant notre attention sur leur seule essence, nous ne trouvons rien qui pose ou exclut nécessairement leur existence." (Ethique, IV, définition 3) "Si j'avais la force de me conserver, je serais d'une nature telle que j'envelopperais l'existence nécessaire (par le (262) Lemme I) donc (par le corollaire du Lemme 2) ma nature contiendrait toutes les perfections. Or, je trouve en moi, en tant que je suis chose pensante, beaucoup d'imperfections (par exemple, que je doute, que je désire, etc.) dont je suis certain (par le Scolie de la Proposition 4); je n'ai donc aucun pouvoir de me conserver. En outre, je ne puis exister actuellement sans être conservé aussi longtemps que j'existe soit par moi-même, si j'en ai le pouvoir, soit par un autre, qui ait ce pouvoir (par les Axiomes I et II). Or j'existe (par la Scolie de la Proposition 4), et cependant je n'ai pas le pouvoir de me conserver moi-même, donc je suis conservé par un autre. Mais non par un autre qui n'ait pas la force de se conserver (pour la même raison par laquelle je viens de démontrer que je ne pouvais me conserver moi-même); donc par un autre qui ait la force de se conserver, c'est-à-dire (par le Lemme 2) dont la nature enveloppe l'existence nécessaire, ou encore (par le Corollaire du Lemme t) qui contienne toutes les perfections que je connais clairement qui appartiennent à l'être suprêmement parfait; et ainsi (par la Définition 8) cet être suprêmement parfait, c'est-à-dire Dieu, existe." (Les Principes de la Philosophie de Descartes, 1 ère partie, démons. de la prop. 7 p.262-263) "La possibilité et la contingence ne sont pas des affections des choses. " (Pensées Métaphysiques, chap.3, p.347) "On dit qu'une chose est possible quand nous en connaissons la cause efficiente mais que nous ignorons si cette cause est déterminée. " (...) "Si, d'autre part, nous avons égard à l'essence d'une chose simplement mais non à sa cause, nous la dirons contingente; c'est-à-dire, nous la considérerons, pour ainsi parler, comme intermédiaire entre Dieu et une Chimère; parce qu'en effet nous ne trouvons en elle, l'envisageant du côté de l'essence, aucune nécessité d'exister, comme dans l'essence divine, et aucune contradiction ou impossibilité, comme dans une Chimère." "La possibilité et la contingence ne sont rien que des défauts de notre entendement. "(Ibid)

Corps : "Par corps, j'entends un mode qui exprime d'une façon définie et déterminée, l'essence de Dieu en tant qu'elle est considérée comme chose étendue" (Ethique, II, définition 1) "quid corpus possit, nemo hucusque determinavit" "Personne, en effet, n'a jusqu'ici déterminé ce que peut le corps, c'est-à-dire que l'expérience n'a jusqu'ici enseigné à personne ce que, grâce aux seules lois de la Nature, -en tant qu'elle et uniquement considérée comme corporelle, -le corps peut ou ne peut pas faire, à moins d'être déterminé par l'esprit. Car personne jusqu'ici n'a connu la structure du corps assez exactement pour en expliquer toutes les fonctions, et je ne veux rien dire ici de ce que l'on observe chez les bêtes et qui dépasse de loin la sagacité humaine, ni des nombreux actes que les somnambules accomplissent durant le sommeil et qu'ils n'oseraient pas faire éveillés ; ce qui prouve assez que le corps, par les seules lois de la nature, peut beaucoup de choses dont son esprit reste étonné." "D'où suit que les hommes, quand ils disent que telle ou telle action du corps a son origine dans l'esprit qui a de l'empire sur le corps, ne savent ce qu'ils disent et ne font qu'avouer ainsi en termes spéciaux qu'ils ignorent la vraie cause de cette action et ne s'en étonnent pas." (id, III scolie de la proposition 2) "La substance qui est le sujet immédiat de l'étendue, et des accidents qui présupposent l'étendue, comme de la figure, de la situation, du mouvement dans l'espace, etc., est appelée Corps." (Principes de la Philosophie de Descartes, p.247)

Corps humain : "Le Corps Humain est composé d'un très grand nombre d'individus (de nature diverse), dont chacun est très composé." (Ethique, II, postulat 1, trad. Pautrat) "Le Corps Humain a, pour se conserver, besoin d'un très grand nombre d'autres corps, qui pour ainsi dire le régénèrent continuellement." (ibid 4, trad. Pautrat)


Crainte : "La Crainte, au contraire, est une Tristesse inconstante, née aussi de l'image d'une chose douteuse." (Ethique, III scolie 2 de la prop.18)


Création : "...est créée toute chose dont l'essence est conçue clairement sans aucune existence bien qu'elle se conçoive par elle-même; comme par exemple la matière, dont nous avons un concept clair et distinct, quand nous la concevons sous l'attribut de l'étendue et que nous concevons avec une clarté et une distinction égales qu'elle existe ou n'existe pas." (Pensées Métaphysiques, partie II, chap.10, p.379)


Décret / Détermination : "…le décret de l'esprit, aussi bien que l'appétit et la détermination du corps, vont ensemble par nature, ou plutôt sont une seule et même chose que nous appelons Décret (Decretum) quand elle est considérée sous l'attribut de la Pensée et s'explique par lui, et que nous nommons Détermination quand elle est considérée sous l'attribut de l'Etendue et se déduit des lois du mouvement et du repos" (Ethique, III scolie de la proposition 2)

Deleuze invite a bien distinguer affectio (affection)d'affectus (affect). Il parle aussi d'une "force d'exister" (vis existendi). Pour un critère de la vertu et du vice : dans les lettres à Blyenberg (lettre 23) et Ethique, Livre 4, proposition 59, scolie.

Démocratie : "...la Démocratie se définit ainsi : l'union des hommes en un tout qui a un droit souverain collectif sur tout ce qui est en son pouvoir." (T.T.P, XVI, p.266) "Dans un Etat démocratique (c'est celui qui rejoint le mieux l'état de nature) nous avons montré que tous conviennent d'agir par un commun décret, mais non de juger et de raisonner en commun ; c'est-à-dire, comme les hommes ne peuvent penser exactement de même, ils sont convenus de donner force de décret à l'avis qui rallierait le plus grand nombre de suffrages, se réservant l'autorité d'abroger les décisions prises sitôt qu'une décision meilleure leur paraîtrait pouvoir être prise. Moins il est laissé aux hommes la liberté de juger, plus on s'écarte de l'état le plus naturel, et plus le gouvernement a de violence." (T.T.P, XX, p.334)

Désir (Cupiditas) : "cupiditas est ipsa hominis essentia" "Le Désir est l'essence même de l'homme, en tant qu'on la conçoit comme déterminée, par suite d'une quelconque affection d'elle-même, à faire quelque chose." (Ethique, III définition 1 des affects, trad. Pautrat) "Le désir est l'essence même de l'homme, c'est-à-dire l'effort par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans son être. C'est pourquoi le désir qui naît de la joie est aidé ou augmenté par ce sentiment même de joie ; et, au contraire, celui qui naît de la tristesse est diminué ou contrarié par ce sentiment même de la tristesse." (id, IV, démonstration de la prop. 18) "…chacun désire nécessairement ce qu'il juge être bon, et au contraire éprouve de l'aversion pour ce qu'il juge être mauvais." <unusquisque necessario appetit quod bonum et contra id aversatur quod malum esse judicat> (id, IV, démonstration de la prop. 19) "Personne ne peut désirer être heureux, bien agir et bien vivre, qu'il ne désire en même temps être, agir et vivre, c'est-à-dire exister en acte." (id, IV, prop.20) "En vain nous cherchons à désirer quelque chose qui nous soit extérieur, et que nous appelons le bonheur, le bien ou la vertu : nul ne désire être heureux, bien agir, vivre selon la vertu qui ne désire en même temps être, agir et vivre, c'est-à-dire exister en acte. Avant de désirer quoi que ce soit, je désire être. " (Alain, Spinoza, chap. 5 "De la Raison", p.55) La déf. de l'homme comme désir rend possible une nouvelle éthique cf. "D'une part en effet les principes de la conduite ne seront plus issus d'une condamnation du Désir mais de sa réalisation intelligente et harmonieuse." (Misrahi, Le Corps et l'Esprit..., p.95) "Par le Désir, l'homme est le fondement de ses valeurs." (id, p.96) "Il importe donc de comprendre comment nous pouvons passer ainsi de la passion à l'action, sans quitter pour cela le champ du désir." (Le Ratio. de Spinoza, p.305) "...la biologie, qui nous présente des vivants dont toute l'histoire dépend du désir constituant leur essence, et des rencontres que fait ce désir." (id p351) "Le Désir, avons-nous dit, est l'inclination qu'à l'âme pour quelque chose qu'elle choisit comme bon ; d'où suit qu'avant que notre désir tende extérieurement vers quelque objet, une décision a dû déjà être prise en nous, prononçant que cet objet est bon ; cette affirmation donc, ou, pris en général, le pouvoir d'affirmer et de nier, est appelé Volonté. (§2) Il s'agit de voir maintenant si cette affirmation a lieu par notre libre volonté ou par nécessité, c'est-à-dire si nous pouvons affirmer ou nier quelque chose d'une chose sans y être contraints par aucune cause extérieure." (Court Traité, II, 16 §§2-3, p.122) "...le Désir dépend de l'idée [qu'on a] des choses (...)" (id, II, 17, §3 p.127)

