SPINOZA (1632 - 1677) Article Wikipédia ici
Intellect : "pars mentis aeterna est intellectus per quem solum nos agere dicimur." "la partie éternelle de l'esprit est l'entendement, par lequel seul nous sommes dits actif " (Ethique, V, 40 Corollaire) "...alors que Descartes tient l'intellection pour une passion de l'esprit, Spinoza la considère comme une action, et même, il faut le préciser, pour une action de l'idée elle-même. Et c'est en cela que réside la différence essentielle entre les deux philosophes. Pour Descartes, toute activité spirituelle est le propre d'un sujet. C'est le moi qui pense, qui affirme, ou qui doute en suspendant volontairement son jugement. Pour Spinoza, l'affirmation est intérieure à l'idée. Ce que Descartes explique par l'adhésion d'une volonté naturellement portée à rechercher le vrai et le bien, Spinoza l'explique par l'évidence de l'idée. L'erreur, à ses yeux, ne provient pas du dépassement de l'entendement de l'entendement par la volonté, mais de "la seule privation qu'enveloppent les idées mutilées et confuses".<Eth. II, 49 scolie>" (Le Ratio. de Spinoza, 219)
Interprétation : "...la matière de notre futur exposé ne devra être tirée que de la seule Ecriture." (*T.T.P, I, "De la Prophétie", p.619) "...pour interpréter l'Ecriture, il est nécessaire d'en acquérir une exacte connaissance historique et une fois en possession de cette connaissance, c'est-à-dire de données et de principes certains, on peut en conclure par voie (138) de légitime conséquence la pensée des auteurs de l'Ecriture. De la sorte en effet (je veux dire si l'on admet d'autres principes et d'autres données pour interpréter l'Ecriture et en éclaircir le contenu, que ce qui peut se tirer de l'Ecriture et en éclaircir elle-même et de son histoire critique), chacun pourra avancer sans risque d'erreur." (T.T.P, VII, pp.138-139) "Toute la connaissance de l'Ecriture doit donc se tirer d'elle-même." (id, p.140)
Interprétation de Spinoza : "...Spinoza fera de la philosophie de Descartes, réformée et transformée, l'instrument de démonstration, ou mieux encore, le moyen de constitution de sa doctrine comme doctrine. C'est ainsi qu'il rationalisera l'intuition qui est à l'origine de son système, mais qui, comme telle, n'eût eu que la valeur d'une aspiration sentimentale ou d'un souvenir plus ou moins fidèle." (Delbos, Le Spinozisme, p.22) Pour Alquié, le rationalisme absolu de Spinoza ne renvoie pas à une expérience possible à l'homme. Il y a là une différence avec le cartésianisme qui renvoie toujours à une expérience humainement appréhensible (rêve, doute, tromperie...) jadoha : verbe qui signifie en hébreux "aimer" et "connaître" (cf l'idée de vie dans la et si elle a rapport à volonté. "Il n'y a, à tout prendre, qu'une seule oeuvre de Spinoza, qui est l'Ethique ; elle a si bien suffi à exprimer l'intention (14) de son auteur que, hormis des travaux pédagogiques, destinés à présenter la pensée de Descartes, et le Traité Théologico-Politique, les autres écrits de Spinoza apparaissent comme des ébauches, qui n'ont même pas été achevées. Seul le Court Traité de Dieu, de l'homme et de sa béatitude va jusqu'à son terme, mais l'auteur se désintéressa si bien de sa publication qu'il attendit deux cents ans pour être édité (...)" (Fraisse, L'Oeuvre de Spinoza, pp.14-15)
Jalousie : "Cette Haine envers la chose aimée, jointe à l'Envie, s'appelle Jalousie, qui donc n'est rien d'autre que le flottement dans l'âme né à la fois de l'Amour et de la Haine, accompagnés de l'idée d'un autre qu'on envie." (Ethique, III, 35 scolie)
Joie : "Le désir qui naît de la joie est plus fort, toutes choses égales d'ailleurs, que le désir qui naît de la tristesse." (Ethique, IV, 18) "Par Joie (Laetitia) j'entendrai donc, dans la suite, une passion par laquelle l'Esprit passe à une plus grande perfection." (…) "De plus, l'affect de Joie, quand il se rapporte à la fois à l'Esprit et au Corps, je l'appelle Chatouillement <"Titillationem> ou Allégresse <"Hilaritatem"> ; et l'affect de Tristesse, Douleur ou Mélancolie <"Melancholiam">." (id, III, 11 scolie, trad. Pautrat) "La joie est le passage de l'homme d'une moindre à une plus grande perfection." "La tristesse est le passage de l'homme d'une plus grande à une moindre perfection." (id, III Définition 2 & 3 des affects p.243) "La Joie, directement, n'est pas mauvaise, mais bonne ; et la Tristesse est, au contraire, directement mauvaise." (id, IV, 41, trad. Pautrat, p.407) Mais comme le remarque J-M Vaysse : ''...cela ne veut pas du tout dire que la joie est nécessairement bonne est que la tristesse est forcément mauvaise. Indirectement la joie peut être mauvaise et la tristesse bonne." ("Joie, Mort, Angoisse" in Spinoza et les Affects, p.10) "La joie est un sentiment par lequel la puissance d'agir du corps est augmentée ou aidée" (id, IV, démonstration de la proposition 41) "Tout ce que nous comprenons par le troisième genre de connaissance nous procure de la joie, et cela avec l'idée de Dieu comme cause." (id, V, 32) "C'est le passage qui fait la joie, autant que celle-ci est une passion, comme c'est le passage qui fait la tristesse : la joie n'est pas la perfection elle-même. Si, en effet, l'homme naissait avec la perfection à laquelle il passe, il la possèderait sans affection de joie (...)" (Le Spinozisme, p.131) "...la tristesse et la joie, alors même que nous ne connaissons pas bien leurs causes, sont, à parler exactement, des avertissements de Dieu, desquels nous pouvons conclure, avec une entière certitude, que nous passons à une perfection moindre ou à une perfection plus grande" (Alain, Valeur Morale de la Joie d'après Spinoza) "...la joie-passion n'est une passion qu'en tant que "la puissance d'agir de l'homme n'est pas augmentée jusqu'au point qu'il se conçoive lui-même et ses actions de façon adéquate." C'est-à-dire : notre puissance d'agir n'est pas encore augmentée à un point tel que nous soyons actifs. Nous sommes encore impuissants, encore séparés de notre puissance d'agir." (Spinoza et le Problème... p.219) "...seule la joie est une affection passive qui augmente notre puissance d'agir ; et seule la joie peut-être une affection active." (id p.251) "Les passions joyeuses sont les idées des affections produites par un corps qui convient avec le nôtre ; notre esprit lui seul forme l'idée de ce qui est commun à ce corps et au nôtre ; en découle une idée d'affection, un sentiment qui n'est plus passif, mais actif. Ce sentiment n'est plus une passion, parce qu'il suit d'une idée adéquate en nous ; il est lui-même idée adéquate. (...) C'est pourquoi Spinoza peut dire : "Un sentiment qui est une passion cesse d'être une passion sitôt que nous en formons une idée claire et distincte. (adéquate)."<Ethique, V, 3>" (id p.263) Selon Deleuze, il y a 2 joies : une passive, l'autre active. cf "Outre la joie et le désir qui sont des passions, il y a d'autres sentiments de joie et de désir qui se rapportent à nous en tant que nous sommes actifs." (Ethique, III, 58) et "Parmi tous les sentiments qui se rapportent à l'esprit en tant qu'il est actif, il n'en est pas qui ne se rapportent à la joie ou au désir." (id, III, 59) Il y a une similitude avec Aristote : la connaissance est source de joie. "...il restera à comprendre pourquoi les joies de la connaissance peuvent l'emporter sur celle d'un amour heureux " (Fraisse, L'Oeuvre de Spinoza, p.201) "Tout ce que nous comprenons par le troisième genre de connaissance nous procure de la joie, et cela avec l'idée de Dieu comme cause." (Ethique, V, 32)
Liberté : "La volonté ne peut être appelée cause libre, mais seulement cause nécessaire." (Ethique, I, 32 Caillois) L'homme "…peut reconnaître ce qu'il est, mais non décider de son être et installer un empire dans un empire." "L'homme est libre quand il exerce sa puissance propre qui est le penser, quand ses actes découlent de la nécessité de sa nature humaine ; nécessité certes, mais qui n'est pas contrainte extérieure, impuissance de l'esprit ; nécessité inhérente au réel et non extérieure à lui."(Ethique, intro Caillois p.29) "Son effort pour être ce qu'il est en vérité devient la conscience de l'être qui n'a pas de contraire, de la vie qui n'est plus le sursis de la mort." (id, intro; Caillois p.33) "Est dite libre la chose qui existe d'après la seule nécessité de sa nature et est déterminée par soi seule à agir. On appelle au contraire nécessaire, ou plutôt contrainte, la chose qui est déterminée par une autre à exister et à produire un effet selon une raison définie (certa) et déterminée." (id, I, Définition 7) "Dieu ne produit pas ses effets par la liberté de sa volonté." "Deum non operari ex libertate voluntatis." (id, I corollaire 1 de la prop.32) "la volonté, comme tout le reste, a besoin d'une cause qui la détermine à exister et à produire un effet d'une certaine façon" (ibid corollaire 2) "…les hommes se croient libres parce qu'ils ont conscience de leurs volitions et de leur appétit, et qu'ils ne pensent pas, même en rêve, aux causes qui les disposent à désirer (appetere) et à vouloir parce qu'ils les ignorent." (id, I appendice, p.105) "La plupart de ceux qui ont parlé des sentiments et des conduites humaines paraissent traiter, non de choses naturelles qui suivent les lois ordinaires de la Nature, mais de choses qui seraient hors Nature. Mieux, on dirait qu'ils conçoivent l'homme dans la Nature comme un empire dans un empire. Car ils croient que l'homme trouble l'ordre de la Nature plutôt qu'il ne le suit, qu'il a sur ses propres actions une puissance absolue et qu'il n'est déterminé que par soi."(…) "Voilà pourquoi les sentiments de haine, de colère, d'envie, etc., considérés en eux-mêmes, obéissent à la même nécessité et à la même vertu de la Nature que les autres choses singulières; et par suite ils admettent des causes rigoureuses qui les font comprendre, et ils ont des propriétés bien définies (…)Je traiterai donc de la nature et de la force impulsive des sentiments <affectuum >et de la puissance de l'esprit sur eux selon la même méthode qui m'a précédemment servi en traitant de Dieu et de l'Esprit." (…) je considérerai les actions et les appétits humains de même que s'il était question de lignes, de plans ou de corps." (III, introduction) "L'expérience elle-même n'enseigne donc pas moins clairement que la Raison que les hommes se croient libres pour la seule raison qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés; elle montre en outre que les décrets de l'esprit ne sont rien en dehors des appétits mêmes, et sont par conséquent variables selon l'état variable du corps." (id, III, 2 scolie) "L'homme qui est conduit par la Raison est plus libre dans l'Etat où il vit selon le decret commun, que dans la solitude où il n'obéit qu'à lui seul." (id, IV, 73) "Il n’y aura donc pas contradiction entre déterminisme et liberté si celle-ci est définie non pas comme l’absence de cause et comme l’inintelligible libre arbitre, mais comme la connaissance réflexive de l’affect qui, dissolvant les images et les faux biens, transforme l’affect passif (hétéronome et aveugle) en affect actif (autonome et éclairé). La libération n’est pas la suppression du désir, mais sa transmutation par la réflexion : or cette réflexion sur le désir est toujours possible puisque l’affect est précisément l’idée d’une affection du corps, et que nous sommes toujours conscients de nos idées. Quand nous sommes « inconscients » (l’appétit remplaçant le désir), c’est que nous n’avons que des idées confuses et tronquées sur nous-mêmes et le monde où nous agissons." (Robert Misrahi, Universalis, art. "Spinoza et spinozisme") "C’est dire, en langage spinoziste, que, par la conscience de soi à laquelle tout homme peut accéder, la nature totalisée se réfléchit en elle-même. " (ibid) "cela ne veut point dire qu'il n'y ait pour l'homme aucune puissance ni aucune liberté, c'est-à-dire aucun salut, puisque nous traiterons bientôt de la puissance de l'homme sur ses passions et de la liberté humaine. Cela veut dire seulement que l'hom-me n'a point de puissance sur les événements, et qu'il doit d'abord les accepter et comprendre que dans l'ordre du fait aucun salut, aucune délivrance, aucun progrès n'est possible. Ce n'est point en modifiant les événements de sa vie que l'homme se sauvera et se libérera, c'est en les appréciant à leur juste valeur, en comprenant que sa vie véritable est autre part, au-dessus des événe-ments qui passent, dans l'éternel." (Alain, Spinoza, Chap.2 "De Dieu et de l'âme") "Pour ce qui touche la liberté de la volonté humaine que nous avons dit être libre (Scolie de la Proposition 15, partie I), elle se conserve aussi par le concours de Dieu, et aucun homme ne veut ou ne fait quoi que ce soit sinon ce que Dieu a décrété de toute éternité qu'il voudrait et ferait. Comment cela est possible tout en maintenant la liberté humaine, cela passe notre compréhension et il ne faut pas rejeter ce que nous percevons clairement à cause de ce que nous ignorons; nous connaissons en effet clairement, si nous sommes attentifs à notre nature, que nous sommes libres dans nos actions et que nous (p. 348) délibérons sur beaucoup pour cette seule raison que nous le voulons; si nous sommes attentifs aussi à la nature de Dieu nous percevons clairement et distinctement, comme nous venons de le montrer, que tout dépend de lui et que rien n'existe sinon ce dont l'existence a été décrétée de toute éternité par Dieu. Comment maintenant l'existence de la volonté humaine est créée par Dieu à chaque instant de telle sorte qu'elle demeure libre, nous l'ignorons" (Pensées Métaphysiques, pp.348-349) "...si le libre arbitre est une fiction, d'où vient que les hommes y croient comme à une réalité incontestable? Cette croyance a pour point de départ un fait positif, mais qui, faute d'une explication rationnelle, est l'objet d'une interprétation imaginaire. Le fait positif, c'est que dans bien des cas nous avons conscience d'accomplir des actions conformes à nos désirs ; or, comme nous ne connaissons pas les causes externes qui déterminent ces actions et qui les rattachent, ainsi que notre existence même, à l'ensemble de la nature, nous rapportons à nous-mêmes la faculté de les produire, et nous dotons cette faculté d'une indifférence qui correspond à l'indétermination de notre savoir (...) Tel est ce libre arbitre dont les hommes sont si fiers : ils ne l'admettent dans le fond que parce qu'à la conscience de leurs actions se joint l'ignorance des causes réelles qui les engendrent." (Le Spinozisme, p.114) "...une affection qui était passive cesse de l'être et devient active sitôt que nous nous en formons un concept clair et distinct" (id p.154) "Tout l'effort de l'Ethique est de rompre le lien traditionnel entre la liberté et la volonté –que la liberté soit conçue comme le pouvoir d'une volonté de choisir ou même de créer (liberté d'indifférence), ou bien comme le pouvoir de se régler comme un modèle et de le réaliser (liberté éclairée). (...) De plus, on donne existence à des abstractions, telles que le néant dans la création ex nihilo, ou le Bien et le meilleur dans la liberté éclairée (Ethique, I, 17, sc. ; 33, sc. 2). Le principe de Spinoza est que jamais la liberté n'est propriété de la volonté, "la volonté ne peut être appelée cause libre" : la volonté, finie ou infinie, est toujours un mode qui est déterminé par une autre cause, cette cause fût-elle la nature de Dieu sous l'attribut pensée." (...) "...les volitions sont des modes enveloppés dans les idées, qui se confondent avec l'affirmation ou la négation qui suivent de l'idée même, sans qu'il y ait jamais rien de contingent dans ces actes." (Spinoza Philo. Prat., p.113) "L'homme, le plus puissant des modes finis, est libre quand il entre en possession de sa puissance d'agir, c'est-à-dire quand son conatus est déterminé par des idées adéquates d'où découlent des affects actifs, lesquels s'expliquent par sa propre essence." (id, pp.114-115) "Tout se passe comme si l'on devait distinguer deux moments de la raison ou de la liberté : augmenter la puissance d'agir en s'efforçant d'éprouver le maximum d'affections passives joyeuses ; et ainsi, passer au stade final où la puissance d'agir a si bien augmenté qu'elle devient capable de produire des affections elles-mêmes actives." (Spinoza et le Problème de l'Expression, p.241) "Le "je" n'a de sens pour l'homme que dans la mesure où, ignorant des causes qui le font agir, il a l'illusion d'être la source première de ses pensées et de ses actes. Il ne faut pas mettre l'âme au dessus des idées ; elle est, comme nous l'avons vu, "idée d'une chose singulière existant en acte" ; elle est, chez l'homme, affirmation du corps propre. Mais comme notre corps fait partie d'un monde de corps dont il subit la causalité, ses modifications dépendent non seulement de sa propre nature, mais encore de la nature des corps qui l'affectent. Il en résulte que l'âme également saisit le corps propre non pas en lui-même, mais en tant qu'il pâtit et subit l'action des corps extérieurs." (L'idée de vie dans la Philosophie de Spinoza, p.123) "Au niveau de la connaissance imaginative, je croyais être un "empire dans un empire", alors qu'en réalité le corps dont j'ai conscience, affecté par d'autres corps, enveloppe leur nature aussi bien que la sienne." (id. p.138) "Je ne situe pas la liberté dans un libre décret, mais dans une libre nécessité." (*Lettre 58 à Schuller) "...on pense en effet que l'esclave est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir. Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni faire ce qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage, et la liberté n'est qu'à celui qui de son entier consentement vit sous la seule conduite de la Raison. Quant à l'action par commandement, c'est-à-dire à l'obéissance, elle ôte bien en quelque manière le liberté, elle ne fait cependant pas sur le champ un esclave, c'est la raison déterminante de l'action qui le fait. Si la fin de l'action n'est pas l'utilité de l'agent lui-même, mais de celui qui la commande, alors l'agent est un esclave, inutile à lui-même ; au contraire, dans un Etat et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est le salut de tout le (267) peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit en tout au souverain ne doit pas être dit un esclave inutile à lui-même, mais un sujet." (T.T.P, XVI, pp. 267-268) "Je déclare l'homme entièrement libre dans la mesure où il est conduit par la raison, parce que, dans cette mesure, il est déterminé à agir par des causes qui sont adéquatement intelligibles à partir de sa seule nature, même s'il est déterminé par elles à agir nécessairement"(Traité Politique, ch. II, §11) "Tout a plus peut-on dire que l'ignorance des causes est la condition seulement négative de notre croyance en une spontanéité qui repose sur le dynamisme des tendances, mais par là, le sentiment du libre arbitre n'est nullement expliqué" (Levert, Paule, "La croyance en la liberté chez Spinoza" p.356 ) "...les hommes se croient libres pour la seule raison qu'ils sont conscients de leurs actions, et ignorants des causes par quoi elles sont déterminées ; et, en outre, que les décrets de l'Esprit ne sont rien d'autre que les appétits eux-mêmes, et pour cette raison varient en fonction de l'état du Corps." (Ethique, III, 2, scolie, trad. Pautrat) "L'homme se croit libre, parce qu'ayant conscience de ses actions il ignore leurs causes ; mais nous savons bien que toute action à une cause, et nous ne croyons point sur parole les malades ou les fous qui se croient libres et qui nous disent qu'ils le sont, car nous savons bien, nous, qu'ils sont aussi esclaves que possible. Et assurément cela ne veut point dire qu'il n'y ait pour l'homme aucune puissance ni aucune liberté, c'est-à-dire aucun salut, puisque nous traiterons bientôt de la puissance de l'homme sur ses passions et de la liberté humaine. Cela veut dire seulement que l'hom-me n'a point de puissance sur les événements, et qu'il doit d'abord les accepter et comprendre que dans l'ordre du fait aucun salut, aucune délivrance, aucun progrès n'est possible. Ce n'est point en modifiant les événements de sa vie que l'homme se sauvera et se libérera, c'est en les appréciant à leur juste valeur, en comprenant que sa vie véritable est autre part, au-dessus des événe-ments qui passent, (35) dans l'éternel. En vain cherchera-t-il à tirer de ses perceptions la moindre vérité ; il ne fera jamais que changer une erreur pour une autre ; la vérité est d'un autre ordre et dans une autre région ; c'est par la déduction des essences qu'on y peut arriver. De même, l'homme cherchera en vain à mettre dans le cours de ses perceptions un peu de puissance et de liberté ; il ne fera que changer d'esclavage. La puissance de l'homme est d'un autre ordre ; elle est non sur le corps ou sur les faits, mais sur les idées, dans l'ordre des essences ; elle est dans la Raison. Et la liberté est encore d'un autre ordre ; elle est dans la connaissance de tout cela par Dieu et en Dieu, dans la contemplation immédiate du vrai, dans la connaissance du troisième genre. C'est ce que nous avons maintenant à expliquer, en traitant d'abord des pas-sions de l'homme et de son esclavage, puis de la puissance que lui donne l'usage de la Raison, et enfin de la liberté et du bonheur qui résultent pour lui de son union directe et immédiate avec Dieu." (Alain¸Spinoza, chap. II, "De Dieu et de l'âme")
Loi : "C'est toutefois par métaphore que le mot de loi se voit appliqué aux choses naturelles, et communément l'on n'entend pas par loi autre chose qu'un commandement, que les hommes peuvent également exécuter ou négliger." (T.T.P, IV, p.86) "Par loi humaine j'entends une règle de vie servant seulement à la sécurité de la vie et de l'Etat ; par loi divine une règle ayant pour objet seulement le souverain bien, c'est-à-dire la vraie connaissance et l'amour de Dieu. La raison pour laquelle j'appelle une elle loi divine, tient à la nature du souverain bien (...)" (id. p.87) "Toute la loi divine donc se résume dans cet unique précepte : aimer Dieu comme un bien souverain; et cela, nous l'avons dit, non par crainte d'un supplice ou d'un châtiment , ni par amour d'une autre chose de laquelle nous désirons du plaisir." (id. p.88) "...le Christ n'a nullement abrogé la loi de Moïse, puisqu'il n'a voulu introduire dans la société aucunes lois nouvelles, et n'a eu d'autre souci que de donner des enseignements moraux et de les distinguer des lois de l'Etat. C'est surtout à cause de l'ignorance des Pharisiens qui pensaient que, pour vivre dans la béatitude, il suffit d'observer les règles juridiques de l'Etat, c'est-à-dire la loi de Moïse, alors que cette loi, comme nous l'avons dit, n'a égard qu'au bien de l'Etat et à servi non à éclairer les hébreux, mais à les contraindre." (T.T.P, V, p.103) Mémoire : "Si le corps humain a été une fois affecté par deux ou plusieurs corps en même temps, lorsque l'esprit, dans la suite, imaginera l'un d'eux, il se souviendra aussitôt des autres." (Ethique, II, 18) cf l'exemple du mot pomum : "un Romain tombera aussitôt dans la pensée d'un fruit qui n'a aucune ressemblance avec ce son articulé, rien de commun avec lui sinon que le Corps de cet homme a souvent été affecté par les deux" (scolie de supra, trad. Pautrat)"Le corps humain peut subir beaucoup de changements, et néanmoins retenir les impressions ou traces des objets (voir à ce sujet le postulat 5 de la deuxième partie), et par conséquent, les images mêmes des choses." (Ethique, III postulat 2) "...une chose est, en effet, retenue d'autant plus facilement qu'elle est plus intelligible ; et inversement, nous l'oublions d'autant plus facilement qu'elle l'est moins." (Traité de la Réf. §81) "La mémoire s'affermit aussi sans le concours de l'entendement, à savoir par la force avec laquelle l'imagination ou le sens, que l'on appelle commun, sont affectés par une chose corporelle singulière" (id §82) "Que sera donc la mémoire? Rien d'autre que la sensation des impressions du cerveau, accompagnée de la pensée de la durée déterminée de la sensation ; ce que nous montre aussi la réminiscence." (id §83)
Méthode : "Comme donc la vérité n'a besoin d'aucun signe, mais que pour abolir tout doute il suffit de posséder des essences objectives des choses, ou, ce qui est la même chose, des idées, il s'ensuit, que la méthode <qui consiste à> chercher le signe de la vérité après l'acquisition des idées n'est pas la vraie, mais que la vraie méthode est la voie par laquelle la vérité elle-même ou les essences objectives des choses, ou encore les idées (tous ces termes signifient la même chose), sont recherchées dans l'ordre dû.(36) En revanche, la méthode doit nécessairement traiter du raisonnement ou de l'intellection ; c'est-à-dire, que la méthode n'est pas le raisonnement lui-même <qui conduit> à l'intellection des causes des choses, et bien moins encore est-elle l'intellection même de ces causes ; mais elle consiste à comprendre ce qu'est l'idée vraie, la distinguant des autres perceptions, scrutant sa nature, afin que par là nous connaissions notre puissance de comprendre, et astreignions notre esprit à comprendre, selon cette norme, tout ce qui doit être compris ; lui donnant, à titre d'adjuvant, des règles certaines, et faisant également que l'esprit ne soit pas fatigué par des choses inutiles. (37) D'où il ressort que la Méthode n'est rien d'autre que la connaissance réflexive, ou l'idée de l'idée ; et puisqu'il n'y a pas d'idée de l'idée, s'il n'y a pas d'abord une idée, il s'ensuit qu'il n'y aura pas de méthode s'il n'y a pas d'abord une idée. La bonne méthode, par conséquent, sera celle qui montre comment il faut diriger l'esprit selon la norme d'une idée vraie" (Traité de la Réf. §§36-37-38) "...je vais d'abord exposer notre but dans cette méthode, puis les moyens de l'atteindre. Le but donc est d'avoir des idées claires et distinctes, c'est-à-dire des idées qui proviennent de l'esprit pur et non de mouvements fortuits du corps. Puis, afin que toutes les idées soient ramenées à une seule, nous nous efforcerons de les enchaîner et de les ordonner d'une façon telle, que notre esprit, autant qu'il peut le faire, reproduise objectivement la structure réelle de la nature, en sa totalité et en ses parties." (id §91) "I. S'il s'agit d'une chose créée, la définition comme nous l'avons dit, devra comprendre la cause prochaine. (...) II. Le concept ou la définition de la chose devra être tel que toutes ses propriétés, tant qu'on l'envisage seule et non jointe à d'autres, puissent en être déduites (...) (§96) "Pour la définition d'une chose incréée, il faut, par contre : I. Qu'elle exclue toute cause, c'est-à-dire que, pour son explication, son objet n'ait besoin de rien d'autre que de son être propre. II. Que, la définition de cette chose étant donnée, il ne reste aucune place à la question : existe-t-elle? III. Que, par rapport à l'esprit, elle ne contienne pas de substantifs qui puissent être adjectivés, c'est-à-dire, qu'elle ne contienne aucun terme abstrait. IV. Et finalement (bien qu'il ne soit pas très nécessaire de la noter), il faut que de sa définition découlent toutes ses propriétés. Tout cela est d'ailleurs évident pour celui qui y réfléchit avec soin." (id §§96-97)