Deus : "Deus sive Natura" "Dieu, ou la Nature" (Ethique, IV préface) "la substance est, par définition, l'être même et l'absolument intelligible, l'être qui est absolument intelligible, "ce qui est en soi et est conçu par soi". Dieu, par définition, est donc substance"(…) "Non pas la somme empirique des êtres, mais l'être des êtres, qui les transcende en tant qu'ils sont des donnés particuliers, totalité de l'être, unité totale ou encore infinité d'être. La substance, ou Dieu, ne peut donc avoir un nombre fini d'attributs, par définition, elle est l'infinité d'attributs éternels et infinis" (Ethique, intro. Caillois p.19) "Les attributs de Dieu sont une infinité, mais nous n'en connaissons que deux : la pensée et l'étendue, également infinis, également intelligibles par eux-mêmes." (id intro. Caillois p.22) "…les hommes, par leur intelligence, sont des modes éternels conscients d'être dans le tout, conscients de leur éternité, des dieux qui ne seront jamais Dieu infini, mais toujours Deus quatenus. Telle est la béatitude, ou la satisfaction de l'esprit, ou joie suprême, ou encore liberté, puisqu'elle est la compréhension qu'a l'être d'être nécessairement ce qu'il est, compréhension qui est pure activité de l'esprit. Sans doute, cette prise de conscience ne change –t-elle rien à la détermination de l'essence que nous sommes, mais l'esprit qui le comprend est délivré de l'esclavage, de la confusion des images, de la passion, du temps et de la mort." (id, intro. Caillois p.38) "Per Deum intelligo ens absolute infinitum hoc est substantiam constantem infinitis attributis quorum unumquodque aeternam et infinitam essentiam exprimit" "Par Dieu, j'entends un étant absolument infini, c'est-à-dire une substance consistant en une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie." (Ethique, I, Définition 6, trad. Pautrat) "Dieu, autrement dit une substance constituée par une infinité d'attributs, dont chacun exprime une essence éternelle et infinie, existe nécessairement." (id,I, Proposition 11) "En dehors de Dieu, nulle substance ne peut être ni être conçue." (id, I, 14) "Tout ce qui est, est en Dieu, et rien, sans Dieu, ne peut ni être ni être conçu." (id, I, 15) "Toutes choses, dis-je, sont en Dieu, et tout ce qui arrive, arrive par les seules lois de la nature infinie de Dieu et découle de la nécessité de son essence." (id, I, 15 scolie) "De la nécessité de la nature divine doivent suivre une infinité de choses en une infinité de modes (c'est-à-dire tout ce qui peut tomber sous un entendement infini)." (id, I, 16) "Dieu est la cause efficiente de toutes les choses qui peuvent tomber sous un entendement infini." (id, I, 16 corollaire 1) "Dieu est cause par soi, et non par accident." (id, I, 16 corollaire 2) "Dieu est absolument cause première" (id, I, 16 corollaire 3) "Dieu agit d'après les seules lois de nature, et sans être contraint par personne." (id, I, 17) "Dieu est cause immanente (immanens), mais non transitive (transiens), de toutes choses." (id, I, 18) "L'existence de Dieu et son essence sont une seule et même chose" (id, I, 20) "Dieu n'est pas seulement cause que les choses commencent d'exister, mais encore qu'elles persévèrent dans l'existence : autrement dit (pour me servir d'un terme scolastique), Dieu est cause de l'être des choses" (id, I, 24 corollaire) "Dieu n'est pas seulement cause efficiente de l'existence des choses, mais encore de leur essence." (id, I, 25) "La puissance de Dieu est son essence même." (id, I, 34) "Tout ce que nous concevons être au pouvoir de Dieu, est nécessairement" (id, I, 35) "La pensée est un attribut de Dieu, autrement dit Dieu est chose pensante." (id, II, 1) "L'étendue est un attribut de Dieu, autrement dit Dieu est une chose étendue." (id, II, 2) "L'idée de Dieu, d'où suit une infinité de choses en une infinité de modes, ne peut être qu'unique." (id, II, 4) "Dieu est exempt de passions et n'est affecté d'aucun sentiment de joie ou de tristesse." (id, V, 17) "…Dieu n'est affecté d'aucun sentiment de joie ni de tristesse, et par conséquent il n'aime non plus personne et ne haît personne." (V corollaire de la proposition 17 ) "Personne ne peut haïr Dieu." (V, 18) "L'amour envers Dieu ne peut se changer en haine." (V corollaire de 18) "Mais on peut objecter que, si nous entendons Dieu comme cause de toutes choses, nous considérons Dieu par là même comme cause de tristesse. Je réponds que dans la mesure où nous comprenons les causes de la tristesse, elle cesse d'être une passion, c'est-à-dire qu'elle cesse d'être tristesse ; et par conséquent, dans la mesure où nous comprenons que Dieu est cause de tristesse, nous éprouvons de la joie." (V, scolie de la prop. 18) "Notre esprit, dans la mesure où il se connaît lui-même et connaît le corps, sous l'espèce de l'éternité, a nécessairement la connaissance de Dieu, et sait qu'il est en Dieu et est conçu par Dieu." (V, 30 pour une preuve de l'existence de Dieu, voir ce passage) "L'éternité est l'essence même de Dieu, en tant que celle-ci enveloppe l'existence nécessaire" (Démonstration de V, 30) "La substance que nous connaissons qui est par elle-même souverainement parfaite et dans laquelle nous ne concevons absolument rien qui enveloppe quelque défaut, c'est-à-dire quelque limitation de perfection, est appelée Dieu." (Principes de la Philosophie de Descartes, p.247) "L'existence de Dieu se connaît de la seule considération de sa nature. Démonstration. Dire que quelque chose est contenu dans la nature ou dans le concept d'une chose, c'est le même que de dire que ce quelque chose est vrai de cette chose (par la Définition 9). Or l'existence nécessaire est contenue dans le concept de Dieu (par l'Axiome 6). Donc il est vrai de dire de Dieu que l'existence nécessaire est en lui, ou qu'il existe" (ibid, I, prop.5, p.255) "L'existence de Dieu est démontrée aussi de cela seul que nous-mêmes, qui avons son idée, existons."(ibid, prop.7, p.257) "Dieu peut faire toutes les choses que nous percevons claire-ment en la manière que nous les percevons. Démonstration.Toutes ces choses suivent clairement de la Proposition précédente. L'existence de Dieu y est en effet déduite de ce que quelque être doit exister en qui soient toutes les perfections dont quelque idée est en nous. Or, nous avons en nous l'idée d'une puissance si grande que, par celui seul en qui elle réside, le ciel, la terre et toutes les autres choses connues par moi comme possibles puissent être faites. Donc, en même temps que l'existence, tout cela a été aussi prouvé de lui." (ibid, corollaire et démonstration de la prop.7, p.263) "Dieu est suprêmement connaissant" (ibid prop. 9 p.264) "Dieu est, par sa causalité, antérieur à l'essence et à l'existence des choses" (ibid prop.11, corollaire 4 p.268) "Dieu est un être tout à fait simple. Démonstration. Si Dieu était composé de parties, ces parties devraient être, de leur nature au moins, antérieures à Dieu (comme tous l'accorderont facilement) ce qui est absurde (par le Corollaire 4 de la Proposition 12). Dieu est donc un être tout à fait simple. COROLLAIRE. Il suit de là que l'entendement de Dieu, sa volonté, ou son Décret, et sa Puissance ne se distinguent de son essence que par une distinction de raison." (ibid prop.17 p.275) "Dieu est immuable. Démonstration. Si Dieu était changeant, il ne devrait pas changer partiellement, mais devrait être changé suivant la totalité de son essence (par la Proposition 17). Mais l'essence de Dieu existe nécessairement (par les Propositions 5, 6 et 7);donc Dieu est immuable." (ibid prop.18 p.276) "Dieu est éternel." (ibid prop.19, p.276) "Dieu a préordonné toutes choses de toute éternité. Démonstration. Puisque Dieu est éternel (par la Proposition précédente) sa connaissance sera éternelle, car elle appartient à son essence éternelle (par le Corollaire de la Proposition 17). Or, son entendement ne diffère pas réellement de sa volonté ou de son Décret (par le Corollaire de la proposition 17); donc, en disant que Dieu a connu toutes choses de toute éternité, nous disons du même coup qu'il les a ainsi voulues et décrétées de toute éternité." (ibid prop.20 p.277) (Principes de la Philo. de Descartes, 2e partie, scolie de la prop.2, p.286) "Dieu est la cause principale du mouvement." (ibid 2e partie, prop. 12 p.299) "La même quantité de mouvement et de repos que Dieu a imprimée une fois à la matière est conservée maintenant encore par son concours." (ibid 13 p.300) "en Dieu de qui l'essence ne se distingue pas de l'existence, la nécessité de l'essence ne se distingue pas non plus de la nécessité de l'existence" (Pensées Métaphysiques, chap.3 p.346) "L'attribut principal qu'il faut considérer avant tous les autres est l'Éternité de Dieu par où nous expliquons sa durée; ou plutôt, pour n'attribuer à Dieu aucune durée, nous disons qu'il est éternel. Car, ainsi que nous l'avons noté dans la première partie, la durée est une affection de l'existence, non de l'essence. Ainsi nous ne pouvons attribuer aucune durée à Dieu, son existence étant de son essence. " (id, partie II, chap.1 p.357) "Il existe, en outre, une puissance ordinaire et une extra-ordinaire de Dieu. Ordinaire est celle par où il conserve le monde dans un ordre déterminé; extraordinaire, celle dont il use, quand il fait quelque chose en dehors de l'ordre de la Nature, comme par exemple tous les miracles, tels que la parole donnée à l'ânesse, l'apparition des anges (p. 376) et autres semblables." (id, II, chap.9, pp.376-377) Dieu = cause de soi. Distinguer Dieu en tant que cause (Nature Naturante) de Dieu en tant qu'effet (Nature Naturée) "...ce qui est causé diffère de sa cause précisément en ce qu'il est dépendant de sa cause." (Ethique, I, 17 scolie) "...la relation de causalité se redouble, dans le spinozisme, d'une relation "d'expression" entre la Nature Naturante et la Nature Naturée." (Le Voca. de Spinoza, p.26) Dieu : "...je le définie comme un Etre constitué par une infinité d'attributs dont chacun, dans son genre, est infini, ou absolument parfait." (Lettre 2, Pléiade p.1061) "Vous m'avez demandé si j'ai de Dieu une idée aussi claire que du triangle. Je réponds que oui. Mais demander en revanche si j'ai de Dieu une image aussi claire que du triangle, je répondrai que non : nous pouvons en effet concevoir Dieu par l'entendement, non pas l'imaginer." (Spinoza, Lettre 56 à Hugo Boxel, Pléiade p.1247) "Extensio attributum Dei est sive Deus est res extensa" (Ethique, II, 2) "...Dieu seul à l'existence, et que toutes les autres choses ne sont pas des êtres mais des modes ; et puisque les modes ne peuvent pas être bien conçus sans l'être duquel ils dépendent immédiatement (...)" (C.T, II, 5, §10 p.101)


Distinction : "Il y a une substance par attribut du point de vue de la qualité, mais une seule substance pour tous les attributs du point de vue de la quantité." (Spinoza et le Pb de l'expression, p.30) "Le nouveau statut de la distinction réelle est essentiel : purement qualitative, quidditative ou formelle, la distinction réelle exclut toute division." (id p.31)