Miracle : "...les miracles ne semblent quelque chose de nouveau qu'à cause de l'ignorance des hommes." (T.T.P, VI, 133) Mode : "Per modum intelligo substantiae affectiones sive id quod in alio est, per quod etiam concipitur." "Par mode, j'entends les affections de la substance, autrement dit ce qui est en autre chose. Par quoi il est aussi conçu." (Ethique, I, Définition 5) "Quant aux affections de la substance, je les appelle modes et leur définition, en tant qu'elle n'est pas celle de la substance elle-même, ne peut impliquer aucune existence." (Spinoza, Lettre 12, à Louis Meyer, du 20 avril 1663, Pléiade p. 1097) "1°)Les affections (affectio) sont les modes eux-mêmes. Les modes sont les affections de la substance ou de ses attributs. Ces affections sont nécessairement actives, puisqu'elles s'expliquent par la nature de Dieu comme cause adéquate, et que Dieu ne peut pâtir. 2°) A un second degré, les affections désignent ce qui arrive au mode, les modifications du mode, les effets des autres modes sur lui. (...) 3°)Mais ces affections-images ou idées forment un certain état (constitutio) du corps et de l'esprit affectés, qui implique plus ou moins de perfection que l'état précédent. D'un état à l'autre, d'une image ou idée à une autre, il y a donc des transitions, des passages vécus, des durées par lesquelles nous passons à une perfection plus grande ou moins grande. Bien plus, ces états, ces affections, images ou idées ne sont pas séparables de la durée qui les rattache à l'état précédent et les fait tendre à l'état suivant. Ces durées ou variations continues de perfection s'appellent "affects", ou sentiments (affectus)." (Deleuze, Spinoza Philosophie Pratique, pp.68-69) La différence entre les deux termes est "...entre l'affection du corps et son idée qui enveloppe la nature du corps extérieur, d'une part, et, d'autre part, l'affect qui enveloppe pour le corps comme pour l'esprit une augmentation ou diminution de la puissance d'agir. L'affectio renvoie à un état du corps affecté et implique la présence du corps affectant, tandis que l'affectus renvoie au passage d'un état à un autre, compte tenu de la variation corrélative des corps affectants." (id, p.69) "Il est certain que l'affect suppose une image ou idée, et en découle comme de sa cause. Mais il ne s'y réduit pas, il est d'une autre nature, étant purement transitif, et non pas indicatif ou représentatif, étant éprouvé dans une durée vécue qui enveloppe la différence entre deux états." "Le passage à une perfection plus grande ou l'augmentation de la puissance d'agir s'appelle affect, ou sentiment de joie."(id, p.70) "Constitue le seconde terme de l'alternative de ce qui est : être en soi (substance), être en autre chose (I, ax. 1)" (id p.118) "Les choses particulières ne sont rien que des affections des attributs de Dieu, autrement dit des manières par lesquelles les attributs de Dieu s'expriment de manière précise et déterminée." (Ethique, I, 25 corollaire Pautrat) Modes infinis immédiats, médiats, modes finis : "Le mode infini immédiat est la première détermination de l'attribut, celle par laquelle l'attribut s'affecte lui-même et produit quelque chose qui n'est plus l'attribut, mais son effet. Cette première détermination consiste en un simple passage de l'actif au passif, et l'on peut dire que le mode infini immédiat a la même essence que l'attribut, à l'activité près, ce qui est du reste décisif." (Fraisse, L'Oeuvre de Spinoza, p.97) "Le processus de détermination qui a conduit le mode infini immédiat se poursuit en engendrant, sous chaque attribut, un mode infini médiat, sans lequel l'apparition de modes finis, en leur singularité, ne pourrait être expliquée. Il est nécessaire en effet, pour comprendre comment une substance infinie peut engendrer des êtres aussi limités que mon corps ou mon âme, de supposer une détermination par laquelle l'infini s'affecte lui-même en se fragmentant, sans perdre pour autant son caractère d'infini. L'idée de totalité fournira ici le relais nécessaire." (Fraisse, L'Oeuvre de Spinoza, p.99) "Le statut des modes finis est évidemment plus aisé à comprendre : c'est celui des différents corps tels que le cours universel de la nature les fait exister en leur lieu et en leur temps ; c'est celui des idées qui leur correspondent, au moment et selon le point de vue qui est le leur." (id p.101)
Mort : "homo liber de nulla res minus quam de morte cogitat" "L'homme libre ne pense à rien moins qu'à la mort, et sa sagesse est une méditation non de la mort, mais de la vie." (Ethique, IV, 67) "L'esprit humain, ne peut être absolument détruit avec le corps, mais il en subsiste quelque chose qui est éternel." (id, V, 23) "sentimus experimurque nos aeternos esse." "Nous sentons et faisons l'épreuve que nous sommes éternels." (id, V, 23 scolie) "La mort du corps n'est en effet qu'un événement relatif et progressif, puisque celui-ci ,e cesse de sunir des modifications dans les rapports de composition, de mouvement et de repos de ses parties. (...) il n'est à l'égard de la totalité, de mort que locale ou pertielle. (...) Inessentielle la mort ne concerne que le premier genre de connaissance, qui nous représente comme contingents et inscrits dans des limites temporelles. " (J-M Vaysse, "Joie, Mort, Angoisse" in Spinoza et les Affects, p.16)
Natura : "nihil in natura fit quod ipsius vitio possit tribui." "Il ne se produit rien dans la Nature qui puisse lui être attribué comme un vice inhérent." (Ethique, III, préface) "la Nature dans sa totalité est un seul individu, dont les parties, c'est-à-dire tous les corps, varient d'une infinité de façons, sans changement de l'Individu total." (id, II, scolie du lemme 7) "Cependant, je veux d'abord avertir que je n'attribue à la nature ni beauté, ni difformité, ni ordre, ni confusion. Ce n'est, en effet, que du point de vue de l'imagination qu'on peut dire des choses qu'elles sont belles ou laides, ordonnées ou chaotiques." (Spinoza, Lettre 32 à Henri Oldenburg, 20 novembre 1665, Pléiade p.1179) Nature naturante : =attributs "par Nature Naturante, il faut entendre ce qui est en soi et est conçu par soi, autrement dit les attributs de la substance qui expriment une essence éternelle et infinie, (…) c'est-à-dire Dieu, en tant qu'il est considéré comme cause libre." (Ethique, I, 29 scolie) Nature naturée : = modes "Par Nature Naturée, j'entends tout ce qui suit de la nécessité de la nature de Dieu, autrement dit de la nécessité de chacun des attributs de Dieu en tant qu'ils sont considérés comme des choses qui sont en Dieu, et qui ne peuvent être, ni être conçues sans Dieu." (Ethique, I, 29 scolie) "L'entendement en acte, qu'il soit fini ou infini, et de même la volonté, le désir, l'amour, etc., doivent être rapportés à la Nature Naturée, mais non à la Naturante." <car l'intellect n'est qu'un mode fini de la pensée infinie> (id, I proposition 31) "Quant à la Nature naturée, nous la diviserons en deux, une universelle et l'autre particulière. L'universelle se compose de tous les modes qui dépendent immédiatement de Dieu ; nous en traiterons dans le chapitre suivant. La particulières se compose de toutes les choses particulières qui sont causées par les modes universels." (Court Traité, I, 8, p.80) Néant : "Le néant n'a pas de propriétés. Rien de ce qui peut être enlevé d'une chose sans porter atteinte à son intégrité ne constitue son essence; mais ce qui, s'il est enlevé, supprime la chose constitue son essence." (Principes de la Philosophie de Descartes, 2e partie, axiome 1 p.281) "Il répugne qu'il existe un vide." (id, 2e partie, prop.3, p.286) "Démonstration. On entend par vide une étendue sans substance corporelle (par la Définition 5), c'est-à-dire (par la Proposition 2, partie II) un corps sans corps, ce qui est absurde." (démonstration de supra, p.288) Nécessité : "Dans la nature, il n'y a donc rien de contingent ; mais toutes choses sont déterminées par la nécessité de la nature divine à exister et à produire un effet d'une certaine façon." (Ethique,I proposition 29) "Les choses n'ont pu être produites par Dieu autrement qu'elles ne l'ont été, ni dans un autre ordre." (id, I, 33) "..au fond, toutes les choses suivent de l'éternelle décision de Dieu avec la même nécessité qu'il suit de l'essence du triangle que ses angles sont égaux à deux droits." (id, II, 49 scolie) "La certitude est donc immédiate et instantanée et elle précède toute réflexion sur la certitude. En d'autres termes, si l'acte de connaître le vrai n'est pas immédiat et instantané, il ne sera jamais; car, au moment où il sera, il faudra toujours qu'il soit immédiat et instantané. Il faut entrer dans le vrai ou rester dehors." (Alain, Spinoza, chap.2 "De Dieu et de l'âme") "...distinction des choses qui existent nécessairement par la force de leur propre nature et de celles qui existent parce qu'elles sont nécessairement déterminées à exister par une autre chose, qui, seule, existe nécessairement par sa propre nature." (L'idée de Vie dans la Philosophie de Spinoza, p.40) "En premier lieu, il s'ensuit que nous sommes en vérité serviteurs et, je dirai, esclaves de Dieu et que c'est notre plus grande perfection de l'être nécessairement. Car, si nous étions réduits à nous-mêmes et ne dépendions pas ainsi de Dieu, il y aurait bien peu de choses ou même il n'y aurait rien que nous puissions accomplir, et nous trouverions à bon droit dans cette impuissance une cause d'affliction ; tout au contraire de ce que nous voyons maintenant, à savoir : que nous dépendons de ce qui est le plus parfait de telle façon que nous soyons une partie du tout, c'est-à-dire de lui-même, et contribuons en quelque sorte à l'accomplissement d'autant d'oeuvres habilement ordonnées et parfaites qu'il en est qui dépendent de lui." (Court Traité, II, 18, §2, p.129 –chapitre clé, récapiulatif)
Nostri corporis affectus : étrangeté de l'expression "Si humanum corpus affectum est modo qui naturam corporis alicujus externi involvit, mens humana idem corpus externum ut actu existens vel ut sibi præsens contemplabitur donec corpus afficiatur affectu qui ejusdem corporis existentiam vel præsentiam secludat." "Si le Corps humain est affecté d'une manière qui enveloppe la nature d'un corps extérieur, l'Esprit humain contemplera ce même corps comme existant en acte, ou comme étant en sa présence, jusqu'à ce que le Corps soit affecté d'un affect qui exclue l'existence, ou la présence, de ce corps." (Ethique, II, 17 trad. Pautrat) "...Jean-Marie Beyssade qui attire l'attention sur le fait qu'il n'y a pas seulement des affections, mais également des affects du corps dont l'esprit, certes, aurait l'idée, mais qui se concevraient comme des modes de l'étendue, à l'instar du mouvement et du repos." (L'unité du corps et de l'esprit, p.117) cf Ethique, II, 17 (corpus afficiatur affectu) et III, 14 démonstration trad. cité par Jaquet : "Les imaginations de l'esprit indiquent (117) plus les affects de notre corps (nostri corporis affectus) que la nature des corps extérieurs." (id. pp.117-118) cf aussi III, 18 dém. : "constitutio seu affectus" et scolie 1 : "corpus nullo affectu afficitur". / "...il faut ajouter que Spinoza affirme dans le scolie de la proposition II de l'Ethique III que "l'ordre des actions et des passions de notre corps va par nature de pair (simul) avec l'ordre des actions et des passions de notre esprit". Or, qu'elles soient rapportées au corps ou à l'esprit, les actions et les passions par définitions sont des affects. " (...) "Aucun doute n'est donc permis, il existe bel et bien des affects corporels. Ce constat entraîne deux conséquences majeures. Premièrement, il ne faut pas interpréter le corollaire de la proposition IV de l'Ethique V, selon lequel "l'affect est l'idée d'une affection du corps", comme l'énoncé d'une définition générale et complète de l'affect, excluant la possibilité d'une constitution affective corporelle, mais comme une affirmation particulière concernant son aspect mental. Il n'est donc pas légitime de se fonder sur ce corollaire pour prétendre que l'affect se définit avant tout par la conscience." (id. p.118)
Notion commune : "Les notions communes (Ethique, II, 37-40) ne sont pas ainsi nommées parce qu'elles sont communes à tous les esprits, mais d'abord parce qu'elles représentent quelque chose de commun aux corps." (Spinoza Philo. Prat., p.126) Les notions communes ne sont donc pas des idées abstraites mais générales. / "...Spinoza rejette les universaux, et leur préfère les notions communes. A l'origine des idées générales, il découvre, non une activité purement spirituelle, mais la confusion entre les traces cérébrales laissées en nous par des réalités singulières, dont notre organisme se révèle incapable d'enregistrer les particularités." (Le Ratio. de Spinoza, pp.217-218) "Tout dans l'existence nous condamnait à n'avoir que des idées inadéquates : nous n'avions ni l'idée de nous mêmes, ni l'idée des corps extérieurs, mais seulement des idées d'affections, indiquant l'effet d'un corps extérieur sur nous. Mais précisément, à partir de cet effet, nous pouvons former l'idée de ce qui est commun à un corps extérieur et au nôtre. Compte tenu des conditions de notre existence c'est pour nous la seule voie capable de nous mener à une idée adéquate." (Spinoza et le Pb... pp.258-259) "Une notion commune a deux caractères : elle s'applique à plusieurs modes existants ; elle nous fait connaître les rapports sous lesquels les modes existants conviennent ou s'opposent." (id p.279) désaccord : "...la connaissance par notions communes n'a rien à voir avec la connaissance par idées générales ; si les notions communes, en effet, sont tirées de l'idée adéquate de certaines propriétés identiques dans tous les corps, les idées générales correspondent au mélange des traces corporelles provoquées par les affections du corps, et sont faites du mélange des idées de ces affections. Les notions communes correspondent à ces lois générales qui sont inscrites dans les modes infinis (...) C'est par leur intermédiaire que les modes infinis, tels le repos et le mouvement, peuvent être considérés "comme des universaux" permettant l'intelligence des choses singulières sans rendre compte de leur singularité. Les idées générales en revanche ("l'homme", "le cheval"), auxquelles les théories empiristes identifiaient les universaux ne sont que le signe de notre impuissance à concevoir ce qui fait l'individualité de chaque homme ou de chaque cheval. " (Fraisse, L'Oeuvre de Spinoza, p.155) Les notions communes ont cette universalité et nécessité que les idées générales n'ont pas : elles ne varient pas selon les hommes à la différence des idées générales. /
Ordre : "Ordo et connexio idearum idem est ac ordo et connexio rerum." "L'ordre et l'enchaînement des idées et le même que l'ordre et l'enchaînement des choses." (Ethique, II, 7 trad. Pautrat)"...ce qui fait que l'ordre et la connexion des idées sont les mêmes que l'ordre et la connexion des choses, c'est que c'est la même substance qui est comprise tantôt sous un attribut, tantôt sous un autre." (Le Spinozisme, p.77) Orgueil : "L'imagination, lorsqu'elle concerne l'homme lui-même, qui a de soi une meilleure opinion qu'il n'est juste, s'appelle Orgueil, et c'est une espèce de Délire, parce que l'homme rêve les yeux ouverts qu'il peut tout ce qu'il saisit par la seule imagination, le considère donc comme réel, et en est exalté, aussi longtemps qu'il ne peut imaginer ce qui en exclut l'existence et détermine sa propre puissance d'agir. L'Orgueil est donc la Joie née de ce qu'un homme a de lui-même une meilleure opinion qu'il n'est juste. Par ailleurs, la Joie qui naît de ce qu'un homme a d'un autre une meilleure opinion qu'il n'est juste s'appelle Surestime." (Ethique, III, 26 scolie)"
Panthéisme : "Désormais, il n'y a plus de déchirement entre le moi, le monde et Dieu, mais une seule et même intelligence de l'être." (Ethique, intro. Caillois p.37) "C'est directement chez Maïmonide que Spinoza semble avoir emprunté l'idée que le monde matériel est comparable à un individu. "Sache, dit Maïmonide, que cet univers dans son ensemble ne forme qu'un seul individu ; je veux dire : le globe du ciel extrême avec tout ce qu'il renferme est indubitablement un seul individu, au même titre que Zeid et Amr".<Guide des Egarés,trad. Munk, I, chap.72, pp.354-355>" (L'idée de vie... pp.53-54) Guéroult (Spinoza, t.I, p.223) préfère panenthéisme à panthéisme.
Parallélisme : "...ne consiste pas seulement à nier tout rapport de causalité réelle entre l'esprit et le corps, mais interdit toute éminence de l'un sur l'autre." (Spinoza Philosophie Pratique, p.28) "D'après l'Ethique, au contraire, ce qui est action dans l'âme est aussi nécessairement action dans le corps, ce qui est passion dans le corps est aussi nécessairement passion dans l'âme." (id pp.28-29) "Il s'agit de montrer que le corps dépasse la connaissance qu'on en a, et que la pensée ne dépasse pas moins la conscience qu'on en a. Il n'y a pas moins de choses dans l'esprit qui dépassent notre conscience que de choses dans le corps qui dépassent notre connaissance. C'est donc par un seul et même mouvement que nous arriverons, si c'est possible, à saisir la puissance du corps au-delà des conditions données de notre connaissance, et à saisir la puissance de l'esprit au-delà des conditions données de notre conscience. On cherche à acquérir une connaissance des puissances du corps pour découvrir parallèlement les puissances de l'esprit qui échappent à la conscience, et pouvoir comparer les puissances. Bref, le modèle du corps, selon Spinoza, n'implique aucune dévalorisation de la pensée par rapport à l'étendue, mais, ce qui est beaucoup plus important, une dévalorisation de la conscience par rapport à la pensée : une découverte de l'inconscient, et d'un inconscient de la pensée, non moins profond que l'inconnu du corps." (id p.29) "Par son strict parallélisme, Spinoza refuse toute analogie, toute éminence, toute forme de supériorité d'une série sur l'autre, toute action idéale qui supposerait une prééminence : il n'y a pas plus de supériorité de l'âme sur le corps que de l'attribut pensée sur l'attribut étendue. Et la troisième formule du parallélisme, celle qui affirme l'identité d'être, ira encore plus loin dans le même sens : les modes d'attributs différents n'ont pas seulement le même ordre et la même connexion, mais le même être ; ce sont les mêmes choses qui se distinguent seulement par l'attribut dont elles enveloppent le concept. Les modes d'attributs différents sont une seule et même modification qui diffère seulement par l'attribut. Par cette identité d'être ou unité ontologique, Spinoza refuse l'intervention d'un Dieu transcendant qui mettrait en accord chaque terme d'une série avec un terme de l'autre ou, même, qui accorderait les séries l'une sur l'autre en fonction de leurs principes inégaux." (Spinoza et le Problème... p.96) "Le parallélisme, à strictement parler, ne se comprend ni du point de vue d'une cause occasionnelle, ni du point de vue d'une causalité idéale, mais seulement du point de vue d'un Dieu immanent et d'une causalité immanente." (...) "...le rapport d'expression déborde le rapport de causalité : il vaut pour des choses indépendantes ou des séries autonomes, qui n'en ont pas moins l'une avec l'autre une correspondance déterminée, constante et réglée." (...) "...la théorie de Spinoza : modèle "paralléliste", il implique l'égalité de deux choses qui en expriment une même troisième, et l'identité de cette troisième telle qu'elle est exprimée dans les deux autres." (id p.97) "… la substance pensante et la substance étendue sont une seule et même substance, qui se comprend tantôt sous l'un, tantôt sous l'autre attribut. De même aussi une manière de l'étendue ("modus extensionis") et l'idée de cette manière sont une seule et même chose, mais exprimée de deux manières" (Ethique, II, 7, scolie Pautrat) "...malgré un préjugé répandu, il n'y a pas, chez Spinoza, un "parallélisme psycho-physiologique", tel qu'un Taine le concevra plus tard, même lorsque l'auteur de l'Ethique étudie l'homme au niveau de la connaissance du premier genre. Spinoza n'affirme nulle part l'existence de deux séries –la série physiologique et la série psychologique-, séries distinctes, pouvant être mises en correspondance soit terme à terme, soit dans leur totalité." (L'idée de vie dans la Philosophie de Spinoza, p.131) Une juste image du parallélisme serait deux "droites" certes parallèles, mais qui convergent en un foyer originel unique, celui de la substance. Le parallélisme n'est pas strictement parallèle et se recoupe en un point, en Dieu. Il y a de ce fait une unité des attributs. Dieu est pôle d'unification. Spinoza n'emploie pas le terme parallélisme mais "égalité". / On peut dire que l'unité du corps et de l'esprit ne résulte pas d'une réduction ou d'une identification de l'un à l'autre, mais de deux attributs d'une même substance. (cf L'unité du corps et de l'esprit, p.138) cf l'intéressant parallélisme "De ce qui augmente ou diminue, aide ou contrarie la puissance d'agir de notre corps, l'idée augmente ou diminue, aide ou contrarie la puissance de penser de notre esprit." (Ethique, III, 11)
Parallélisme épistémologique : "On raisonne souvent, et cela fausse tout, comme si, à l'essence du corps, devait simplement correspondre l'essence de l'idée du corps, et au corps, et au corps-existant-en-acte l'idée-existant-en-acte du corps ; mais tel n'est pas le cas : l'équivalent de l'essence du corps est l'idée de l'essence du corps, celui du corps-existant-en-acte est l'idée du corps existant en acte, et ces deux sortes d'idées sont l'une et l'autre parfaitement actuelles. Il y a actuellement, en Dieu, une idée de son essence et de tout ce qui suit de son essence : de tout, c'est-à-dire aussi bien des essences que des existences ; et c'est l'ordre de ces idées qui doit être homologue à celui de leurs idéats. Que ce parallélisme "épistémologique" revienne ou non à "privilégier" la Pensée par rapport aux autres attributs, ce n'est là, au fond, qu'une question de mots : il faut bien, de toute façon, que chaque attribut ait ses caractères spécifiques." (...) "...l'activité de la Pensée consiste à produire des idées, celle de l'Etendue consiste à produire des corps, et ceux-ci ne peuvent pas être produits tous à la fois alors que celles-là le peuvent. " (Matheron, "Remarques sur l'immortalité de l'âme... " p.373)
Passion : Chez Spinoza, la théorie des passions fait partie intégrante de sa métaphysique. "La force et l'accroissement d'une passion quelconque, et sa persévérance à exister ne sont pas définis par la puissance par laquelle nous nous efforçons de persévérer dans l'existence, mais par la puissance d'une cause extérieure, comparée à la nôtre." (Ethique, IV, 5) "..ce sont les deux formes fondamentales de ce Désir (la Joie s'il est secondé, la Tristesse s'il est réprimé) qui permettront de rendre compte de toutes les actions et de toutes les passions humaines." (Misrahi, Le Corps et l'Esprit..., p.94) "La passion est donc, rappelons-le, l'affect passif ; et celui-ci est tel parce qu'il exprime une action inadéquate, c'est-à-dire à la fois principalement issues de causes extérieures indépendantes de l'individu, et par conséquent principalement expressive du monde extérieur et non de cet individu considéré en lui-même, dans son essence et sa personnalité." (id. p.104) "La lutte contre les passions ne procèdera pas d'une décision du libre arbitre, et elle ne consistera pas en un combat de la volonté contre la vie passionnelle." (id p.115) "...en vertu du parallélisme, à toute passion du corps doit correspondre une passion de l'âme." (Le Ratio. de Spinoza, p.283) "...pour Descartes, il en est tout autrement. La passion (équivalant à ce que Spinoza appelle sentiment) est un état de l'âme causé par le corps. Si donc, en elle, l'âme est passive, c'est parce que, corrélativement, le corps est actif." (ibid, note 2) *à nuancer puisqu'il y a bien chez Descartes des "émotions intérieures " / (P.A, art.147) qui résulte de l'action seule de l'âme (même si ici, l'âme étant l'agent et le patient, l'émotion intérieure est à cet égard passion) et témoignent donc, dans une certaine mesure d'une affectivité active, même si c'est ici le terme d'"émotion" plutôt que celui de "sentiment" qui est employé. / "Et cependant, pour Spinoza, tout sentiment n'est pas une passion. La proposition 58 de la troisième partie de l'Ethique le déclare explicitement : "Outre la joie et le désir qui sont des passions, il y a d'autres sentiments de joie et de désir qui se rapportent à nous en tant que nous agissons."." (Le Ratio. de Spinoza, p.283) "Pour Descartes, tout sentiment est une passion de l'âme, c'est-à-dire un état qui, bien qu'appartenant à l'âme, est en elle causé par l'action du corps. Selon Spinoza, tout sentiment résulte des succès ou des échecs de l'effort ou du désir constituant notre essence et se trouvant en rapport avec les choses extérieures." (id p.284) La passion succombe à sa connaissance vraie : "Une affection qui est une passion, cesse d'être une passion, sitôt que nous en formons une idée claire et distincte." (Ethique, V, 3 trad. Appuhn) "Les affections passives s'opposent aux affections actives parce qu'elles ne s'expliquent pas par notre puissance d'agir. Mais, enveloppant la limitation de notre essence, elles enveloppent en quelque sorte les plus bas degrés de cette puissance. A leur manière, elles sont notre puissance d'agir, mais à l'état enveloppé, non exprimé, non expliqué. A leur manière, elles remplissent notre pouvoir d'être affecté, mais en le réduisant au minimum : plus nous sommes passifs, moins nous sommes aptes à être affectés d'un grand nombre de façons." (Spinoza et le Pb... p.225) "Ce qui est passion dans l'âme est aussi passion dans le corps, ce qui est action dans l'âme est aussi action dans le corps." (id. p.235) "L'ensemble de l'opération décrite par Spinoza présente quatre moments : 1°) Joie passive qui augmente notre puissance d'agir, d'où découlent des désirs ou des passions, en fonction d'une idée encore inadéquate ; 2°) A la faveur de ces passions joyeuses, formation d'une notion commune (idée inadéquate) ; 3°) Joie active, qui suit de cette notion commune et qui s'explique par notre puissance d'agir ; 4°) Cette joie active s'ajoute à la joie passive, mais remplace les désirs –passions qui naissaient de celle-ci par des désirs qui appartiennent à la raison, et qui sont de véritables actions. Ainsi se réalise le programme de Spinoza : non pas supprimer toute passion, mais à la faveur de la passion joyeuse, faire que les passions n'occupent plus que la plus petite partie de nous-mêmes et que notre pouvoir d'être affecté soit rempli par un maximum d'affections actives." (id p.264) "...si nous usons bien de notre Entendement et de notre Raison, nous ne tomberons jamais dans une de ces passions qui doivent être rejetées par nous. Je dis : notre Entendement parce que je pense que la Raison seule n'a pas le pouvoir de nous délivrer de toutes ; ainsi que nous le démontrerons en son lieu." (Court Traité, II, 14 §2, p.118) "Il y a cependant encore une chose excellente à remarquer concernant les passions ; à savoir que nous voyons et trouvons que toutes celles qui sont bonnes sont d'une nature telle que nous ne pouvons être et subsister sans elles, et que, par suite, elles nous appartiennent, comme l'Amour, le Désir et tout ce qui appartient à l'Amour." (ibid §3) "Spinoza dans toute l'Ethique ne cite nommément qu'un auteur, Descartes, et de cet auteur qu'un livre, les Passions de l'âme (III, préf., V, préf.)" (J-M Beyssade, "De l'émotion intérieure chez Descartes à l'affect actif spinoziste", Etudes sur Descartes, p.338) "Les passions de l'âme pour Descartes, en un sens, ne sont pas des passions de l'âme, elles sont des passions dans l'âme, mais ne proviennent pas d'elle. Il y a donc des perceptions qui sont déterminées par autre chose que l'âme seule (...) Les passions ont une cause physique, l'action du corps. C'est pourquoi il faut les expliquer en physicien en démontant le mécanisme corporel qui est à l'oeuvre en elles." (L'unité du corps et de l'esprit, p.31) Descartes comme Spinoza, en physicien pour l'un, en géomètre pour l'autre, rationalisent les passions. / mais "...ils divergent radicalement quant à la détermination de leurs causes premières. Pour Descartes, les passions au sens général sont des perceptions de l'âme qui peuvent avoir deux causes : l'âme et le corps. Les perceptions qui ont l'âme pour cause sont les perceptions de nos volontés, de nos imaginations ou des pensées qui en dépendent." (id p.34) Pour Spinoza "La cause prochaine des passions ne saurait être pour lui le mouvement des esprits animaux. Spinoza en effet distingue deux types d'affects en fonction de leur cause productrice : les actions et les passions. (...) Les actions sont les affects dont nous sommes la cause adéquate, totale, c'est-à-dire ceux qui s'explique par notre seule nature, et les passions sont les affects dont nous sommes la cause inadéquate, partielle, c'est-à-dire ceux qui ne s'expliquent pas seulement par notre nature, mais implique également des causes extérieures." (...) Le corps et l'esprit sont une seule et même chose qui s'explique de deux manières, soit par rapport à l'étendue, soit par rapport à la pensée. Ils n'interagissent pas l'un sur l'autre, ils agissent et pâtissent de concert." (...) "Les passions ne dépendent donc pas du corps, mais des idées inadéquates, tandis que les actions naissent des idées adéquates. Expliquer la passion, ce n'est pas comprendre l'action du corps, mais c'est comprendre la formation d'idées inadéquates." (id p.36) l'erreur de Descartes est "... qu'il ait cru que l'âme a sur ses actions une puissance absolue" (Ethique, III, Préf. trad. Saisset) "Si Descartes se trompe sur la cause des passions, c'est parce qu'il croit que l'esprit peut être affecté par le corps. Une action du corps sur l'âme n'est possible en effet que si l'on admet que l'âme est d'une nature telle qu'elle puisse subir les mouvements d'un mode de l'étendue." (L'Unité du corps et de l'esprit, p.39) La théorie spinoziste des passions était cartésienne dans le Court Traité "Ayant ainsi parlé des effets que l'âme a dans le corps, voyons maintenant ceux que le corps a dans l'âme " (Court Traité, II, XIX, §13) Tout affect n'est donc pas passion. / "De plus, la joie, la tristesse sont des passions par lesquelles la puissance de chaque individu, c'est-à-dire son effort pour persévérer dans son être, est augmentée ou diminuée, favorisée ou empêchée (par la Propos., 11, part, 3 et son Schol.) Or, cet effort pour persévérer dans son être, en tant qu'il se rapporte en même temps à l'âme et au corps, c'est pour nous l'appétit et le désir (par le Schol. de la Propos., 9, partie 3). Donc la tristesse et la joie, c'est le désir même ou l'appétit, en tant qu'il est augmenté ou diminué, favorisé ou empêché par les causes extérieures" (Ethique, III, 57 démonstration trad. Saisset)