Distinction des affects : "Il recourt surtout à trois principaux types de partition au sein des affects : la distinction entre actions et passions, entre primitifs et composés, entre bons et mauvais en fonction de leur incidence sur la puissance d'agir." (L'unité du corps et de l'esprit, p.121) "En tout état de cause, il est indéniable qu'un certain nombre d'affects actifs, comme la vraie satisfaction d'esprit (mentis acquiescientia), l'amour intellectuel de Dieu, figurent dans la catégorie des affects mentaux, car ils naissent de la connaissance du troisième genre et se rapportent à l'esprit sans relation à l'existence présente du corps." (id. p.127) "Si allégresse et mélancolie, douleur et chatouillement s'enracinent dans le corps, ils s'accompagnent nécessairement de répercutions mentales, de sorte que le discours physique sur ces affects n'exclut pas des considérations sur l'esprit, mais les intègre à titre de corrélat." (id. p.128) "Réciproquement, les affects mentaux ne font pas totalement abstraction du corps." (id p.129) à propos des affects : "...ils naissent tous du Désir, de la Joie ou de la Tristesse, ou plutôt qu'ils ne sont rien en dehors de ces trois là ; mais on a coutume d'appeler chacun d'eux de noms variés, à cause de leurs relations variées et de leurs dénominations extrinsèques." (Ethique, III, définitions des affects, 48, explication) "Le cas le plus connu du changement de dénomination de l'amour que l'homme, qui se comprend clairement et distinctement lui-même, éprouve pour Dieu. Cet amour s'appelle "amour envers Dieu" (amor erga Deum), lorsqu'il est rapporté à l'esprit en relation avec le corps, et "amour intellectuel de Dieu", lorsqu'il se rapporte à l'esprit seul." (...) "Le premier se rapporte à Dieu, "en tant que nous l'imaginons présent" <Ethique, V, 32 corollaire> le second affecte l'esprit, en tant que nous comprenons que Dieu est éternel". <ibid>. L'un se décline sur le mode imaginatif de la présence de Dieu l'autre repose sur la conception adéquate de son éternité." (L'unité du corps et de l'esprit, p.131) "Par conséquent, si l'ordre et la connexion des idées des affections est le même que l'ordre et la connexion des affections du corps, cela n'implique pas que tout affect concerne le corps et l'esprit de la même manière. Il y a une spécificité de chacun d'eux, se sorte que l'un peut être davantage concerné que l'autre. Si l'affect comporte deux faces, il n'est pas tout d'une pièce ; son aspect physique et son aspect mental n'ont pas toujours la même importance et ne se recouvre pas terme à terme, selon une correspondance biunivoque. Un même affect peut avoir une incidence différente et des effets qui varient selon l'angle d'analyse plutôt physique, plutôt mental ou plutôt psychophysique sous lequel il est conçu." (id. p. 132)


Doute : "...il n'y a jamais dans l'âme de doute [produit] par la chose même dont on doute, ce qui veut dire que s'il n'y a dans l'âme qu'une seule idée, qu'elle soit vraie ou fausse, il n'y aura aucun doute, ni non plus de certitude, mais seulement une certaine sensation. En effet, [l'idée] n'est en soi rien d'autre qu'une certaine sensation. Mais il y aura [du doute] en vertu d'une autre idée, qui n'est pas suffisamment claire et distincte pour que nous puissions en inférer quelque chose de certain concernant la chose dont nous doutons ; ce qui veut dire que l'idée qui nous jette dans le doute n'est pas claire et distincte." (Traité de la Réf. §78) "D'où il suit que nous ne pouvons pas mettre en doute des idées vraies sous prétexte qu'il y aurait peut être quelque Dieu trompeur, qui nous tromperait même dans les choses les plus certaines, si ce n'est aussi longtemps que nous n'avons aucune idée claire et distincte de Dieu ; c'est-à-dire tant que nous nous appliquons à la connaissance que nous avons de l'origine de toutes choses, et ne trouvons rien qui nous apprenne que Dieu n'est pas trompeur par une connaissance du même genre que celle dont, lorsque nous fixons notre attention sur la nature du triangle, nous trouvons que ses trois angles sont égaux à deux droits. Mais si nous avons une connaissance de Dieu telle que nous avons du triangle, tout doute se trouve aboli." (id §79)


Doute cartésien : "Quelque autre cause de doute qu'il pût concevoir enfin, il ne s'en pourra trouver aucune qui ne le rende en même temps au plus haut point certain de sa propre existence. Bien mieux, plus il se trouvera de raisons de douter, plus il y aura aussi d'arguments pour le convaincre de son existence. Si bien que, de quelque côté qu'il se tourne pour douter, il n'en est pas moins contraint de s'écrier : je doute, je pense, donc je suis. Tout ce qui est perçu aussi clairement et distinctement que cette première vérité est vrai. Qu'il ne puisse y avoir d'autre fondement des sciences que celui-là, ce qui précède le montre avec une clarté suffisante et plus que suffisante, parce que tout le reste peut être révoqué en doute sans aucune peine, mais que cela ne peut l'être en aucune façon" (Principes de la Philosophie de Descartes, p.240)

Droit : droit naturel = limité par ma puissance.

"Par Droit et Institution de la Nature, je n'entends autre chose que les règles de la nature de chaque individu, règles suivant lesquelles nous concevons chaque être comme déterminé à exister et à se comporter d'une certaine manière. Par exemple les poissons sont déterminés par la Nature à nager, les grands poissons à manger les petits; par suite les poissons jouissent de l'eau, et les grands mangent les petits, en vertu d'un droit naturel souverain." (T.T.P, XVI, p.261) "Puisque mon droit naturel est limité, comme je l'ai montré, par ma seule puissance, il est certain que, si je puis par ruse me libérer du voleur en lui promettant (264) ce qu'il voudra, il m'est, par le Droit Naturel, loisible de le faire, autrement dit de conclure par ruse le pacte qu'il voudra. " (T.T.P, XVI, pp.264-265)


Dualisme : "Le dualisme cartésien de la pensée et de l'étendue ne s'oppose plus absolument, il se subordonne à l'affirmation de l'unité de la Nature ; s'il existait des substances distinctes ne se rapportant pas à un seul et même Etre, leur union serait impossible." (Le Spinozisme, p.19) "...Spinoza combat inlassablement le dualisme. Après avoir critiqué le dualisme âme-corps, il combat le dualisme interne à l'âme : l'opposition traditionnelle de la volonté et de l'entendement." (Misrahi, Le Corps et l'esprit dans la Philosophie de Spinoza, p.31) Spinoza = penseur de l'unité. "...nous y avons montré que l'idée du Corps et le Corps, c'est-à-dire (par la prop. 13 de cette p.) l'Esprit et le Corps, c'est un seul et même Individu, que l'on conçoit tantôt sous l'attribut de la Pensée, tantôt sous celui de l'Etendue ; et donc l'idée de l'Esprit et l'Esprit lui-même sont une seule et même chose, que l'on conçoit sous un seul et même attribut, à savoir sous l'attribut de la Pensée. L'idée, dis-je, de l'Esprit et l'Esprit lui-même se trouvent suivre de Dieu avec la même nécessité de la même puissance de penser." (Ethique, II, 21 scolie, trad. Pautrat)


Durée : "La durée est la continuité indéfinie d'existence." (II, définition 5) "Elle est l'attribut sous lequel nous concevons l'existence des choses créées en tant qu'elles persévèrent dans leur existence actuelle. D'où il suit clairement qu'entre la durée et l'existence totale d'une chose quelconque il n'y a qu'une distinction de Raison. Autant l'on retranche à la durée d'une chose, autant on retranche nécessairement à son existence.(p. 349) Pour déterminer la durée maintenant nous la comparons à la durée des choses qui ont un mouvement invariable et déterminé et cette comparaison s'appelle le temps." (Pensées Métaphysiques, chap.4, p.349-350) "...le mesure, le temps et le nombre ne sont que des manières de penser, ou plutôt d'imaginer." (Spinoza, Lettre 12, à Louis Meyer, du 20 avril 1663, Pléiade pp. 1098) "Si l'on divise la durée en parties, "il devient impossible de comprendre comment une heure, par exemple, peut passer." "Pour qu'elle passe en effet, il sera nécessaire que la moitié passe d'abord, puis la moitié du reste ; si l'on prend ainsi à l'infini la moitié du reste, on ne pourra jamais pervenir à la fin de l'heure. C'est pourquoi nombreux sont ceux qui, n'ayant pas l'habitude de distinguer les êtres de raison des choses réelles, ont osé prétendre que la durée est composée d'instants, tombant ainsi en Scylla pour avoir voulu éviter Charybde" <*Lettre 12 à Meyer> (L'idée de Vie..., p.163)


Ecriture : "Mais, je l'avouerai sans détours, je ne comprends pas l'Ecriture, bien que j'aie consacré un certain nombre d'années à l'étudier." (Spinoza, Lettre XXI à Blyenbergh, Pléiade pp.1145-1146 ) "Selon le Christ lui-même, l'Ecriture enseigne exclusivement à aimer Dieu par-dessus tout et le prochain comme soi-même. Les hautes spéculations n'ont rien à voir là-dedans. Personnellement je n'ai jamais appris, ni pu apprendre de l'Ecriture aucun des attributs de Dieu." (id, p.1153) "...Spinoza, même si en fait, comme nous le verrons, il a été influencé par la lecture de la Bible, estime qu'il aurait pu, en droit, retrouver sans elle les vérités qu'elle contient." (Alquié, Le Rationalisme de Spinoza, chap. I, 3, p.26) "...l'objet de l'Ecriture comme nous l'avons déjà montré, n'est pas de faire connaître les choses par des causes naturelles, mais seulement de raconter des choses qui puissent tenir une grande place dans l'imagination et cela suivant une méthode et dans un style propres à exciter le plus possible l'admiration et à imprimer (126) en conséquence la dévotion dans l'âme du vulgaire." (T.T.P, VI, pp. 127-127) "...presque tous substituent à la parole de Dieu leurs propres inventions et s'appliquent uniquement sous le couvert de la religion à obliger les autres à penser comme eux." (T.T.P, VII, p.137)


Election : "De là ressort aisément ce que l'on doit entendre par élection de Dieu ; nul en en effet n'agissant que suivant l'ordre prédéterminé de la Nature, c'est-à-dire par le gouvernement et le décret éternel de Dieu, il suit de là que nul ne choisit sa manière de vivre et ne fait rien, sinon par une vocation singulière de Dieu qui a élu tel individu de préférence aux autres pour telle oeuvre ou telle manière de vivre. Par fortune enfin, je n'entends rien d'autre que le gouvernement de Dieu en tant qu'il gouverne les choses humaines par des causes extérieures et inattendues." (T.T.P, III p.71) "...la nation hébraïque a été élue par Dieu plus que les autres, eu égard non à l'entendement ni à la tranquillité d'âme, amis au régime social et à la fortune qui lui donna un empire et lui conserva tant d'années." (T.T.P, III p.72) à propos des hébreux "Ce n'est pas non plus à l'égard de la vertu et de la vie vraie ; à cet égard ils furent égaux aux autres nations et très peu d'entre eux furent élus ; leur vocation et élection donc consiste dans la seule félicité temporelle de leur Etat et dans des avantages matériels." (id, p.73)


Eminence : Spinoza critique l'"éminence" cartésienne au nom de l'univocité de l'être. "Contre Descartes, Spinoza pose l'égalité de toutes les formes d'être, et l'univocité du réel qui découle de cette égalité. De tous les points de vue, la philosophie de l'immanence apparaît comme la théorie de l'Etre-un, de l'Etre égal, de l'Etre univoque et commun." (Spinoza et le Pb... p.152)


Entendement (Intellectus) : "Nous allons donc énumérer ici les propriétés de l'entendement, nous les étudierons et nous commencerons l'étude de nos instruments innés. (§107) Les propriétés de l'entendement que j'ai surtout remarquées et que je comprends clairement sont les suivantes : I. Il enveloppe la certitude, c'est-à-dire, il sait que les choses sont telles formellement qu'elles sont contenues en lui objectivement. II. Il perçoit certaines choses, c'est-à-dire il forme certaines idées, les unes absolument, les autres au moyens d'autres [idées]. Ainsi, il forme l'idée de la quantité d'une manière absolue, et ne se réfère pas à d'autres pensées. Les idées du mouvement, par contre, il ne les forme pas ainsi, mais il les forme en se référant à l'idée de la quantité. III. Celles qu'il forme absolument expriment l'infinité. Quant aux[idées] déterminées, il les forme à l'aide d'autres [idées]. L'idée de la quantité elle-même, s'il la perçoit par une cause, il la détermine ; comme quand il perçoit le corps s'engendrant par le mouvement du plan, le plan par celui de la ligne, enfin la ligne par celui du point (...)" "IV. Il forme les idées positives avant les négatives. V. Il perçoit les choses non pas tant sous [l'aspect] de la durée que sous un certain aspect d'éternité et du nombre infini. Ou plutôt, pour la perception des choses il ne fait attention ni au nombre, ni à la durée. Mais lorsque, par contre, il imagine les choses, il les perçoit sous [l'aspect d'] un nombre déterminé, d'une quantité et d'une durée déterminées." <je tronque l'énumération...> (Traité de la Réf. §§107-108) "...la partie éternelle de l'esprit est l'entendement, par lequel seul nous sommes dit actifs. Quant à cette partie que nous avons montrée qui périt, c'est l'imagination elle-même, par laquelle seule nous sommes dits passifs." (Ethique, V, 40 corollaire) "La causalité divine n'est jamais finale. Dieu ne peut causer en fonction d'une idée qu'il aurait préalablement, car l'entendement infini lui-même appartient à la Nature Naturée, c'est-à-dire est un mode, ou un effet." (Voca. de Spinoza, p.26) cf: "L'entendement en acte, qu'il soit fini ou infini, et de même la volonté, le désir, l'amour, etc., doivent être rapportés à la Nature Naturée, mais non à la Naturante." (Ethique, I, 31) = "L'entendement, même infini, n'est qu'un mode de l'attribut pensée." (Spinoza Philosophie Prat. p.89) "...l'entendement divin, selon Spinoza, n'est pas un entendement créateur, il est un mode, il est causé , notre entendement n'est pas son effet, mais sa partie. Et la véritable coupure n'est pas à établir entre l'entendement divin et l'entendement humain, mais entre Dieu et son propre entendement." (Le Ratio. de Spinoza, p.153) "La science de Dieu ne concorde pas plus avec la science humaine que le chien, signe céleste, avec le chien qui est un animal aboyant, et peut être lui ressemble-t-elle encore moins". (Pensées Métaphysiques, II, 11, Ap.I., pp.492-493) "Il est clair d'autre part que la Pensée-attribut n'est pas la pensée humaine, laquelle n'est qu'une partie de l'entendement infini, lui-même effet et mode de la Pensée. Les attributs étant d'un autre ordre que les modes, ils demeurent bien transcendants par rapport à eux." (Le Ratio. de Spinoza, p.159-160) "L'idée vraie ne dérive pas de la constatation de la chose, mais d'une autre idée, par la puissance du seul esprit. Le rapport invoqué pour rendre compte de notre savoir n'est plus celui de notre entendement avec ce qui lui demeure extérieur, mais celui de notre entendement avec l'Entendement infini, dont il est une partie." (id p.185) Dieu se pense lui même : proximité avec Aristote. / "Si l'entendement humain ne peut connaître que les attributs de la pensée et de l'étendue, c'est que son essence, consistant en cela seul qu'il est l'"idée d'un corps existant en acte", il ne peut partir, pour connaître la structure ontologique de l'être, que de l'expérience ontologique que chacun de nous a de son propre être ; il ne peut connaître que ce qui est contenu dans l'idée de ce corps, à savoir l'attribut de la pensée, dont cette idée est un mode, et l'attribut de l'étendue, dont l'idéat de cette idée, à savoir le corps, est un mode" (L'idée de Vie... p.18) "Le comprendre est un pur pâtir" (*Court Traité, XV, 5)


Espoir : "L'Espoir, en effet, n'est rien d'autre qu'une Joie inconstante, née de l'image d'une chose future ou passée dont l'issue nous paraît douteuse." (Ethique, III, 18, scolie 2)


Esprit : "Ce qui constitue, en premier lieu, l'être actuel de l'Esprit humain n'est rien d'autre que l'idée d'une chose singulière existant en acte." (Ethique, II, proposition 11) "…l'Esprit humain est une partie de l'entendement infini de Dieu; et par suite, lorsque nous disons que l'esprit humain perçoit ceci ou cela, nous disons seulement que Dieu, non en tant qu'il est infini, mais en tant qu'il s'explique par la nature de l'Esprit humain, autrement dit en tant qu'il constitue l'essence de l'Esprit humain, mais encore en tant qu'il possède, en même temps que l'Esprit humain, l'idée d'une autre chose, nous disons alors que l'Esprit humain perçoit la chose en partie, autrement dit de façon adéquate." (id, II, 11 corollaire) "Tout ce qui arrive dans l'objet de l'idée constituant l'Esprit humain doit être perçu par l'Esprit humain, autrement dit l'idée de cette chose sera nécessairement dans l'Esprit : c'est-à-dire que, si l'objet de l'idée constituant l'Esprit humain est un corps, rien ne pourra arriver dans ce corps qui ne soit perçu par l'Esprit." (id, II proposition 12) "L'idée qui constitue l'être formel de l'esprit humain n'est pas simple, mais composée d'un très grand nombre d'idées." (id, II, 15) "L'Esprit humain perçoit non seulement les affections du Corps, mais aussi les idées de ces affections." (id, II, 22 trad. Pautrat) "L'esprit ne se connaît lui-même qu'en tant qu'il perçoit les idées des affections du corps." (id, II, 23) "L'esprit humain ne perçoit de corps extérieur comme existant en acte que par les idées des affections de son propre corps." (id, II, 26) "Dans la mesure où l'esprit humain imagine un corps extérieur, il n'en a pas une connaissance adéquate." (corollaire de supra) "Notre esprit est en partie actif, mais en partie passif, savoir : dans la mesure où il a des idées adéquates, il est nécessairement actif, et dans la mesure où il a des idées inadéquates, il est nécessairement passif." (id, III, 1) "D'où suit que l'esprit est soumis à d'autant plus de passions qu'il a plus d'idées inadéquates, et, au contraire, qu'il est d'autant plus actif qu'il a plus d'idées adéquates." (corollaire de supra) "ce qui constitue l'essence de l'esprit n'est rien d'autre que l'idée du corps existant en acte." (id, III, 3 démonstration) "L'esprit, autant qu'il peut, s'efforce d'imaginer ce qui augmente ou aide la puissance d'agir du corps." (id, III, 12) "…l'esprit répugne à imaginer ce qui diminue ou contrarie sa puissance et celle du corps." (id, III, 13 corollaire) "La puissance de l'esprit sur les sentiments <affectus> consiste donc : 1°) Dans la connaissance même des sentiments ; 2°) Dans le fait que l'esprit sépare les sentiments de la pensée d'une cause extérieure que nous imaginons confusément ; 3°) Dans le temps qui fait que les affections qui se rapportent aux choses que nous comprenons, sont supérieures à celles qui se rapportent aux choses que nous concevons d'une façon confuse ou mutilée ; 4°) Dans la multitude des causes qui favorisent les affections qui se rapportent aux propriétés communes des choses ou à Dieu ; 5°) Enfin, dans l'ordre dans lequel l'esprit peut ordonner ses sentiments et les enchaîner entre eux" (…) "Car la force d'un sentiment quelconque se définit par la puissance d'une cause extérieure comparée à la nôtre. Or la puissance de l'esprit se définit par la seule connaissance, et son impuissance ou sa passion par la seule privation de connaissance, c'est-à-dire qu'elle s'estime par ce qui fait que les idées sont dites inadéquates." (id, V, 20 scolie) "L'esprit ne peut rien imaginer et ne peut se souvenir des choses passées que pendant la durée du corps." (id, V, 21) "L'esprit n'exprime l'existence actuelle de son corps et ne conçoit aussi les affections du corps comme actuelles que pendant la durée du corps." (démonstration de supra) "Il y a cependant nécessairement en Dieu une idée qui exprime l'essence de tel et tel corps humain sous l'espèce de l'éternité." (id, V, 22) "L'esprit humain ne peut être absolument détruit avec le corps, mais il en subsiste quelque chose qui est éternel." (id,V, 23) "Il y a nécessairement en Dieu un concept ou idée qui exprime l'essence du corps humain, et qui, pour cette raison, est nécessairement quelque chose qui appartient à l'essence de l'esprit humain. (…) Cependant, puisque ce qui est conçu avec une certaine nécessité éternelle par l'essence même de Dieu est quelque chose, ce quelque chose qui appartient à l'essence de l'esprit sera nécessairement éternel." (id, V, 23 démonstration) "Il y a donc une idée, avons-nous dit, qui exprime l'essence du corps sous l'espèce de l'éternité, et qui est un certain mode du penser qui appartient à l'essence de l'esprit et qui est nécessairement éternel. Et cependant il n'est pas possible que nous nous souvenions d'avoir existé avant le corps, puisque aucune trace n'en peut rester dans le corps, et que l'éternité ne peut être définie par le temps ni avoir aucune relation au temps. Mais néanmoins nous sentons et faisons l'épreuve que nous sommes éternels. Car l'esprit ne sent pas moins les choses qu'il conçoit par l'entendement que celles qu'il a dans la mémoire; En effet, les yeux de l'esprit, par lesquels il voit et observe les choses, sont les démonstrations elles-mêmes. Aussi, quoique nous ne nous souvenions pas d'avoir exister avant le corps, nous sentons cependant que notre esprit, en tant qu'il enveloppe l'essence du corps sous l'espèce de l'éternité, est éternel, et que cette existence de l'esprit ne peut être définie par le temps ou expliquée par la durée." (id, V, 23 scolie) "La substance dans laquelle réside immédiatement la pensée est appelée Esprit." (Principes de la Philosophie de Descartes, p.247) "L'idée fondamentale de Spinoza est que ce n'est pas l'esprit qui explique. C'est l'être qui s'explique lui-même, en se déployant. Il s'explique lui-même, comme il se pense lui-même." (L'idée de Vie dans la philo. de Spinoza, p.259) "Le terme mens ne désigne donc rien d'autre que la perception, ou plus exactement la conception, que l'homme se fait de son corps –et par extension du monde extérieur- à travers les divers états qui l'affectent." (C. Jaquet, L'Unité du Corps et de l'Esprit, p.7)