Pensée : "Je crois, en effet, qu'il y a dans la nature une puissance infinie de penser et que cette puissance contient objectivement, dans son infinité, la nature tout entière, les pensées particulières qu'elle forme s'enchaînant en même manière que les parties de la nature qui est l'objet dont elle est l'idée." (Lettre 32 à Oldenburg, in Oeuvres de Spinoza, éd. Appuhn, t.III, p.240) "De même que le corps humain est un système de modes de l'étendue, attribut de Dieu, déterminé rigoureusement, selon les lois de la Nature étendue, de même l'esprit ou l'âme est un système d'idées, modes de l'attribut de la pensée, déterminé nécessairement par les lois de la nature pensante." (L'idée de vie dans la Philosophie de Spinoza, p.123)
Perfection divine / imperfection des effets : "Si toutes choses ont suivi de la nécessité de la nature souverainement parfaite de Dieu, d'où viennent donc tant d'imperfections dans la nature, à savoir : la corruption des choses jusqu'à la fétidité, leur laideur jusqu'à donner la nausée, la confusion, le mal, la faute, etc.? Mais, comme je viens de dire, il est facile de les réfuter. Car la perfection des choses ne doit s'estimer que d'après leur seule nature et puissance, et les choses ne sont pas plus ou moins parfaites selon qu'elles flattent ou offensent le sens des hommes, selon qu'elles s'accordent avec la nature humaine ou lui répugnent. Quant à ceux qui demandent pourquoi Dieu n'a pas créé tous les hommes de façons qu'ils se gouvernassent selon le seul commandement de la Raison, je leur réponds simplement : cela vient de ce que la matière ne lui a pas fait défaut pour crée toutes choses, depuis le plus haut degré (111) de perfection jusqu'au plus bas, ou, pour parler avec plus d'exactitude, de ce que les lois de la Nature elles-mêmes ont été assez amples pour suffire à la production de tout ce qui peut être conçu par un entendement infini, comme je l'ai démontré par la proposition 16" (Ethique, I, appendice p.111-112)
Philosophie : "...la séparation de la Foi et de la Philosophie qui est le but principal auquel tend tout l'ouvrage." (T.T.P, XIV p.240) "Le but de la Philosophie est uniquement la vérité ; celui de la Foi, comme nous l'avons abondamment montré, uniquement l'obéissance et la piété. En second lieu, les fondements de la Philosophie sont les notions communes et doivent être tirés de la Nature seule ; ceux de la Foi sont l'histoire et la philologie et doivent être tirés de l'Ecriture seule et de la révélation (...)" (T.T.P, XIV, p.246) "Mais s'il voit dans la vie contemplative la seule origine possible d'une jouissance "suprême et continue", à la manière d'un Aristote, il se trouve qu'à la différence de ce dernier, il peut pratiquer la contemplation en une totale solitude, et sans la moindre enquête empirique préalable." (Fraisse, L'Oeuvre de Spinoza, Chap.1 p.31)
Pitié : "…la Tristesse née du mal subi par autrui." (Ethique, III, 22 scolie) Plaisir : "nihil nisi torva et tristis superstitio delectari prohibet." "Ce n'est certes qu'une sauvage et triste superstition qui interdit de prendre du plaisir." (Ethique, IV, 45 scolie)
Privation / Négation : "En somme, il y a privation, quand ce que nous croyons appartenir à la nature de quelque objet est nié de cet objet même, et négation, quand est nié d'un objet ce qui n'appartient pas à sa nature." (Spinoza, Lettre XXI à Blyenbergh, Pléiade p.1148 )
Problème de la définition des affects : problème des définitions. "Il est possible toutefois de s'interroger sur la réalité de l'existence d'un discours mixte, centré autour de l'analyse des affects. (...) Spinoza en propose deux définitions qui sont sensiblement différentes, voire divergentes, l'une au début de la partie III, l'autre à la fin" La première regroupe sous le terme d'"affect" "les affections du corps qui augmentent ou diminuent, aident ou contrarient la puissance d'agir de ce corps et en même temps (et simul) les idées de ces affections" <Ethique, III, déf. 3>, et distingue deux espèces, l'action et la passion. La seconde, qui est présentée comme une définition générale, semble en retrait par rapport à la première : "L'affect, qu'on dit une passion de l'âme, est une idée confuse, par laquelle l'esprit affirme une force d'exister de son corps, plus grande ou moindre qu'auparavant, et dont la présence détermine l'esprit lui-même à penser à ceci plutôt qu'à cela." La définition finale introduit trois différences majeures par rapport à la précédente." (L'unité du corps et de l'esprit, p.72) 1°) "restreint les affects aux passions et ne mentionnent pas les actions." (id p.72) 2°) "...la définition finale restreint l'affect à son seul aspect mental. L'affect est présenté comme une passion de l'âme et , plus précisément, comme "une idée confuse, par laquelle l'esprit affirme une force d'exister de son corps ou d'une partie de son corps, plus grande ou moindre qu'auparavant."" (id. p.73) 3°) "Troisièmement, la définition générale ajoute une précision capitale qui permet d'englober tous les affects primitifs. En spécifiant que l'affect est une idée confuse "dont la présence détermine l'esprit à penser à ceci plutôt qu'à cela", elle exprime non seulement la nature de la joie et de la tristesse, mais celle du désir." (...) "En réalité, le problème ne se pose pas dans ces termes, car il est évident que Spinoza ne revient pas sur l'existence d'affects actifs et que la définition générale ne peut pas être interprétée comme un abandon des thèses antérieures. Les deux dernières propositions de l'Ethique III, qui précèdent la récapitulation finale, attestent le contraire, puisqu'elles mettent en place les affects appelés actions et les regroupent sous la catégorie de force d'âme." (...) "Il reste alors à comprendre pourquoi ces affects actifs sont éliminés au cours d'une définition qui se veut générale. L'adjectif generalis prête à confusion, vu que la définition n'est pas universelle. (...) L'apparente incohérence entre la définition III et la définition finale provient du fait que l'adjectif "générale" est interprété comme visant tous les affects. Or, comme ce n'est pas le cas, l'emploi de ce qualificatif paraît inapproprié et requiert des explications." (id p.74) "En réalité, la clé du problème réside dans le statut du texte final que Spinoza introduit brièvement au cours de l'explication de la définition 48 : "Si maintenant nous voulons prêter attention à ces trois affects primitifs, et à ce que nous avons dit plus haut de la nature de l'esprit, nous pourrons définir les affects en tant qu'ils se rapportent seulement à l'esprit, de la manière que voici." Avant d'exposer son énoncé, Spinoza précise donc clairement que son projet n'est pas de (76) définir les affects sous tous leurs aspects, mais seulement en tant qu'ils se rapportent à l'esprit (quatenus ad solam mentem referentur). C'est la raison pour laquelle la référence au corps est minimisée sans disparaître pour autant. Reste à comprendre pourquoi Spinoza s'attache avant tout au rapport à l'esprit, d'une part, et à ses passions, d'autre part. Ce primat ne signifie nullement que le corps soit exclu ou que les affects actifs soient éliminés ; il est la conséquence du but que Spinoza se propose explicitement d'atteindre dans le deuxième scolie de la proposition 55 <erreur : il s'agit en fait du scolie de III, 56>. "Pour notre dessein, qui est de déterminer les forces des affects et le pouvoir de l'esprit sur eux, il nous suffit d'avoir une définition générale de chacun des affects." La définition générale s'inscrit donc dans le contexte d'une recherche de la puissance de l'esprit pour modérer et contrarier les affects. C'est la raison pour laquelle l'accent est mis non seulement sur l'aspect mental, mais sur l'aspect passif de l'affect. Il s'agit de comprendre la nature des passions afin de mesurer leurs forces et de pouvoir leur opposer la puissance de l'entendement. Les définitions des affects dans leur ensemble ont ainsi une fonction pédagogique et propédeutique. Elles attirent l'attention sur ce qu'il est nécessaire d'observer au sujet des passions afin de pouvoir déterminer ensuite les causes de la servitude humaine –autrement dit, les forces des affects, selon le titre de la partie IV, leur caractère bon ou mauvais, ainsi que la voie qui mène à la liberté dans la partie V, grâce à la puissance de l'entendement. Dans ces conditions, la définition est appelée générale, parce qu'elle est générique ; elle renvoie à un genre d'affects – à savoir, les (77) passions, ou idées confuses par lesquelles l'esprit affirme une force d'exister de son corps, plus grande ou moindre qu'auparavant." (L'unité du corps et de l'esprit, pp.76-78) "Reflets instantanés de la puissance d'agir de l'homme, les affects témoignent de ses variations et de sa plus ou moins grande perfection en fonction du caractère adéquat ou inadéquat de la cause qui la produit. La perfection humaine se manifeste au plus haut point à travers les affects actifs fondés sur la raison et la science intuitive ; elle s'amenuise au contraire en fonction de la faiblesse des aptitudes corporelles qui trouve son acmé dans la mort. Tandis que la mort sonne le glas des affections du corps, la fortitudo et ses deux espèces, la fermeté et la générosité, constituent la clé de voûte de la liberté spino –(142) –ziste. La puissance d'agir du corps et de l'esprit n'est jamais aussi forte que lorsqu'elle prend la forme de l'amour de Dieu qui est un affect éternel." (...) "Alain, <Spinoza>"il y a de l'éternel en chacun, et cela, c'est proprement lui. Essayer de saisir cette puissance qui lui est propre, dans ces instants heureux où il est lui-même, où il se traduit tout dans l'existence, par un concours heureux des choses et des hommes. Les sots diront que ce bonheur lui est extérieur ; mais le sage comprendra peut-être qu'à ces moments de puissance il est hautement lui"." (id. pp.142-143) "...la force d'un affect quelconque se définit par la puissance de la cause extérieure comparée à la nôtre." (Ethique, V, 20 scolie, trad. Pautrat)
Prophétie : <En Hébreux, prophète = nabi signifiant orateur et interprète –de Dieu-.> "La prophétie, ou révélation, consiste en une connaissance certaine, qui offre ce caractère d'être révélée par Dieu aux hommes. Quant au prophète, il est celui qui interprète les communications divines à ses semblables –incapables de les recevoir, eux, avec certitude de cette manière et, par conséquent, réduits à les saisir par un acte de foi." (*T.T.P, I, "De la Prophétie", p.617) "En conclusion, nous déclarerons, qu'à l'exception du Christ, personne n'a jamais reçu de révélation de Dieu sans le secours de l'imagination, c'est-à-dire de paroles ou d'images visuelles. Il en résulte que le don de prophétie n'exige pas de qualités supérieures d'esprit, mais une plus vive imagination (...)" (*Id, p.625) "...la prophétie n'a jamais rendu les prophètes plus savants, mais les a laissés dans leurs opinions préconçues et que, par suite, nous ne sommes nullement tenus de les croire en ce qui concerne les choses purement spéculatives. (*id, II "Des Prophètes, p.641)"
Providence : "...nous posons une providence universelle et une particulière. La providence universelle est celle par laquelle chaque chose est produite et maintenue en tant qu'elle est une partie de la nature entière. La providence particulière est la tendance qu'a chaque chose à maintenir son être propre, en tant qu'elle n'est pas considérée comme une partie de la nature mais comme un tout." (Court Traité, I, 5, §2 p.71) Puissance : Puissance de l'homme = Raison. (cf par ex. Ethique, IV, appendice, 3) L'Ethique peut, à juste titre, être présentée comme une philosophie de la puissance. "On attribue à un être fini une puissance d'exister comme identique à son essence. Sans doute un être fini n'existe-t-il pas par sa propre essence ou puissance, mais en vertu d'une cause externe. Il n'en a pas moins une puissance qui lui est propre, bien que cette puissance soit nécessairement effectuée sous l'action de choses extérieures." (Spinoza et le Pb de l'Expression, p.78) "la puissance de l'homme, en tant qu'on l'explique par son essence actuelle, est une partie de la puissance infinie" (Ethique IV, 4 démonstration, trad. Saisset) "Mais jamais la participation des puissances ne supprime la distinction des essences." (...) "ma puissance reste ma propre essence, la puissance de Dieu reste sa propre essence, au moment même où ma puissance est une partie de la puissance de Dieu." (Spinoza et le Pb... p.81) "Spinoza parle souvent d'une aptitude du corps, qui correspond à sa puissance : le corps est apte (aptus) à agir et à pâtir (E, II, 13, sc) ; il peut être affecté d'un grand nombre de façons (E, II, postulat 1), l'excellence de l'homme vient de ce que son corps est "apte au plus grand nombre de choses" (E, V, 39)" (id, note 26 p.82) "...plus une chose a de puissance, plus elle peut être affectée d'un grand nombre de façons" (Spinoza et le Pb... p.90) "Une chose singulière quelconque, dont la nature est entièrement différente de la nôtre, ne peut ni aider ni contrarier <juvare nec coercere> notre puissance d'agir, et, absolument parlant, aucune chose ne peut être bonne ou mauvaise pour nous, à moins qu'elle n'ait quelque chose de commun avec nous." (Ethique, IV, 29) Par conséquent, "...les affections qui aident la puissance d'agir doivent être cherchées du côté des individus humains rationnels." (L'unité du corps et de l'esprit, p.102) "Rien ne peut mieux s'accorder <convenire> avec la nature d'une chose que les autres individus de même espèce ; et par conséquent (selon le chapitre 7), il n'est rien de plus utile à l'homme, pour conserver son être et jouir d'une vie raisonnable, que l'homme qui est conduit par la Raison." (Ethique, IV, chapitre IX) Raison : Distinguer la foi du croyant, la foi de l'athée et la raison, l'athée prenant son athéisme pour rationnel se trouve souvent n'être que le croyant de son athéisme.