Essence : "Je dis qu'appartient à l'essence d'une chose ce qui, étant donné, fait que cette chose est nécessairement posée, et qui, supprimé, fait que cette chose est nécessairement supprimée, autrement dit, ce sans quoi la chose ne peut ni être, ni être conçue, et qui inversement ne peut, sans la chose, ni être, ni être conçu." (Ethique, II, définition 2)"Pour tout ce qui peut être conçu comme non existant, l'essence n'enveloppe pas l'existence." (id, I, Axiome 7) "Spinoza dit explicitement "pars potentiae", partie de puissance. Il dit que notre essence est une partie de l'essence divine. Partie de puissance c'est forcément une partie intensive. " (Deleuze, Cours à l'université de Vincennes, 20/01/81) Il y a chez Spinoza une identification de l'essence à la puissance. / "Il faut distinguer l'"essence objective", c'est-à-dire l'idée de l'idée d'une chose et l'"essence formelle" d'une chose, c'est-à-dire la chose telle qu'elle est en elle-même, mais l'essence objective et l'essence formelle d'une même chose ont exactement le même contenu." (S. Zac, L'idée de vie dans la Philosophie de Spinoza, p.142)


Etat : "Des fondements de l'Etat tels que nous les avons expliquer ci-dessus, il résulte avec la dernière évidence que sa fin dernière n'est pas la domination ; ce n'est pas pour tenir l'homme par la crainte et faire qu'il appartienne à un autre que l'Etat est institué ; au contraire c'est pour libérer l'individu de la crainte, pour qu'il vive autant que possible en sécurité, c'est-à-dire conserve, aussi bien qu'il se pourra, sans dommage pour autrui, son droit naturel d'exister et d'agir. Non, je le répète, la fin de l'Etat n'est pas de faire passer les hommes de la condition d'êtres raisonnables à celles de bêtes brutes ou d'automates, mais au contraire il est institué pour que leur âme et leur corps s'acquittent en sûreté de toutes leurs fonctions, pour qu'eux-mêmes usent d'une Raison libre, pour qu'ils ne luttent point de haine, de colère ou de ruse, pour qu'ils se supportent sans malveillance les uns les autres." (T.T.P, XX, p.329)


Etat de nature et état de société de l'homme : voir scolie II de la proposition 37 de la partie IV. droit naturel : suivre les lois de sa propre conservation. "mais la chute présuppose un Adam parfait en tant que créature. Cette idée paraît très drôle à Spinoza. Son idée c'est que ce n'est pas possible; à supposer que l'on se donne l'idée d'un premier homme, on ne peut se la donner comme celle de l'être le plus impuissant, le plus imparfait qui soit puisque le premier homme ne peut exister que au hasard des rencontres et des actions des autres corps sur lui-même. Donc, à supposer que Adam existe, il existe sur un mode de l'imperfection et de l'inadéquation absolue, il existe sur le mode d'un petit bébé qui est livré au hasard des rencontres" (Deleuze, Cours à l'université de Vincennes, 24/01/1978) sur Adam, cf Ethique, IV, 68 scolie et T.T.P chapitre IV


Etendue : "Le Vide est l'étendue sans substance corporelle. Entre l'Espace et l'étendue nous ne concevons qu'une distinction de raison, c'est-à-dire qu'il n'en est pas réellement distinct." (Principes de la Philosophie de Descartes, 2e partie, déf. 1, p.278) "Toute étendue peut être divisée au moins par la pensée." (id, axiome 1 p.282) "L'étendue ou l'espace (par l'Axiome t) ne peut être un pur néant; elle est donc un attribut qui doit nécessaire-ment appartenir à quelque chose. Ce n'est pas à Dieu (par la Proposition 16, partie I); c'est donc à une chose qui n'a besoin pour exister que du seul concours de Dieu (par la Proposition 12, partie I), c'est-à-dire à une substance (par la Définition 2, partie II)." (id, 2e partie, démonstrastion du lemme 1, p.283) "L'Espace et le Corps ne diffèrent pas réellement." (id, 2e partie corollaire de la prop. 2, p.285 )


Eternité : "l'intelligence fait l'expérience de son éternité dans la connaissance vraie : les démonstrations par lesquelles la raison conçoit les choses comme éternelles (car l'éternel n'est autre qu la nécessité de l'essence), voilà les yeux de l'esprit" (Ethique, intro. Caillois p.35) "L'esprit se conçoit comme (35) découlant immédiatement de la nature de Dieu, comme éternellement existant en Dieu, "comme un mode éternel du penser déterminé par un autre, et ainsi à l'infini, de sorte que tous constituent l'entendement éternel et infini de Dieu". (id, intro Caillois p.35-36) "Par éternité, j'entends l'existence elle-même, en tant qu'elle est conçue comme suivant nécessairement de la seule définition d'une chose éternelle." (Ethique, I, Définition 8) "- Ici nous dirons seulement qu'elle est l'attribut sous lequel nous concevons l'existence infinie de Dieu." (Pensées Métaphysiques, chap.4, p.349) "...nous ne saurions prétendre à une éternité analogue à celle de Dieu ou de ses attributs. Contrairement à la leur, notre essence n'enveloppe pas l'existence. Notre éternité ne peut donc prendre source qu'en un être différent de nous-mêmes. Elle provient de ce que l'entendement divin pense éternellement notre essence." (Le Ratio. de Spinoza, p.169) "Se sentir éternel, c'est penser son propre corps à la manière dont Dieu pense ce corps, sous l'aspect de l'éternité. Et, ce qui est éternel en nous, la "partie" de notre âme qui peut échapper au temps et demeurer après la destruction du corps, appartient en réalité à Dieu." (id p.323) "Pour sentir et expérimenter que nous sommes éternels, il suffit d'entrer dans le troisième genre de connaissance, c'est-à-dire de former l'idée de nous mêmes telle qu'elle est en Dieu." (Spinoza et le Problème... p.293) "Qui corpus ad plurima aptum habet, is mentem habet cujus maxima pars est æterna." "Qui a un corps apte au plus grand nombre d'actions, a un esprit dont la plus grande partie est éternelle" (Ethique, V, 39)


Etonnement : "Cette passion, puisqu'elle naît ou de préjugés ou de l'ignorance, est une imperfection dans l'homme sujet à cette disposition de l'âme. Je dis une imperfection parce que l'étonnement par lui-même ne conduit à rien de mauvais." (C.T, II, 4 §11 p.98)


Etre : "l'Être par où j'entends : Tout ce que, quand nous en avons une perception claire et distincte, nous trouvons qui existe nécessairement ou au moins peut exister." (Pensées Métaphysiques, chap.1, p.337 ) "Une Chimère, un Être forgé et un Être de Raison ne sont pas des Êtres" (ibid)


Etre actif / passif : "Je dis que nous sommes actifs lorsque, en nous ou hors de nous, il se produit quelque chose dont nous sommes la cause adéquate, c'est-à-dire (selon la définition précédente) lorsque de notre nature il suit en nous ou hors de nous quelque chose que l'on peut comprendre clairement et distinctement par elle seule. Mais je dis, au contraire, que nous sommes passifs, lorsque nous ne sommes que la cause partielle." (Ethique, III définition 2)

Être de l'Essence, de l'Existence, de l'Idée et de la Puissance : "On voit clairement par là ce qu'il faut entendre par ces quatre être. En premier lieu, l'Être de l'Essence n'est rien d'autre que la façon dont les choses créées sont comprises dans les attributs de Dieu; l'Être de l'Idée, en second lieu, se dit en tant que toutes choses sont contenues objectivement dans l'idée de Dieu; l'Être de la Puissance ensuite se dit en ayant égard à la puissance de Dieu, par laquelle il a pu dans la liberté absolue de sa volonté créer tout ce qui n'existait pas encore; enfin, l'Être de l'Existence est l'essence même des choses en dehors de Dieu et considérée en elle-même, et il est attribué aux choses après qu'elles ont été créées par Dieu. Ces quatre « être » ne se distinguent les uns des autres que dans les créatures. - Il apparaît clairement par là que ces quatre être ne se distinguent que dans les choses créées mais non du tout en Dieu. Car nous ne concevons pas que Dieu ait été en puissance dans un autre (p. 342) être et son existence comme son entendement ne se distinguent pas de son essence." (Pensées Métaphysiques, chap. 2, pp. 342-343)


Etre de raison : "...certaines choses sont dans notre entendement et non dans la Nature : elles ne sont ainsi que notre oeuvre propre et ne servent qu'à concevoir distinctement les choses ; parmi elles nous comprenons toutes les relations qui ont trait à différentes choses et nous les appelons Etres de Raison." (Court Traité, I, 10 §1, p.83) "...le bien et le mal appartiennent-ils aux Etres de Raison ou aux Etres Réels? Mais, considérant que le bien et le mal ne sont autre chose que des relations, il est hors de doute qu'il faut les ranger parmi les Etres de Raison ; car jamais on ne dit qu'une chose est bonne sinon par rapport à quelque autre qui n'est pas si bonne ou ne nous est pas si utile qu'une autre ; ainsi on ne dit qu'un homme est mauvais que par rapport à un [autre] qui est meilleur ; ou encore qu'une pomme est mauvaise que par rapport à une autre qui est bonne ou meilleure." (ibid, §2)


Etre fini : "Est dite finie en son genre, la chose qui peut être limitée par une autre de même nature. <Ea res dicitur in suo genere finita quae alia ejusdem naturae terminari potest> Par exemple, un corps est dit fini parce que nous en concevons toujours un autre plus grand. De même, une pensée est limitée par une autre pensée. Mais un corps n'est pas limité par une pensée, ni une pensée par un corps" (Ethique, I, Définition 2) "Ex necessitate divinae naturae infinita infinitis modis (hoc est omnia quae sub intellectum infinitum cadere possunt) sequi debent" <"De la nécessité de la nature divine doivent suivre une infinité de choses en une infinité de modes (c'est-à-dire tout ce qui peut tomber sous un entendement infini"> (id, I, 16) (="Dieu fait tout ce qu'il conçoit et conçoit tout ce qu'il fait." Le Rationalisme de Spinoza, p.151) "L'essence des choses produites par Dieu n'enveloppe pas l'existence." (id, I, proposition 24) "Toute idée d'un corps quelconque, ou d'une chose singulière existant en acte, enveloppe nécessairement l'essence éternelle et infinie de Dieu." (id, II proposition 45) "Je parle, en effet, de la nature même de l'existence, laquelle est attribuée aux choses singulières, parce que de la nécessité éternelle de la nature de Dieu suivent une infinité de choses en une infinité de modes. Je parle, dis-je, de l'existence même des choses singulières, en tant qu'elles sont en Dieu. Car, bien que chacune soit déterminée par une autre chose singulière à exister d'une certaine façon, cependant la force (vis) qui fait que chacune persévère dans l'existence suit de la nécessité éternelle de la nature de Dieu." (scolie de supra) "Substance, attributs, modes infinis et modes finis sont le système conceptuel qui permet de n’expliquer la Nature que par la Nature (sans mystère ni transcendance), tout en respectant l’opposition fondamentale entre le fini et l’infini. Mais c’est sur un plan homogène horizontal et méthodologique (celui de la raison) que ces deux aspects du réel s’opposent ; ils sont instruments de connaissance et détermination d’une même nature, et non pas régions ontologiques hétérogènes." (Robert Misrahi, Universalis, art. "Spinoza et spinozisme")


Expliquer : <ce terme> "Il ne signifie pas une opération de l'entendement extérieur à la chose, mais une opération de la chose intérieure à l'entendement." (Deleuze, Spinoza Philo. Prat. p.103)


Expression : "...l'idée d'expression résume toutes les difficultés concernant l'unité de la substance et la diversité des attributs. La nature expressive des attributs apparaît alors comme un thème fondamental dans le premier livre de l'Ethique." (Spinoza et le Problème de l'Expression. p.9) "En premier lieu, la substance s'exprime dans ses attributs, et chaque attribut exprime une essence. Mais, en second lieu, les attributs s'expriment à leur tour : ils s'expriment dans les modes qui en dépendent, et chaque mode exprime une modification." (...) "L'expression n'est pas en elle-même une production, mais le devient à son second niveau, quand c'est l'attribut qui s'exprime à son tour." (id p.10) "L'expression se présente comme une triade. Nous devons distinguer la substance, les attributs, l'essence. La substance s'exprime, les attributs sont des expressions, l'essence est exprimée." (...) "...distinguer trois termes : la substance qui s'exprime, l'attribut qui l'exprime, l'essence qui est exprimée." (id p.21) "...l'essence de la substance n'existe pas hors des attributs qui l'expriment, si bien que chaque attribut exprime une certaine essence éternelle et infinie. L'exprimé n'existe pas hors de ses expressions, chaque expression est comme l'existence de l'exprimé. " (id p.34) "L'exprimé n'exprime pas hors de son expression, mais il est exprimé comme l'essence de ce qu'il exprime. Nous retrouvons toujours la nécessité de distinguer ces trois termes : la substance qui s'exprime, les attributs qui sont des expressions, l'essence exprimée." (id p.35) "Le concept d'expression s'applique à l'Etre déterminé comme Dieu, pour autant que Dieu s'exprime dans le monde. Il s'applique aux idées déterminées comme vraies, pour autant que les idées vraies expriment Dieu et le monde." (id, p.299)


Fausseté : "La fausseté consiste en une privation de connaissance, qu'enveloppent les idées inadéquates, autrement dit mutilées confuses." (Ethique, II, proposition 35) "Les idées inadéquates et confuses suivent les unes des autres avec la même nécessité que les idées adéquates, autrement dit claires et distinctes." (id, II, 36) "L'idée fausse n'est autre que celle qui n'a pas atteint tout le développement de l'essence à laquelle elle correspond : elle est mutilée, confuse, et donc inadéquate." (Le Ratio. de Spinoza, p.216)


Fermeté / générosité : "…par Fermeté, j'entends le Désir par lequel chacun s'efforce de conserver son être d'après le seul commandement de la Raison. Et par Générosité, j'entends le Désir par lequel chacun s'efforce, d'après le seul commandement de la Raison, d'aider les autres hommes et de se lier avec eux d'amitié. Aussi, les actions qui tendent à la seule utilité de l'agent, je les rapporte à la Fermeté, et celles qui tendent à la seule utilité d'autrui, je les rapporte à la Générosité." (Ethique, III, 59 scolie)




Foi : "...en vertu du fondement posé, elle doit se définir comme consistant seulement à attribuer à Dieu par la pensée des caractères tels que l'ignorance de ces caractères doive entraîner la destruction de l'obéissance, et que, l'obéissance étant posée, ces caractères soient nécessairement posés (....) Je vais montrer maintenant brièvement ce qui en suit : 1°) la Foi est productrice du salut non par elle-même, mais eu égard seulement à l'obéissance, ou comme le dit Jacques (ch. II, 17) (241), la foi sans les oeuvres est morte." (T.T.P, XIV, pp.241-242)


Formellement / éminemment : "Les mêmes choses sont dites être formellement dans les objets des idées quand elles sont en eux telles que nous les percevons; et éminemment quand elles n'y sont pas telles, à la vérité, mais si grandes qu'elles puissent tenir lieu de celles qui seraient telles. On observera que, si je dis qu'une cause contient éminemment les perfections de son effet, je veux signifier par là que la cause contient les perfections de l'effet plus excellemment que ne les contient l'effet lui-même " (Principes de la Philosophie de Descartes, p.246)


Haine : "La Haine est une inclination à écarter de nous ce qui nous a causé quelque mal." (Court Traité, II, 6 §1 p.103) "la Haine <n'est>, rien d'autre que la tristesse accompagnée de l'idée d'une cause extérieure. Nous voyons aussi que celui qui aime s'efforce nécessairement d'avoir et de conserver présente la chose qu'il aime et, au contraire, celui qui hait s'efforce d'écarter et de détruire la chose qu'il hait." (Ethique, III, 13 scolie) "Celui qui imagine la destruction de ce qu'il hait se réjouira." (id, III, 20) "Celui qui imagine ce qu'il hait comme affecté de tristesse se réjouira ; si au contraire, il l'imagine comme affecté de joie, il sera attristé : et l'un et l'autre de ces sentiments seront proportionnels à leur contraire dans la chose haïe." (id, III, 23) "Si nous imaginons que quelqu'un affecte de joie une chose que nous haïssons, nous serons affectés de haine aussi contre lui. Si, au contraire, nous imaginons qu'il affecte de tristesse cette même chose, nous serons affectés d'amour envers lui." (id, III, 24) "Nous nous efforçons d'affirmer de la chose que nous haïssons tout ce que nous imaginons l'affecter de tristesse ; et, au contraire, de nier tout ce que nous imaginons l'affecter de joie." (id, III, 26) "Si l'on commence à haïr la chose aimée, de sorte que l'amour soit complètement anéanti, on éprouvera pour elle, à motif égal, une haine plus grande que si on ne l'avait jamais aimée, et d'autant plus grande que notre amour aura été plus grand." (id, III, 38) "Haïr quelqu'un, c'est (…) l'imaginer comme cause de tristesse ; et par conséquent (…) celui qui hait quelqu'un s'efforcera de l'écarter ou de le détruire." (id, III, 39 démonstration) "La haine est augmentée par une haine réciproque, et peut, au contraire, être détruite par l'amour." (id, III, 43) "La haine qui est complètement vaincue par l'amour se change en amour ; et pour cette raison, l'amour est plus grand que si la haine ne l'avait pas précédé." (id, III, 44)


Homme : "L'essence de l'homme n'enveloppe pas l'existence nécessaire, c'est-à-dire que, selon l'ordre de la nature, il peut se faire que cet homme-ci ou cet homme-là existe ou n'existe pas." (Ethique, II, axiome 1) "L'homme pense" (id, II, axiome 2) "...l'homme est constitué d'un Esprit et d'un Corps, et que le Corps humain existe tel que nous le sentons." (id, II, 13 corollaire, Pautrat) "La force par laquelle l'homme persévère dans l'exister est limitée, et la puissance des causes extérieures la surpasse infiniment." (id, IV, 3, trad. Pautrat) "A l'homme, rien de plus utile à l'homme <Homini igitur nihil homine utilius> ; les hommes, dis-je, ne peuvent rien souhaiter de supérieur pour conserver leur être que d'être tous d'accord en toutes choses, de façon que les esprits et les corps de tous composent pour ainsi dire un seul esprit et un seul corps, et qu'ils s'efforcent tous en même temps, autant qu'ils peuvent, de conserver leur être, et qu'ils cherchent tous en même temps ce qui est utile à tous." (id, IV, 18 scolie) "…presque tout le monde dit que l'homme est un Dieu pour l'homme." (id, IV, 35 scolie) "C'est un homme sage, dis-je, de se réconforter et de réparer ses forces grâce à une nourriture et des boissons agréables prises avec modération, et aussi grâce aux parfums, au charme des plantes verdoyantes, de la parure, de la musique, des jeux du gymnase, des spectacles, etc., dont chacun peut user sans faire tort à autrui." (id, IV, 45 scolie) "...notre âme est une affection ou modification de Dieu sous l'attribut pensée, comme notre corps, une affection ou modification de Dieu sous l'attribut étendue." (Spinoza et le Pb... p.130)