(foi qui s'ignore et se croît raison). "Il n'est pas de la nature de la Raison de considérer les choses comme contingentes, elle les considère au contraire comme nécessaires." (Ethique, II proposition 44) "Il est de la nature de la Raison de percevoir les choses de façon vraie, à savoir comme elles sont en soi, c'est-à-dire non comme contingentes, mais comme nécessaires." (Démonstration de supra) "D'où il suit qu'il dépend de l'imagination seule que nous considérions les choses comme contingentes, tant pas rapport au passé que par rapport au futur." (Corollaire 1 de supra) "Il est de la nature de la raison de percevoir les choses sous une certaine espèce d'éternité." <De natura rationis est res sub quadam aeternitatis specie percipere> (Corollaire 2 de supra) "…cette nécessité des choses est la nécessité même de la nature éternelle de Dieu. Il est donc de la nature de la Raison de considérer les choses sous cette espèce d'éternité. Ajoutez que les principes de la Raison sont des notions qui expliquent ce qui est commun à toutes choses, et qui n'expliquent l'essence d'aucune chose singulière, et qui par conséquent doivent être conçues sans aucune relation de temps, mais sous une certaine espèce d'éternité." (autre Démonstration de supra) "…il est aussi nécessaire de connaître la puissance que l'impuissance de notre nature, afin de pouvoir déterminer ce que peut et ce que ne peut pas la Raison pour gouverner les sentiments. Et j'ai dit que, dans cette partie <i.e la IV, "de la servitude humaine> je ne traiterai que de la seule impuissance humaine, car je me propose de traiter à part de la puissance de la Raison sur les sentiments." (id, IV, scolie de la proposition 17) "En tant que l'esprit conçoit les choses selon le commandement de la raison, il est affecté de même façon (aeque)- que l'idée soit celle d'une chose future ou passée, ou celle d'une chose présente." (id, IV, proposition 62) "Tout ce que l'esprit conçoit sous la conduite de la Raison, il le conçoit sous la même espèce d'éternité ou (seu) de nécessité, et il est affecté <afficitur> de la même certitude. Aussi, que l'idée soit celle d'une chose future ou passée, ou celle d'une chose présente, l'esprit conçoit la chose avec la même nécessité, et il est affecté <afficitur> de la même certitude ; et que l'idée soit celle d'une chose future ou passée, ou celle d'une chose présente, elle n'en sera pas moins vraie de même façon, c'est-à-dire qu'elle n'en aura pas moins toujours les mêmes propriétés d'une idée adéquate. Et par conséquent, en tant que l'esprit conçoit les choses selon le commandement de la Raison, il est affecté <afficitur>de la même façon, que l'idée soit celle d'une chose future ou passée, ou celle d'une chose présente." (id, IV, démonstration de la proposition 62) Le monde tel que le voit Spinoza est "intégralement pourvu de raison, et dépourvu de sens" (Voca. de Spinoza, p.26) "La raison nous conduit à "bien vivre". Mais, pour bien vivre, il faut d'abord vivre. Or, c'est la raison qui permet non seulement au Sage, mais encore à tout homme de vivre. C'est elle qui nous prescrit de nous emparer de tout ce qui, parmi les choses matérielles et vivantes, autres que les hommes, peut contribuer à la régénération de notre être (...) La raison est à la fois effort de comprendre et effort de vivre : elle est l'instrument indispensable de notre salut spirituel aussi bien que de notre salut matériel." (L'idée de Vie..., p.154) "Je ne peux donc assez m'étonner que l'on veuille soumettre la Raison, ce plus grand des dons, cette lumière divine, à la lettre morte que la malice humaine a pu falsifier, que l'on puisse croire qu'il n'y a pas de crime à parler indignement contre la Raison, cette charte attestant vraiment la parole de Dieu, à la prétendre corrompue, aveugle et perdue, alors qu'ayant fait une idole de ce qui n'est que la lettre et l'image de la parole divine, on tiendrait pour le pire des crimes une supposition semblable à son égard. On estime qu'il est pieux de n'avoir que méfiance à l'égard de la Raison et du jugement propre, impie de n'avoir pas pleine confiance dans ceux qui nous ont transmis les Livres sacrés ; ce n'est point là de la piété, c'est de la démence pure." (T.T.P, XV, p.251) Dans le T.T.P il y a clivage entre appétit ou désir et raison. "L'Ethique rompt avec une telle conception duelle de la nature humaine et dissipe toute trace de clivage, en promouvant une raison appétitive ou un appétit rationnel." (Jaquet, L'Unité du corps et de l'esprit, p.62) Rapport corps / esprit : "Ni le corps ne peut déterminer l'esprit à penser, ni l'esprit ne peut déterminer le corps au mouvement, ou au repos, ou à quelque chose d'autre (s'il en est)." (Ethique, III, 2) "Tous les modes de penser ont pour cause Dieu en tant qu'il est chose pensante, et non en tant qu'il s'explique par un autre attribut (…); donc ce qui détermine l'esprit à penser est un mode du Penser et non de l'étendue, c'est-à-dire (…) n'est pas un corps. (…) D'autre part, le mouvement et le repos d'un corps doivent avoir leur origine dans un autre corps, qui a été déterminé aussi au mouvement ou au repos par un autre, et absolument parlant, tout ce qui survient dans un corps a dû avoir son origine en Dieu, en tant qu'on le considère comme affecté d'un mode de l'Etendue, et non d'un mode du Penser (…), c'est-à-dire que cela ne peut avoir son origine dans l'esprit, qui (…) est un mode du penser." (démonstration de supra) A propos de Descartes : "Vraiment je ne puis assez m'étonner que ce philosophe, qui s'était fermement résolu à ne rien déduire que de principes connus de eux-mêmes, et à ne rien affirmer qu'il ne perçut clairement et distinctement, et qui avait si souvent reprocher aux Scolastiques de vouloir expliquer les choses obscures par des qualités occultes, soutienne une hypothèse plus occulte que toute qualité occulte. Qu'entend-il, je le demande, par union de l'esprit et du corps? Quel concept clair et distinct, dis-je, a-t-il d'une pensée très étroitement unie à certaine petite portion de la quantité? Je voudrais vraiment qu'il eût expliqué cette union par sa cause prochaine. Mais il avait conçu l'esprit tellement distinct du corps, qu'il ne put assigner aucune cause singulière ni à cette union ni à l'esprit lui-même, et qu'il lui a été nécessaire d'avoir recours à la cause de l'Univers entier, c'est-à-dire à Dieu." (Ethique, V préface p.353) "L'homme qui existe actuellement est, lui aussi, à la fois chose et idée. Considéré comme chose, c'est-à-dire sous l'attribut étendue, l'homme est un corps ; considéré comme idée de ce corps existant actuellement, c'est-à-dire comme idée actuellement réelle, et non pas seulement comme essence éternelle, l'homme est une âme. Et l'on voit par là que l'âme humaine est en rapport avec Dieu de deux façons. D'abord elle est en Dieu comme essence éternelle, éternellement concevable ; mais elle est aussi en Dieu en tant que Dieu contient, sous l'attribut étendue, l'existence actuelle du corps dont l'âme est l'idée. C'est ce que l'on exprime en disant que l'âme de l'homme est unie au corps de l'homme. L'âme et le corps sont unis de la même manière qu'en Dieu les attributs pensée et étendue sont liés, c'est-à-dire sont deux attributs d'un seul et même être." (Alain, Spinoza, chap. 2 "De Dieu et de l'âme") "...Spinoza estime que la façon dont Descartes a entendu l'union de l'âme et du corps est aussi contraire que possible à la règle de l'évidence et introduit des façons de penser plus occultes que ces qualités occultes des scolastiques qu'il a tant combattues. Elle ne saurait expliquer ce qu'elle soutient, c'est-à-dire comment l'âme peut être une source de mouvement ou pour le mouvement donné un principe de direction. La vérité est qu'il n'y a aucun rapport de causalité entre la volonté et le mouvement, et que l'âme et le corps ne sont, sous deux attributs différents, que deux séries de modifications correspondantes d'une même substance qui est Dieu." (Le Spinozisme, p.81) "Il y a donc correspondance entre les affections du corps et les idées dans l'esprit, correspondance par laquelle ces idées représentent ces affections. D'où vient ce système de correspondance? Ce qui est exclu, c'est toute action réelle entre le corps et l'esprit, puisqu'ils dépendent de deux attributs différents, chaque attribut étant conçu par soi. L'esprit et le corps, ce qui arrive à l'un et ce qui arrive à l'autre respectivement, sont donc autonomes. Il n'y en a pas moins correspondance entre les deux, parce que Dieu, comme substance unique ayant tous les attributs, ne produit rien sans le produire dans chaque attribut suivant un seul et même ordre. Il y a donc un seul et même ordre des corps et des esprits. Mais ce n'est pas cette correspondance sans causalité réelle, ni même cette identité d'ordre, qui définissent l'originalité de la doctrine de Spinoza." (Spinoza Philo. Prat. p.93) "...Descartes va se mettre dans l'incapacité de se rendre compte de la relation entre le corps et l'âme ; excluant du corps toute possibilité de penser, et de l'âme tout contenu corporel, Descartes constitue en effet cela même qu'il souhaitait pour des raisons métaphysiques : un dualisme radical qui est un dualisme radical qui est un dualisme de la pureté." (R. Misrahi, Le corps et l'Esprit dans la Philosophie de Spinoza, p.17) "Le problème de l'union de l'âme et du corps disparaît, chez Spinoza, parce que "union" veut dire "identité" (97). On ne doit pas expliquer comment la réalité spirituelle et la réalité corporelle agissent l'une sur l'autre, puisqu'il s'agit, au fond, d'une même réalité comportant deux faces différentes. L'expérience nous apprend que "lorsque le corps est au repos dans le sommeil, l'esprit est endormi en même temps que lui..." (L'idée de Vie dans la Philosophie de Spinoza, pp.97-98) Réalité : "<axiome>IV. Il y a divers degrés de réalité ou entité : car la substance a plus de réalité que l'accident ou le mode; et la substance infinie que la finie; et par suite, il y a plus de réalité objective dans l'idée de la substance que dans celle de l'accident; et dans l'idée de la substance infinie que dans l'idée de la substance finie." (Principes de la Philosophie de Descartes, p.251)
Réalité objective de l'idée : "Par réalité objective d'une idée j'entends l'être ou l'entité de la chose représentée par l'idée, en tant que cette entité est dans l'idée." (Principes de la philosophie de Descartes, p.246) Réalité / Perfection : "Par réalité et perfection, j'entends la même chose." (Ethique, II, Définition 6) "OBSERVATION II. - Nous ne parlons pas ici de la beauté et des autres perfections que les hommes ont voulu appeler perfections par superstition et ignorance. Mais j'entends par perfection seulement la réalité ou l'être ; ainsi je perçois qu'il est contenu dans la substance plus de réalité que dans les modes et les accidents, et en conséquence je connais clairement qu'elle contient une existence plus nécessaire et parfaite que les accidents, comme il est assez certain par les Axiomes 4 et 6. COROLLAIRE : Il suit de là que tout ce qui enveloppe l'existence nécessaire est l'être suprêmement parfait, c'est-à-dire Dieu." (Les Principes de la Philosophie de Descartes, 1 ère partie, p.262)
Refoulement : "Quand l'esprit imagine des choses qui diminuent ou empêchent la puissance d'agir du corps, il s'efforce, autant qu'il se peut, de se souvenir de choses qui excluent l'existence des premières." (Ethique, III, 13) "D'où suit que l'esprit répugne à imaginer ce qui diminue ou contrarie sa puissance et celle du corps." (corollaire de supra)
Religion : "Le signe unique et le plus certain de la vraie religion catholique et de la véritable possession de l'Esprit-Saint est donc, comme je l'ai dit avec Jean, la justice et la charité : là où elles manquent, manque aussi le Christ. Car nous ne pouvons être conduits à l'amour de la justice et de la charité que par l'esprit du Christ." (Lettre 76 à Albert Burgh, Pléiade p.1289) "Avez-vous examiner toutes les religions anciennes et nouvelles que l'on professe ici, aux Indes et partout dans le monde? Et, si même vous les aviez examinées correctement, comment savez-vous que vous avez choisi la meilleure? Comment répondriez-vous, puisque vous ne pourriez fondez votre foi sur aucune raison? Vous direz que vous vous soumettez au témoignage intérieur de l'esprit de Dieu, tandis que les autres sont possédés et dupés par le Prince des esprits du mal ; mais tous ceux qui sont en dehors l'Eglise romaine sont aussi justifiés à dire de leur religion ce que vous-mêmes dites de la vôtre." (id, p.1291) "...Spinoza admet, à côté du salut par la philosophie, un salut des ignorants, que procure l'obéissance à la religion. Colerus, qui tient pourtant Spinoza pour un impie, rapporte qu'il engageait son hôte et les gens de la maison à assister aux sermons (...)" (Le Rationalisme de Spinoza, chap.I, 5, p.31) "A l'origine la Religion a été donnée aux hommes comme une loi par écrit parce qu'alors ils étaient comme des enfants." (T.T.P, XII, p.217) "Pour moi je crains au contraire que par une ardeur excessive de sainteté on ne dégrade la Religion en superstition, qu'on ne se prenne, dirai-je, à adorer des simulacres et des images, du papier noirci, au lieu de la Parole de Dieu." (id p.218)
Rencontre (occursus) : (N.B les termes "occursus" ou "occurrere" reviennent sept fois dans l'Ethique) "Spinoza, dans l'"Ethique", emploie le terme latin "occursus", la rencontre. Mon corps ne cesse pas de rencontrer des corps. Les corps qu'il rencontre ont tantôt des rapports qui se composent, tantôt des rapports qui ne se composent pas avec le mien." (Deleuze, Cours à l'université de Vincennes, 20/01/1981) "Nous sommes dans une telle situation que nous recueillons seulement "ce qui arrive" à notre corps, "ce qui arrive" à notre âme, c'est-à-dire l'effet d'un corps sur le notre, l'effet d'une idée sur la nôtre." (Spinoza Philosophie Pratique, p.30) "...parce que cet effort <conatus> nous pousse à agir différemment suivant les objets rencontrés, nous devons dire qu'il est, à chaque instant, déterminé par les affections qui nous viennent des objets. Ce sont ces affections déterminantes qui sont nécessairement cause de la conscience du conatus." (id, p.32)
Révélation : "Puis donc qu'il faut admettre que les Epîtres des Apôtres sont inspirées de la seule Lumière Naturelle , il y a lieu de voir comment les Apôtres ont pu, par la seule connaissance naturelle, enseigner ce qui n'est pas de son ordre." (T.T.P, XI, p.210) "...j'admets absolument que ce dogme fondamental de la Théologie <=le salut des hommes est assuré par l'obéissance seule à la loi> ne peut être découvert par la Lumière Naturelle ou que du moins nul ne s'est trouvé qui l'ait démontré, et que par suite la Révélation a été nécessaire au plus haut point (...) " (T.T.P, XV, p.255) La révélation offre donc le précieux enseignement que l'obéissance est salutaire à l'homme.