Humanité : "L'humanité ou modestie est le désir de faire ce qui plaît aux hommes, et de renoncer à ce qui leur déplait." (Ethique, III, définition 43 des affects)


Idée : "L'idée s'affirme d'elle-même, elle est toujours jugement (28), position et non image flottante devant l'esprit ; volonté et entendement sont une seule et même chose." (Ethique, Intro Caillois p.28-29) "Par idée, j'entends un concept de l'Esprit, que l'Esprit forme pour ce qu'il est une chose pensante" (Ethique, II, définition 3, trad. Pautrat) "Je dis concept plutôt que perception, parce que le nom de perception semble indiquer que l''Esprit pâtit d'un objet. Alors que concept semble exprimer une action de l'esprit" (id. explication de supra, trad.Pautrat) "…les idées, tant des attributs de Dieu que des choses singulières, admettent pour cause efficiente, non les objets mêmes qu'elles représentent, -autrement dit les choses perçues,- mais Dieu lui-même en tant qu'il est chose pensante" (id, II, proposition 5) "Ordo et connexio idearum idem est ac ordo et connexio rerum" "L'ordre et la connexion des idées sont les mêmes que l'ordre et la connexion des choses." (id, II, 7) "D'où suit que la puissance de penser de Dieu est égale à sa puissance actuelle d'agir. C'est-à-dire que tout ce qui suit formellement de la nature infinie de Dieu, suit objectivement en Dieu de l'idée de Dieu, dans le même ordre et selon la même connexion." (id, II, 7 corollaire) "Toutes les idées, en tant qu'elles sont rapportées à Dieu sont vraies.*" (id, II, 32) "Il n'y a dans les idées rien de positif qui permette de les dire fausses." (id, II, 33) "Toute idée qui en nous est absolue –autrement dit adéquate et parfaite – est vraie." (id, II, 34) *"elles ne sont inadéquates et confuses qu'en tant qu'elles sont rapportées à un esprit singulier." (id, II, 36 démonstration) "Il est nécessaire aussi de bien faire la distinction entre les idées et les mots par lesquels nous désignons les choses." (id, II, 49 scolie) "J'entends par le nom d'idée cette forme d'une pensée quelconque, par la perception immédiate de laquelle j'ai conscience de cette pensée même." (Principes de la Philosophie de Descartes, p.246) "Les trois espèces d'idées que Spinoza distingue, ce sont des idées affections (affectio); on va voir que l'affectio, contrairement à l'affectus, c'est un certain type d'idées. Il y aurait donc premièrement des idées affectio, deuxièmement il nous arrive aussi d'avoir des idées que Spinoza appelle des notions, et troisièmement pour un petit nombre d'entre nous, parce que c'est très difficile, il arrive d'avoir des idées essences. " (...) "...la première sorte d'idées pour Spinoza c'est tout mode de pensée qui représente une affection du corps ... c'est à dire le mélange d'un corps avec un autre corps, ou bien la trace d'un autre corps sur mon corps sera nommée idée d'affection. C'est en ce sens qu'on pourrait dire que c'est une idée-affection, c'est le premier type d'idées. Et ce premier type d'idées répond à ce que Spinoza nomme le premier genre de connaissance." (...) "En vertu de quelle constitution corporelle l'argile durcit-elle sous l'action du soleil ? Tant que j'en reste à la perception de l'affection, je n'en sais rien. On dira que les idées-affections sont des représentations d'effets sans leurs causes, et c'est précisément cela que Spinoza appelle des idées inadéquates." (Deleuze, Cours à l'Université de Vincennes, 24/01/1978) "L'idée vraie (car nous avons une idée vraie) est quelque chose de différent que son idéat ("ideato")<objet>. En effet, autre est le cercle, et autre l'idée du cercle." (Traité de la Réf. §33) "...pour savoir que je sais, il faut nécessairement d'abord que je sache. (34). D'où il appert que la certitude n'est rien d'autre que l'essence objective elle-même ; c'est-à-dire, que la manière, dont nous sentons l'essence formelle, est la certitude elle-même (modus, quo sentimus essentiam formalem, est ipsa certitudo). D'où il appert à nouveau que pour avoir la certitude de la vérité il n'est besoin d'aucun autre signe que la possession de l'idée vraie" (id §34-35) "Les idées ne sont pas autre chose en effet que des récits ou des histoires de la nature dans l'esprit." (Pensées Métaphysiques, chap.6 p.352) "...l'idée représente une chose ou un état de choses, tandis que le sentiment (affect, affectus) enveloppe le passage à une perfection plus ou moins grande correspondant à la variation des états. Il y a donc à la fois primat de l'idée sur le sentiment et différence de nature entre les deux." (Spinoza Philo. Prat., p.105)


Idée adéquate : "Par idée adéquate j'entends une idée qui, en tant qu'elle est considérée en soi, sans relation à un objet, a toutes les propriétés ou présente tous les signes intrinsèques d'une idée vraie." (Ethique, II, définition 4) "Une idée vraie en nous est celle qui est adéquate en Dieu, en tant qu'il s'explique par la nature de l'esprit humain. Supposons donc qu'il y ait une idée adéquate A en Dieu, en tant qu'il s'explique par la nature de l'esprit humain. De cette idée il doit y avoir nécessairement aussi en Dieu une idée qui se rapporte à Dieu de la même façon que l'idée A." (id, II, 43 démonstration) "Il n'est aucune affection du corps dont nous ne puissions former quelque concept clair et distinct." (id, V, 4) "comme l'idée est distincte de l'objet, puisque Pierre, Paul ou Jacques peuvent former chacun une idée d'un même objet, la vérité d'une idée serait un caractère extrinsèque de l'idée, un rapport entre l'idée et autre chose que l'idée. Une idée ne pourrait donc être connue et reconnue comme vraie que si on la compare avec son objet. Or on comprend aisément qu'une telle comparaison est impossible, puisque, par exemple, ce que j'appelle le cheval réel, c'est justement l'idée que j'ai de ce cheval, et rien de plus, et qu'ainsi je ne puis comparer une idée d'un objet qu'à une autre idée du même objet. En admettant donc que l'idée vraie seule soit conforme à l'objet, nous sommes obligés d'accorder pourtant que ce n'est pas d'après cette conformité avec l'objet que nous pourrons reconnaître l'idée vraie. Et il faudra, ou bien que nous n'ayons aucun moyen de savoir si une idée est vraie, ou bien que l'idée vraie se distingue encore de l'idée fausse par quelque caractère intrinsèque. " (Alain, Spinoza, chap. 1 "La méthode Réflexive") "Pour savoir si une idée est vraie, il n'est donc pas nécessaire de regarder autre chose qu'elle. Il y a certainement dans les idées quelque chose de réel par quoi les idées vraies se distinguent des fausses. Il y a certainement une manière de penser qui, par elle-même, est vraie. Ce n'est pas de l'objet qu'il faut rapprocher l'idée pour savoir si l'idée est vraie, c'est d'un type de l'idée vraie, d'une manière vraie de penser. D'où l'on voit que la vérité d'une idée est dans la façon dont cette idée est idée, et, comme on dit, dans sa forme, et qu'elle dépend uniquement de la nature et de la puissance de l'intellect." (...) "Ainsi, la vérité d'une idée résulte de la manière dont elle est pensée, c'est-à-dire d'un certain usage que l'on fait de l'intellect, d'une certaine méthode que l'on suit. Et cette méthode semble être la déduction correcte, c'est-à-dire la représentation précise des causes et des propriétés de ce qui est affirmé. " (...) "Nous savons donc dès maintenant que, puisque nous voulons étudier l'Homme, la Nature et Dieu dans leur vérité, nous devons renoncer à la connaissance des choses changeantes et périssables dont nous constatons l'existence. " (...) "Il n'y a de vérité que de l'essence, et l'essence doit être cherchée dans les choses éternelles et fixes comme sont la sphère et le cercle." (...) ". Si l'on ne voit pas d'avance intuitivement ce que l'on veut démontrer ou déduire, jamais on n’aura l'idée de faire une déduction ou une démonstration." (ibid) "Sans doute il nous semble qu'au cours de la démonstration la certitude se fait en nous peu à peu ; mais pourtant cela est impossible. Il faut bien qu'à chacun des moments de la démonstration nous soyons immédiatement certains." (...) "en réalité, nous ne faisons que relier les unes aux autres des intuitions, et tout l'art de la démonstration est à déduire une vérité complexe 2 + 2 = 4 de plusieurs intuitions immédiates et indécomposables 2 = 1 + 1, 2 + 2 = 2 + 1 + l, 2+1=3, 3+1= 4. Si on ne compose pas la démonstration de propositions assez simples pour qu'on les saisisse immédiatement et sans démonstration, il n'y aura pas de démonstration. " (...) "La certitude est donc immédiate et instantanée et elle précède toute réflexion sur la certitude. En d'autres termes, si l'acte de connaître le vrai n'est pas immédiat et instantané, il ne sera jamais; car, au moment où il sera, il faudra toujours qu'il soit immédiat et instantané. Il faut entrer dans le vrai ou rester dehors. " (ibid) "Entre l'idée vraie et l'idée adéquate, je ne reconnais aucune autre différence que celle-ci : le mot "vraie" se rapporte uniquement à l'accord de l'idée et de son idéat (ideatum), tandis que le mot "adéquate" concerne la nature de l'idée en elle-même ; il n'y a ainsi aucune différence de fait entre ces deux sortes d'idées, si ce n'est cette relation extrinsèque." (Lettre 60 à Walther de Tschirnhaus, Pléiade p.1256) "Le terme "adéquat", chez Spinoza, ne signifie jamais la correspondance de l'idée avec l'objet qu'elle représente ou désigne, mais la convenance interne de l'idée avec quelque chose qu'elle exprime. Qu'est-ce qu'elle exprime? Considérons d'abord l'idée comme la connaissance de quelque chose. Elle n'est une vraie connaissance que dans la mesure où elle porte sur l'essence de la chose : elle doit "expliquer" cette essence. Mais elle n'explique l'essence que dans la mesure où elle comprend la chose par sa cause prochaine : elle doit exprimer cette cause même, c'est-à-dire "envelopper" la connaissance de la cause." (Spinoza et le Pb... p.118) "L'idée adéquate, c'est précisément l'idée comme exprimant sa cause." (id p.119) "Lorsque Spinoza affirme que, pour s'assurer de la vérité, aucune référence à un objet extérieur n'est nécessaire, il veut dire que la vérité est une qualité de l'idée et du jugement qu'elle véhicule et non de la chose qui s'y rapporte. C'est l'idée qui est vraie et non la chose. Ce n'est que par métaphore que nous disons de l'or vrai ou de l'or faux, comme si l'or qui nous est présenté racontait quelque chose sur lui même, ce qui est ou ce qui n'est pas lui."<cf autre trad. *Pensées Métaphysiques éd. GF, I, chap.6 p.352>" (L'idée de vie..., p.143) "...une idée est adéquate lorsqu'elle ne requiert aucune autre condition d'intelligibilité que son appartenance à l'âme dont elle est un élément, et s'y forme de manière parfaitement claire." (Fraisse, L'Oeuvre de Spinoza, p.148) "...les idées qui dans l'esprit de quelqu'un sont adéquates en Dieu, en tant qu'il constitue l'essence de cet Esprit, et ensuite celles qui sont inadéquates dans l'Esprit sont elles aussi adéquates en Dieu" (Ethique, III, 1 démonstration)


Imagination : "Comme il y a de nombreuses choses, en effet, que nous ne pouvons saisir que par l'entendement et en aucune manière par l'imagination, telles la substance, l'éternité, etc., on s'applique vraiment à déraisonner par l'imagination si l'on tente d'expliquer de tels concepts à l'aide de notions comme le temps, la mesure, etc., qui ne sont que des auxiliaires de cette imagination. Même les modes de la substance ne peuvent être connus correctement si on les confonds avec ces êtres de raison ou auxiliaires de l'imagination. Quand nous faisons cette confusion, en effet, nous les séparons de la substance et de la manière dont ils découlent de l'éternité, négligeant ainsi ce sans quoi ils ne peuvent être correctement connus. Pour le voir plus clairement, prenons cet exemple : si l'on conçoit abstraitement la durée, et si, la confondant avec le temps, on commence à la diviser en parties, il devient impossible de comprendre comment une heure, par exemple, peut passer. Pour qu'elle passe en effet, il sera nécessaire que la moitié passe d'abord, puis la moitié du reste et ensuite la moitié de ce nouveau reste ; si l'on prend ainsi à l'infini la moitié du reste, on ne pourra jamais parvenir à la fin de l'heure. C'est pourquoi nombreux sont ceux qui, n'ayant pas l'habitude de distinguer les êtres de raison des choses réelles, ont osé prétendre que la durée est composée d'instants, tombant ainsi en Scylla pour avoir voulu éviter Charybde. Vouloir composer la durée avec des instants, cela revient en effet à vouloir composer un nombre avec des zéros. En outre, on voit assez par ce qui vient d'être dit que ni le nombre, ni la mesure, ni le temps, puisqu'ils ne sont que des auxiliaires de l'imagination, ne peuvent être infinis : car autrement le nombre ne serait plus le nombre, ni la mesure, mesure, ni le temps, temps ; de là on voit clairement pourquoi, confondant ces trois êtres de raison avec les choses réelles dont on ignore la vraie nature, on nie fréquemment l'infini en acte." (Spinoza, Lettre 12, à Louis Meyer, du 20 avril 1663, Pléiade p. 1099)

Impossible/nécessaire/possible : "J'appelle impossible une chose dont la nature implique qu'il est contradictoire qu'elle existe ; nécessaire, une chose dont la nature implique qu'il est contradictoire qu'elle n'existe pas ; possible, une chose dont l'existence, par sa nature même, n'implique aucune contradiction – qu'elle existe ou n'existe pas – mais dont la nécessité ou l'impossibilité d'existence dépend de causes que nous ignorons aussi longtemps que nous formons la fiction de son existence" (Traité de la Réf. §53) Individu : "Les corps se distinguent les uns des autres sous le rapport (ratione) du mouvement et du repos, de la vitesse et le la lenteur, et non sous le rapport de la substance." (Ethique, II, lemme I) "Quand un certain nombre de corps de même ou de différente grandeur sont contraints par les autres à rester appliqués les uns contre les autres, ou bien, s'ils se meuvent selon une vitesse identique ou différente, à se communiquer les uns aux autres leurs mouvements suivant un certain rapport, nous dirons que ces corps sont unis entre eux, et qu'ils composent tous ensemble un seul et même corps, autrement dit un individu, qui se distingue des autres par cette union de corps." (id, II, définition trad. Caillois p.133) "Si d'un corps –autrement dit d'un individu- composé de plusieurs corps, certains sont séparés, mais qu'en même temps autant d'autres et de même nature les remplacent, l'individu conservera sa nature comme auparavant, sans aucun changement dans sa forme." (id, II, Lemme IV) "En outre, un Individu ainsi composé garde sa nature, qu'il se meuve en son entier, ou qu'il soit en repos, ou qu'il se meuve vers telle ou telle partie, pourvu que chaque partie farde son mouvement, et le communique aux autres comme auparavant." (id, II, lemme VII, trad. PAUTRAT p.127) "Pour Spinoza, l'individualité d'un corps se définit par ceci : c'est lorsque un certain rapport composé (j'insiste là-dessus, très composé, très complexe) ou complexe de mouvement et de repos se maintient à travers tous les changements qui affectent les parties de ce corps." (...) "Spinoza dit que le mal, ce n'est pas difficile, le mal c'est une mauvaise rencontre. Rencontrer un corps qui se mélange mal avec le vôtre. Se mélanger mal ça veut dire se mélanger dans des conditions telles que un de vos rapports subordonnés ou que votre rapports constituant est, ou bien menacé ou compromis, ou bien même détruit." (Deleuze, Cours à l'université de Vincennes, 24/01/1978)


Infini : "L'infini de Spinoza n'est pas un infini qui est infini par la multitude des parties, c'est à dire un infini non numérique. C'est le premier paradoxe. Il y a même trois paradoxes qui renvoient à trois thèmes différents du spinozisme. C'est un infini qui n'est pas constant puisqu'il peut être le double ou le triple ; donc c'est un infini inégal. Deuxièmement c'est un infini qui comporte des limites puisqu'il y a un maximum et un minimum. Troisièmement c'est un infini non numérique. Cet infini a un second caractère. L'espace entre les deux cercles est limité. Bien plus, c'est cette limite qui permet de définir les conditions de cet infini. Bien plus, cet espace limité comporte lui-même une infinités de distances, donc c'est un infini qu'on ne peut pas dire illimité, c'est un infini qui renvoie à des conditions de limite. C'est un infini non numérique puisqu'il n'est pas infini par la multitude de ses parties. Spinoza tient la géométrie contre l'algèbre, il croit très fort à l'avenir de la géométrie. Si par exemple vous prenez une grandeur irrationnelle c'est le même cas. Vous avez un infini proprement géométrique parce que l'infinité ne dépend pas d'un nombre; ce n'est pas parce qu'il y a un nombre de parties même plus grand que tout nombre donné que c'est l'infini. Ce n'est pas un infini de la multitude des parties. " (Deleuze, Cours à l'université de Vincennes, 20/01/1981) "L'indéfini est construit par l'imagination à partir du fini rapporté au nombre et distingué de l'infini (II, 9), dont la caractéristique essentielle est d'être indivisible car incomposé (I, 13)" (C. Ramond, Le Voca. de Spinoza, p.37) "La substance absolument infinie est indivisible" (Ethique, I, 13) "Le problème de l'Infini a toujours semblé le plus difficile qui soit, et on l'a même cru insoluble, parce qu'on n'a pas distingué entre ce qui est infini par suite de sa nature ou par la force de sa définition, et ce qui n'a point de limites, non pas par la force de son essence, mais par celle de sa cause. Cela vient aussi de ce qu'on n'a pas distingué entre ce qui est infini parce que sans limites, et ce dont nous ne pouvons nous représenter ni expliquer les parties par aucun nombre, bien qu nous en connaissions le maximum et le minimum. Enfin, cela vient également de ce qu'on a pas distingué entre ce que nous ne pouvons que concevoir, mais non pas imaginer, et ce que nous pouvons et concevoir et imaginer. Si l'on avait tenu compte de ces distinctions, on n'aurait pas été accablé par tant de difficultés. On aurait clairement compris quel infini ne peut être divisé en parties (est sans parties), quel au contraire est divisible et cela sans contradiction. On aurait compris en outre quel infini peut être conçu comme plus grand qu'un autre, sans que cela implique contradiction, quel au contraire ne peut l'être ; c'est ce que je vais montrer clairement." (Spinoza, Lettre 12, à Louis Meyer, du 20 avril 1663, Pléiade pp. 1096-1097) "De tout ce qui précède, il ressort clairement que certaines choses sont infinies par leur nature, et ne peuvent en aucune manière être conçues comme finies ; que d'autres choses sont infinies par la force de la cause en laquelle elles résident, mais que toutefois, lorsqu'elles sont conçues d'une manière abstraite, elles peuvent être divisées en parties et considérées comme finies ; que d'autres enfin peuvent être dites infinies ou, si vous préférez , indéfinies, parce qu'elles ne peuvent être égalées à aucun nombre, bien qu'on les puisse concevoir comme plus grandes ou comme plus petites ; c'est pourquoi il n'est pas nécessaire que des choses qu'on ne peut égaler à un nombre soient égales entre elles, comme on le voit par l'exemple donné ci-dessus, et par beaucoup d'autres." (id, p. 1101) le nombre est un "auxiliaire de l'imagination" (Lettre 12 à Meyer) "Selon Spinoza, c'est en faisant du nombre une idée de l'entendement que Descartes a rendu l'infini incompréhensible. Le nombre est un produit de l'imagination. L'infini n'est pas imaginable. Mais il est compréhensible, et l'entendement le saisit adéquatement." (Le Ratio. de Spinoza, note p.118) cf I, déf. 6 explicatio : Dieu est dit : "absolute infinitum" alors que l'attribut est dit : "in suo genere tantum infinitum".

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