Rire : "Entre la moquerie et le rire, je fais une grande différence. Car le rire, comme aussi la plaisanterie est une pure joie ; et par conséquent, pourvu qu'il ne soit pas excessif, il est bon par lui-même. Et ce n'est certes qu'une sauvage et triste superstition qui interdit de prendre du plaisir. Car, en quoi convient-il mieux d'apaiser la faim et la soif que de chasser la mélancolie?" (Ethique, IV, 45 scolie)
Salut : "Hors le salut, le philosophe ne trouve rien au monde qui vaille la peine d'être recherché. Il veut réaliser sa nature humaine, il veut être heureux et libre. Il ne peut l'être –et donc l'homme en général ne peut l'être- qu'en s'unissant à Dieu." ''L'union est la vraie science, c'est-à-dire la compréhension –ou connaissance- claire et distincte de ce qui est : de soi-même, de Dieu et du monde" (Ethique, intro Caillois p.15) Salut = penser, en vérité, Dieu. "La philosophie tend donc à comprendre le tout dans son unité; Le salut du philosophe est dans la vue de ce tout, de tout ce qui est en vérité, ou encore en éternité" (id, intro. Caillois p.20) "En fait, selon Spinoza, notre pouvoir d'être affecté ne sera pas rempli (après la mort) par des affections actives du troisième genre si nous n'avons pas réussi durant l'existence elle-même à éprouver proportionnellement un maximum d'affections actives du second genre et, déjà, du troisième. C'est en ce sens que Spinoza peut estimer qu'il conserve entièrement le contenu positif de la notion de salut. L'existence même est encore conçue comme une sorte d'épreuve. Non pas une épreuve morale, il est vrai, mais une épreuve physique ou chimique, comme celle des artisans qui vérifient la qualité d'une matière, d'un métal ou d'un vase." (Spinoza et le Pb... p.296) "...plus l'esprit connaît de choses par le deuxième et le troisième genre de connaissance, plus grande est la partie qui subsiste de lui, et par conséquent plus grande en est la partie que n'atteignent pas les sentiments qui sont mauvais." (Ethique, V, 38, démonstration) "...c'est pourquoi seul craint la mort celui qui a quelque chose à en craindre, celui qui perd relativement davantage en mourant." (Spinoza et le Pb... p.297) La possibilité du salut repose sur ces deux parties qui nous composent 1°) Partie intensive (en tant que nous sommes par de la puissance de Dieu) et 2°) Partie extensive : l'âme en tant qu'exprimant le corps, lui-même doué de partie extensive. / "C'est parce que sa conscience peut gagner en clarté et distinction que l'homme peut réaliser son salut, en pensant soi-même et les choses, comme l'entendement infini de Dieu les pense." (L'idée de vie..., p.148) Le salut n'est en rien pensé comme une récompense consistant en un bonheur supérieur à ceux auxquels j'aurai renoncé, mais comme l'appropriation même de ma nature. /
Secours interne/externe : "Tout ce donc que la nature humaine peut produire par sa seule puissance pour la conservation de son être, nous pouvons l'appeler secours interne de Dieu, et secours externe tout ce que produit d'utile pour lui la puissance des choses extérieures." (T.T.P, III p.71) Servitude : "L'impuissance de l'homme à gouverner et à contenir ses sentiments, je l'appelle Servitude." (IV, préface) "La source du mouvement de libération du Désir existe donc bien en l'homme, et cette source d'énergie, qui est en même temps une motivation, est le Désir lui-même." (Misrahi, Le Corps et l'Esprit dans la Philosophie de Spinoza, p.116)
Spinoza vu par l'Encyclopédie ; "Il a été un athée de systême" "Le dogme de l'ame du monde, qui a été si commun parmi les anciens, & qui faisoit la partie principale du systême des stoïciens, est, dans le fond, celui de Spinosa " "Pour peu qu'on enfonce dans ces noires ténébres où il s'est enveloppé, on y découvre une suite d'abymes où ce téméraire raisonneur s'est précipité presque dès le premier pas, des propositions évidemment fausses, & les autres contestables, des principes arbitraires substitués aux principes naturels & aux vérités sensibles, un abus des termes la plûpart pris à contre-sens, un amas d'équivoques trompeuses, une nuée de contradictions palpables."
Spinozisme : "...le spinozisme prétend résoudre des problèmes que Descartes, par exemple, réservait à la foi. Il veut nous conduire au salut." (Le Rationalisme de Spinoza, chap.I, 1, p.22) "Assurément, la pensée de Spinoza porte, comme toute pensée humaine, la trace de son milieu natal et de ses acquisitions. Mais Spinoza a fait subir, à tous les éléments par lui reçus, de telles transformations que sa philosophie ne nous paraît, à proprement parler, ni juive ni cartésienne." (Le Rationalisme de Spinoza, chap.II, 1, p.35) "Selon lui <Descartes>, la façon dont s'engendrent réellement les choses nous demeurera toujours inconnue, et la distinction qu'il opère demeure intérieure à la science humaine. Le philosophe qui estimera que l'ordre synthétique que peut suivre la pensée est conforme à l'ordre même des choses n'est pas Descartes, mais précisément Spinoza." (Le Rationalisme de Spinoza, chap.IV, 5, p.71) "Jamais donc, dans le texte cartésien, il n'est question d'opposer l'ordre de la connaissance et celui de l'existence réelle, autrement dit de la dépendance en soi des réalités." (id p.72) "Aussi, estimons-nous que Spinoza, tout en exposant correctement son contenu, a renversé la philosophie de Descartes. Descartes part de l'homme, de sa condition finie, de ses incertitudes. Spinoza part de Dieu." (id, IV, 6 pp73-74.) "L'exigence fondamentale de Spinoza est exigence de salut." (id V, 1 p.75) (cette exigence est, selon Alquié, ce en vue de quoi le système est constitué) Substance : "Per substantiam intelligo id quod in se est et per se concipitur hoc est id cujus conceptus non indiget conceptu alterius rei a quo formari debeat." "Par substance, j'entends ce qui est en soi et est conçu par soi, c'est-à-dire ce dont le concept n'a pas besoin du concept d'une autre chose pour être formé." (Ethique, I, Définition 3) "La substance est antérieure par nature à ses affections <affectionibus>" (id, I, 1) on pourrait entendre la proposition de la sorte : ce par quoi les choses se conservent est, de sa nature, antérieur à ses choses. (cf CT p.158)/ "Une substance ne peut-être produite par une autre substance." (id, I, Proposition 6) "Il appartient à la nature de la substance d'exister." (ibid 7) "Toute substance est nécessairement infinie." (ibid 8) "Substantia absolute infinita est indivisibilis" "La substance absolument infinie est indivisible." (I Proposition 13) "D'où il suit que nulle substance, et en conséquence nulle substance corporelle, en tant qu'elle est une substance, n'est divisible." (Corollaire supra) "Par exemple, nous concevons que l'eau, en tant qu'elle est de l'eau se divise et que ses parties se séparent les unes des autres ; mais non en tant qu'elle est substance corporelle : car, en tant que telle, elle ne souffre ni séparation ni division. De même, en tant qu'eau, elle s'engendre et se corrompt ; mais en tant que substance, elle ne s'engendre ni ne se corrompt." (scolie de la proposition 15) "…substance pensante et substance étendue sont une seule et même substance qui est comprise tantôt sous cet attribut, tantôt sous l'autre." (II scolie de la proposition 7) "Nulle chose ne peut être détruite, sinon par une cause extérieure." (III proposition 4) "car la définition d'une chose quelconque affirme son essence et ne la nie pas ; autrement dit, elle pose l'essence et ne la supprime pas." (démonstration de supra) "Nous n'avons pas en effet d'autre idée de la substance, elle-même précisément prise, sinon qu'elle est une chose dans laquelle existe formellement ou éminemment ce quelque chose que nous percevons, c'est-à-dire qui est objectivement dans l'une de nos idées." (Principes de la Philosophie de Descartes, p.246) "Par Substance nous entendons ce qui n'a besoin pour exister que du seul concours de Dieu." (Id, 2e partie, définition 1 p.278) "Ainsi, la Substance, bien qu'elle soit "antérieure en nature à ses affections" (I, 1), ne se présente jamais telle quelle, mais toujours par l'intermédiaire de ses "affections" : et c'est le sens même de l'immanentisme spinoziste que de ne pas considérer les "affections" comme des "apparences" ou des "reflets" ontologiquement dégradés, ou déficients, mais bien comme des "choses singulières, ou "particulières" exprimant pleinement la nature de la Substance." (C. Ramond, Le Vocabulaire de Spinoza, p.13) "De même que l'on considère l'étendue et la pensée comme des substances à l'égard des modes qui en dépendent, de même on doit les considérer comme des modes à l'égard de la substance dont elles dépendent." (Le Spinozisme, p.16) "...le spinozisme n'est que le prolongement presque immédiat du cartésianisme ; car, d'un côté, Descartes a justifié l'application à Dieu de ce concept de "cause de soi" ; et d'un autre côté, il a lui-même donné de la substance une définition qui, prise en toute rigueur, ne convient qu'à Dieu." (id, p.28) "Est-ce que le spinozisme ne va pas se constituer en supprimant tout simplement la restriction d'apparence assez arbitraire par laquelle Descartes, après l'Ecole, empêche d'appliquer à Dieu seul la notion de substance telle qu'elle vient d'être définie?" (id, p.30) "...hors les substances et les accidents, rien n'est donné dans le réel, c'est-à-dire en dehors de l'entendement. Tout ce qui est donné en effet se conçoit ou par soi, ou par autre chose, et son concept ou bien implique ou bien n'implique pas le concept d'une autre chose." (Spinoza, Lettre 4) "...la substance est "en soi", ce qui traduit son indépendance réelle, et elle est "conçue par soi", ce qui traduit son indépendance logique." (Le Ratio. de Spinoza, p.112)
Temps : "Ainsi le temps n'est pas une affection des choses, mais seulement un simple mode de penser, ou, comme nous l'avons dit déjà, un être de Raison; c'est un mode de penser servant à l'explication de la durée. On doit noter ici, ce qui servira plus tard quand nous parlerons de l'éternité, que la durée est conçue comme plus grande et plus petite, comme composée de parties, et enfin qu'elle est un attribut de l'existence, mais non de l'essence." (Pensées Métaphysiques, chap.4, p.350) "avant la création nous ne pouvons imaginer aucun temps et aucune durée, mais le temps et la durée ont commencé avec les choses. Car le temps est la mesure de la durée ou plutôt il n'est rien qu'un mode de penser. Il ne présuppose donc pas seulement une chose créée quelconque, mais avant tout les hommes pensants. Quant à la durée, elle cesse où les choses créées cessent d'être et commence où les choses créées commencent d'être; je dis les choses créées, car nulle durée n'appartient à Dieu mais seulement l'éternité, nous l'avons montré plus haut avec une suffisante évidence. La durée suppose donc avant elle ou au moins implique les choses créées. Pour ceux qui imaginent la durée et le temps avant les choses créées, ils sont victimes du même préjugé que ceux qui forgent un espace par-delà la matière, comme il est assez évident de soi. " (id, partie II, chap. X, p.378)
Théologico-politique : "le seul but que je me suis fixé, la séparation de la philosophie et de la théologie" (*T.T.P fin du chap. II, p.147) "la séparation de la foi d'avec la philosophie constitue la visée essentielle de cet ouvrage tout entier." (*ibid chap. VII, p.279) "...pour que plus tard les rois chrétiens ne pussent s'emparer de cette autorité, les Ecclésiastiques prirent de très habiles mesures de préservation, comme la prohibition du mariage pour les plus hauts ministres de l'Eglise et l'interprète suprême de la religion." (T.T.P, XIX, p.322) Tout / partie : "...le tout et la partie ne sont pas des êtres réels, mais seulement des êtres de raison et que par suite il n'y a dans la Nature ni tout ni partie." (Court Traité, I, 2, §19, p.54) Traduction d'affectus : "Le terme "passion" est inadéquat, du moins dans l'Ethique, puisqu'il existe de l'aveu même de Spinoza des affects actifs. Il peut éventuellement se légitimer lorsqu'on a affaire uniquement à des affects passifs. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans le Traité politique, Pierre-François Moreau traduit affectus par "passion", en faisant observer que, dans l'ensemble de cet ouvrage, "il n'est jamais question d'affections actives". Toutefois, même dans ce cas, la traduction de affectus par "passions" reste discutable. En effet, il en résulte une déperdition de sens, car le lien étymologique qui unit les substantifs affectus, affectio et les rattache au verbe afficere n'apparaît plus clairement. (...) Le terme de "sentiment" choisi par Roland Caillois dans "La Pléiade", et repris notamment par Ferdinand Alquié, est moins inapproprié que celui de "passion". Néanmoins, il est lui aussi empreint d'une connotation de passivité ou de réceptivité qui ne permet pas de restituer le caractère parfois actif de l'affectus. En outre, il ne met pas assez l'accent sur l'affection corporelle impliquée par l'affectus, car il qualifie plutôt une disposition de l'âme, renvoie à ses effusions et reste donc marqué par une certaine subjectivité peu compatible avec la volonté spinoziste de traiter la vie affective de manière géométrique. Caillois reconnaît lui-même que "le mot "sentiment" a une nuance subjectuve que n'a pas affectus". (p.70) C'est pourquoi, aujourd'hui, les traducteurs et les commentateurs s'accordent généralement pour rendre le latin affectus par le terme d'affect et critiquent unanimement la traduction de Charles Appuhn qui prend le parti de désigner deux choses différentes, l'affectus et l'affectio par le même mot d'"affectio", introduisant une grande confusion à son corps défendant. (...) Il est vrai que le mot affect présente l'inconvénient d'être anachronique, car il n'apparaît dans la langue française qu'en 1951 et concerne le vocabulaire de la psychanalyse. Auparavant, il n'existe pas en tant que substantif. D'après le Dictionnaire du français classique, il est possible de trouver à partir du XIVe siècle des traces du verbe affecter dérivé du latin affectare qui signifie désirer, rechercher vivement, aimer ou adopter une manière d'être sincère ou feinte, puis des occurrences au XVe siècle du verbe affecter dérivé du latin affectus, et du verbe afficere, qui renvoie à l'idée de toucher, d'émouvoir." (Jaquet, L'unité du corps et de l'esprit, pp.70-71)
Tristesse : "par Tristesse (Tristitia), au contraire, la passion par laquelle il passe à une perfection moindre."(III démonstration de la proposition 11) "Celui qui imagine la perte de ce qu'il aime sera attristé ; si, au contraire, il l'imagine conservé, il se réjouira." (III proposition 19) "La tristesse diminue ou contrarie la puissance d'action de l'homme (…) c'est-à-dire qu'elle diminue ou contrarie l'effort par lequel l'homme s'efforce de persévérer dans son être." (III démonstration de la prop. 37) "Certaines démonstrations de la quatrième partie de l’Éthique doivent nous familiariser avec cette idée que loin de régler notre tristesse ou notre joie d’après l’opinion que nous avons du mal et du bien, nous devons ou au contraire juger du bien et du mal d’après la joie et la tristesse que nous avons. La pitié est mauvaise, parce qu’elle est une tristesse (50) : « Commiseratio enim Tristitia est, ac proinde, per se mala »." (Alain, Valeur Morale de la Joie d'après Spinoza)
Unité : "On dit que ce terme signifie quelque chose de réel hors de l'entendement, mais ce qu'il ajoute à l'être on ne sait l'expliquer, et cela montre assez que l'on confond des Êtres de Raison avec l'Être Réel, par où il arrive qu'on rend confus ce qui est conçu clairement. Pour nous, nous disons que l'Unité ne se distingue en aucune façon de la chose et n'ajoute rien à l'être, mais est seulement un mode de penser par lequel nous séparons une chose des autres qui lui sont semblables ou s'accordent avec elles en quelque manière." (Pensées Métaphysiques, chap.6, p.351)
Variation : "nos in continua vivimus variatione" "...il faut remarquer ici que nous vivons dans un continuel changement et que, selon que nous changeons en mieux ou en pire, on nous dit heureux ou malheureux." (Ethique, V, 39, scolie)
Vérité : sur la vérité, voir l'entrée Idée adéquate / "Qui a une idée vraie sait en même temps qu'il a une idée vraie, et ne peut douter de la vérité de la chose." (II, 43) "…je le demande, qui peut savoir qu'il comprend une chose, s'il ne comprend auparavant la chose, s'il n'est auparavant certain de cette chose? c'est-à-dire qui peut savoir qu'il est certain de cette chose? Et que peut-il avoir de plus clair et certain qu'une idée vraie, qui puisse être norme de vérité? Tout de même que la lumière fait paraître elle-même et les ténèbres, de même la vérité est sa propre norme et celle du faux." <Sane sicut lux seipsam et tenebras manifestat, sic veritas norma sui et falsi est.> (II, 43 scolie) "Quand nous disons que quelque attribut est contenu dans la nature ou le concept d'une chose, c'est de même que si nous disions que cet attribut est vrai de cette chose, c'est-à-dire qu'il peut être affirmé d'elle avec vérité." (Principes de la Philosophie de Descartes, p.247) "la méthode de la philosophie sera la connaissance réflexive (Réforme de l’entendement , § 38), appuyée sur la doctrine de l’idée vraie comme étant son propre critère : index sui (Éth. , II, 43, sc.). Elle dévoile et sa propre vérité et la fausseté du faux, comme la lumière manifeste à la fois et soi-même et les ténèbres." (Robert Misrahi, Universalis, art. "Spinoza et spinozisme") La vérité "se ipsam patefacit" ("se révèle elle-même") (Traité de la Réf. §44) "...pour bien raisonner et prouver la vérité nous n'avons besoin d'aucun autre instrument que de la vérité elle-même et du bon raisonnement : en effet, c'est en raisonnant bien que j'ai confirmé le bon raisonnement et que je m'efforce encore de le justifier" (id. §44) "Mais les idées qui sont claires et distinctes ne peuvent jamais être fausses : car les idées de choses qui sont conçues clairement et distinctement sont soit absolument simples, soit composées d'idées parfaitement simples, c'est-à-dire déduites d'idées parfaitement simples. Or, que l'idée absolument simple ne peut être fausse, [c'est ce que] n'importe qui pourra voir, pourvu qu'il sache ce qu'est le vrai, c'est-à-dire, l'entendement, et en même temps ce qu'est le faux." (id. §68) "...il y a dans les idées quelque chose de réel, par quoi les vraies se distinguent des fausses." (id. §70) "Les Propriétés de la Vérité ou de l'idée vraie sont : 1° Qu'elle est claire et distincte. 2° Qu'elle lève tout doute, ou, d'un mot, qu'elle est certaine. Ceux qui cherchent la certitude dans les choses elles-mêmes se trompent de la même manière que lorsqu'ils y cherchent la vérité; et, quand nous disons qu'une chose est incertaine, nous prenons, à la façon des orateurs, l'objet pour l'idée, de même que quand nous parlons d'une chose douteuse, à moins que peut-être nous n'entendions par incertitude la contingence, ou la chose qui fait naître en nous l'incertitude ou le doute. " (Pensées Métaphysiques, chap.6, P.353) "Vous paraissez pourtant vouloir user de la raison et vous me demander comment je sais que ma philosophie est la meilleure parmi toutes celles qui furent jamais enseignées, qui le sont ou le seront ; je serais, et de loin, beaucoup mieux justifié à vous le demander à mon tour. Je ne prétends pas avoir rencontré la meilleure des philosophies, mais je sais que je comprends la vraie philosophie. Si vous demandez comment je puis savoir cela, je dirai que c'est de la même manière que vous savez que les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits : et personne ne dira que cela ne suffit pas, s'il a le cerveau sain, et s'il ne rêve pas d'esprits impurs nous inspirant des idées fausses semblables à des idées vraies : le vrai, en effet, est la marque et du vrai et du faux." (Lettre 76 à Albert Burgh, Pléiade p.1290) "La théorie de la vérité, telle que la présente l'Ethique, comporte trois affirmations essentielles, et difficiles à concilier. La vérité est intérieure à la pensée, et se définit, non par son rapport avec la chose, mais par une dénomination intrinsèque ; la vérité est sa propre marque, son propre signe, et celui qui possède une idée vraie ne peut douter de sa vérité ; la vérité, malgré les deux caractères précédents, est accord de l'idée et de la chose. " (Le Ratio. de Spinoza, p.213) "S'il en était ainsi <=si la vérité n'était qu'adequatio rei et intellectus> cependant, il semble qu'entre l'idée vraie et la fausse il n'y ait aucune différence, sinon que l'une s'accorde avec la chose et l'autre non, et qu'alors, l'une et l'autre, qu'elles affirment ou nient, étant de véritables modes de penser, il n'y ait entre elles qu'une distinction de raison seulement et non une distinction réelle. Si cela était, on pourrait demander à bon droit quel avantage à l'un avec sa Vérité et quel dommage à l'autre par sa Fausseté? ou encore comment l'un peut savoir que son concept ou son idée s'accorde mieux avec la chose que l'idée de l'autre? et d'où vient que l'un se trompe et l'autre non? Ce qui sert ici en premier lieu de réponse, c'est que les choses claires par-dessus toutes ne se font pas seulement connaître par elles-mêmes, mais font aussi connaître leur Fausseté, de sorte que ce serait grande folie de demander : comment on en prend conscience. Car puisqu'elles sont claires par-dessus toutes, il ne peut pas y avoir d'autre clarté, par laquelle elles puissent être rendues plus claires. (120) Il suit de là que la Vérité se fait connaître elle-même et fait aussi connaître la Fausseté, mais que jamais la Fausseté n'est reconnue et démontrée par elle-même. Celui qui a la Vérité ne peut douter qu'il l'a ; celui, en revanche, qui est plongé dans la Fausseté ou l'erreur peut bien s'imaginer qu'il est dans la Vérité, comme quelqu'un qui rêve peut bien penser qu'il veille, mais jamais quelqu'un qui veille ne peut penser qu'il rêve. Par ce qui vient d'être dit s'explique aussi en une certaine mesure ce que nous disions : que Dieu est la Vérité ou que la Vérité est Dieu même." (Court Traité, II, 15, §3 pp.120-121) Vertu : "Plus l'on s'efforce et l'on a le pouvoir de chercher ce qui nous est utile, -c'est-à-dire de conserver son être, -plus on est doué de vertu ; et au contraire, plus on néglige ce qui nous est utile, -c'est-à-dire de conserver son être, -plus on est impuissant." (IV, prop. 20) Nulle vertu ne peut se concevoir avant celle-ci (à savoir l'effort pous se conserver soi-même)" (IV, 22 trad. Pautrat) "L'effort pour se conserver soi-même est le premier et unique fondement de la vertu." (ibid corollaire trad. Pautrat) "Agir par vertu absolument n'est rien d'autre en nous qu'agir, vivre, conserver son être (ces trois mots signifient la même chose) sous la conduite de la Raison, d'après le principe qu'il faut chercher l'utile qui nous est propre." (IV, prop.24) "Le souverain bien (summum bonum) de l'esprit est la connaissance (cognitio) de Dieu, et la souveraine (summa) vertu de l'esprit est de connaître (cognoscere) Dieu." = amour (IV, proposition 28) "pour un cheval il ne peut y avoir d'autre bien que d'être cheval le mieux possible, et pour tel cheval il ne peut y avoir d'autre bien que d'être tel cheval le mieux possible. Il ne faut point essayer de remplacer la vie passionnelle par la vie raisonnable ; il faut superposer la vie raisonnable à la vie passionnelle. Disons donc que la vertu consiste uniquement à agir d'après les lois de sa propre nature, c'est-à-dire à faire des actions qui soient explicables par elle ; que la vertu ne diffère pas de l'effort par lequel on persévère dans l'être, et que le bonheur consiste à pouvoir conserver son être ; que, par suite, la vertu doit être recherchée pour elle-même, et qu'il n'y a rien au monde qui soit plus utile qu'elle, et à cause de quoi nous devions la rechercher. " (Alain, Spinoza, chap. 5 "De la Raison" éd. élec. p.56) "Aussi ce qui nous est véritablement utile, ce qui nous est utile par-dessus tout, c'est d'user de notre Raison. La véritable vertu, c'est la puissance même ; elle consiste à être le plus possible et à agir le plus possible. Et comme nous n'agissons réellement qu'en tant que nous avons des idées adéquates, notre véritable vertu et notre véritable intérêt est à user le plus possible de notre Raison. Agir conformément à la vertu, c'est donc agir conformément à la Raison ; c'est agir d'après les lois de sa nature propre ; c'est faire des actes dont on est la cause suffisante ou adéquate. La Raison ne peut donc nous conduire à autre chose qu'à comprendre, et c'est dans l'acte de comprendre que se réalise le mieux et le plus complètement notre effort pour persévérer dans l'être." (...) "Mais une connaissance adéquate n'est possible que par l'idée de Dieu, car tout est en Dieu et est conçu par lui. Il suit de là que « le souverain bien de l'âme est la connaissance de Dieu, et la suprême vertu de l'âme est de connaître Dieu ». "(ibid, p.58) "La vertu consiste donc à chercher l'utile, non pas suivant les suggestions des sens et de l'imagination, mais sous la conduite de la raison. Cependant Spinoza ne considère pas définitivement la connaissance vraie comme un simple moyen subordonné à l'utilité qu'elle découvre ; il la regarde au contraire comme la valeur ou l'utilité suprême, par cela seul qu'elle est la connaissance vraie." (Le Spinozisme, p.143) "En d'autres termes le fondement de la vertu est "la recherche de l'utile propre", c'est-à-dire de cela qui, pour une personnalité donnée (un Désir singulier) accroît sa puissance existentielle, à la fois corporelle et spirituelle." (Misrahi, Le corps et l'Esprit dans la Philosophie de Spinoza, p.126) Spinoza est, en un sens, proche d'Aristote lorsqu'il dit que la vertu permet a une chose "de bien accomplir son œuvre propre." (Eth.Nic. II, 5) / "...celui qui verrait clairement qu'il peut jouir d'une vie ou d'une essence meilleures, en commettant des crimes, au lieu de s'attacher à la vertu, serait insensé lui aussi d'hésiter à commettre des crimes. Car, du point de vue d'une nature humaine aussi pervertie, les crimes seraient vertu." (Spinoza, Lettre XXIII à Blyenbergh, 13 mars 1665, Pléiade p.1164) " Le conatus comme effort réussi, ou la puissance d'agir comme puissance possédée s'appellent Vertu. C'est pourquoi la vertu n'est rien d'autre que le conatus, rien d'autre que la puissance, comme cause efficiente, dans les conditions d'effectuation qui la font être possédée par celui qui l'exerce. " (Deleuze, Spinoza, Philosophie Pratique, p.142 ???) Vie : "Nous entendons donc par vie la force par laquelle les choses persévèrent dans leur être; et, comme cette force est distincte (p. 368) des choses elles-mêmes nous disons proprement que les choses elles-mêmes ont de la vie. Mais la force par laquelle Dieu persévère dans son être n'est autre chose que son essence; ceux-là parlent donc très bien qui disent que Dieu est la vie." (Pensées Métaphysiques, partie II, chap.6, pp.368-369)
Volonté : "La volonté ne peut être appelée cause libre, mais seulement cause nécessaire." (Ethique, I 32) "Il n'y a dans l'esprit aucune volonté absolue ou libre ; mais l'esprit est déterminé à vouloir ceci ou cela par une cause, qui elle aussi est déterminée par une autre, celle-ci à son tour par une autre, et ainsi à l'infini." (id, II, 48) "L'esprit est un mode du penser, défini et déterminé, et par conséquent il ne peut être la cause libre de ses actions, autrement dit il ne peut avoir la faculté absolue de vouloir et de ne pas vouloir; mais il doit être déterminé à vouloir ceci ou cela par une cause, qui est aussi déterminée par une autre, et celle-ci à son tour par une autre, etc." (démonstration de supra) "La volonté et l'entendement sont une seule et même chose." <Voluntas et intellectus unum et idem sunt> (id, II, 49 corollaire) "…nous agissons par la seule volonté de Dieu et que nous participons de la nature divine, et cela d'autant plus que nos actions sont plus parfaites et que nous comprenons Dieu de mieux en mieux. Cette doctrine, outre, qu'elle rend l'âme absolument tranquille, nous permet aussi de comprendre en quoi consiste notre suprême félicité, autrement dit notre béatitude. Elle consiste dans la seule connaissance de Dieu, qui nous conduit à n'accomplir que les actions que conseillent l'amour et la moralité." (Ethique, II, 49 scolie p.175-176) "Il faut noter en outre que, même quand l'âme est déterminée à affirmer ou nier quelque chose par les choses extérieures, elle n'est pas déterminée de telle sorte qu'elle soit contrainte par ces choses extérieures, mais demeure toujours libre. Car aucune chose n'a le pouvoir de détruire l'essence de l'âme; donc, ce qu'elle affirme ou nie, elle l'affirme et le nie toujours librement, comme il est assez expliqué dans la quatrième Méditation. Par suite, si l'on demande pourquoi l'âme veut ceci ou cela, ou ne veut pas ceci ou cela, nous répondrons : parce que l'âme est une chose pensante, c'est-à-dire une chose qui a de sa nature le pouvoir de vouloir et de ne pas vouloir, d'affirmer et de nier; car c'est en cela que consiste une chose pensante." (Pensées Métaphysiques, partie II, chap.12, p.388) "Quelques-uns pourront objecter cependant : si ce n'est pas nous qui affirmons ou nions, mais la chose seule qui en nous nie ou affirme d'elle-même, rien ne peut être affirmé ou nié que ce qui s'accorde avec la chose ; et, par suite, il ne peut y avoir de Fausseté; car la Fausseté, avons-nous dit, consiste en ce que quelque chose est nié ou affirmé de la chose qui ne s'accorde pas avec elle, c'est-à-dire que la chose n'affirme pas ou ne nie pas d'elle-même. Mais j'estime qu'en étant seulement bien attentifs à ce que nous avons dit de la Vérité et de la Fausseté, nous verrons qu'il a été suffisamment répondu à cette objection. Nous avons dit en effet que l'objet est cause de ce qui, vrai ou faux, est affirmé ou nié de lui ; la Fausseté (125) consistant, quand nous avons perçu quelque chose qui venait de l'objet, à nous imaginer (bien que nous n'en ayons perçu qu'une petite partie) que l'objet dans sa totalité affirme ou nie de lui ce que nous en avons perçu ; et cela a lieu surtout dans des âmes faibles qui, dès qu'elles ont subi une action légère de l'objet, donnent très aisément accueil à un mode ou une idée, en dehors de quoi il n'y a plus en elles ni affirmation ni négation." (Court Traité, II, 16, §7, pp.125-126) "...la Volonté dans l'homme n'est pas autre chose que tel et tel Vouloir, de même aussi [le Désir] en lui n'est pas autre chose que tel et tel Désir qui est causé en lui par telle ou telle idée ; car le Désir [B : en général] n'est pas quelque chose qui soit réellement dans la Nature, mais est seulement abstrait de tel ou tel état particulier de désir ; et le Désir qui n'est véritablement rien ne peut aussi être cause de rien." (id, II, 17, §5 p.128) |