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DESCARTES (1596 à La Haye en Touraine 1650 à Stockholm en Suède) Article Wikipédia ici
"Je pense, donc tu suis" (Desproges)
-Admiration –Affection –Affectivité –Amour / haine –Association d'idées –Attribut –Axiomes –Bibliographie –Bon / mauvais -Bonne action –Causes –Causa sui –Causes Finales –Cercle –Certitude –Choses qui dépendent de nous –Cogito –Composition –Concupiscence / irascibilité –Comprendre / Connaître –Connaissance -Connaissance claire et distincte -Connaissance intuitive –Conservation / immortalité de l'âme -Corps - Création continuée –Démonstration de la réalité objective de Dieu –Désir -Dieu –Différence spécifique à l'idée de Dieu - Distinction du corps et de l'âme –Douleur -Doute –Ego –Emotion intérieure –Entendement –Envie –Equivocité -Erreurs –Extra-terrestres -Foi –Générosité –Glande pinéale -Idées innées, adventices, factices- Idée- Imaginable / Intelligible –Infini –Jalousie –Joie -Légitimation de la proportionnalité... -Liberté –Liberté d'indifférence –Liberté d'indifférence en Dieu -Liberté humaine -Logique –Mal -Malin Génie -Médecine –Métaphysique –Méthode - Morale par provision -Mort -Notions primitives -Objection du cercle -Ordre –Passion –Passion et connaissance -Pensée –Perfection -Persuasion/Science -Philosophie –Philosophie de l'école -Préjugé –Préordination –Principal –Principe(s)- Réalité objective -Res Cogitans –Satisfaction –Sentiments- Solipsisme -Structure / Synopsis des Principes - Substance –Substance infinie -Théodicée -Tristesse –Union de l'âme et du corps - Universaux- Utilité & nocivité des passions -Valeur -Vérité -Vérités éternelles -Vertu –Volonté- Volonté / appétit - |
Structure / Synopsis des Principes : 1ère partie: "Des principes de la connaissance humaine", 2 ème partie: "Des principes des choses matérielles", 3e partie: "Du monde visible", 4e partie: "De la terre" |
*Connaissance intuitive : "La connaissance intuitive est une illustration de l'esprit, par laquelle il voit en la lumière de Dieu les choses qu'il lui plait lui découvrir par une impression directe de la clarté divine sur notre entendement, qui en cela n'est point considéré comme agent, mais seulement comme recevant les rayons de la divinité."(Lettre à Silhon, mars ou avril 1648? Alquié, III, p.847)*la lettre, très douteuse, parlerait davantage de la connaissance béatifique (après la mort, ou de la connaissance des anges) et ne serait donc pas du tout identifiable à la sensation. Donc, pas de tendance Berkleyenne de Descartes sur ce point. |
Admiration : "L'admiration est une subite surprise de l'âme, qui fait qu'elle se porte à considérer avec attention les objets qui lui semblent rares et extraordinaires. " (Passion de l'âme, 2e partie art.70, A.T XI, 380) "...il me semble que l'admiration est la première de toutes les passions." (id art. 53, AT XI, 373) "l'étonnement est un excès d'admiration qui ne peut jamais être que mauvais. " (ibid art. 73, A.T XI, 383) |
Affection : "Les perceptions que nous rapportons à notre corps ou à quelques-unes de ses parties sont celles que nous avons de la faim, de la soif et de nos autres appétits (346) naturels, à quoi on peut joindre la douleur, la chaleur et les autres affections que nous sentons comme dans nos membres, et non pas comme dans les objets qui sont hors de nous. " (Passions de l'Ame, 1e partie art. 24, AT XI, 346-347) "Les perceptions qu'on rapporte seulement à l'âme sont celles dont on sent les effets comme en l'âme même, et desquelles on ne connaît communément aucune cause prochaine à laquelle on les puisse rapporter. Tels sont les sentiments de joie, de colère, et autres semblables, qui sont quelquefois excités en nous par les objets qui meuvent nos nerfs, et quelquefois aussi par d'autres causes. Or, encore que toutes nos perceptions, tant celles qu'on rapporte aux objets qui sont hors de nous que celles qu'on rapporte aux diverses affections de notre corps, soient véritablement des passions au regard (347) de notre âme lorsqu'on prend ce mot en sa plus générale signification, toutefois on a coutume de le restreindre à signifier seulement celles qui se rapportent à l'âme même, et ce ne sont que ces dernières que j'ai entrepris ici d'expliquer sous le nom de passions de l'âme." (id art. 25, AT XI, 347-348) " Et, bien que souvent l'estime soit excitée en nous par l'amour, et le mépris par la haine, cela n'est pas universel et ne vient que de ce qu'on est plus ou moins enclin à considérer la grandeur ou la petitesse d'un objet, à raison de ce qu'on a plus ou moins d'affection pour lui. " (Passions de l'Ame, 3e partie art. 150, AT XI, 444) autre occurrence du terme : art. 201 / |
Affectivité : "Dans la mesure où la pensée est, en son essence la plus profonde, un se sentir soi-même dans une immanence radicale à soi, il y a, entre l'expérience de la pensée et l'expérience de la corporéité que l'âme éprouve "sans philosopher", une profonde identité de nature : l'une et l'autre se dévoilent, en leur originaire passivité, comme affectivité" (...) Toutefois, si la pensée n'était pas, en son essence originaire, comme l'écrit Descartes, un sentir dans lequel elle s'éprouve elle-même, rien ne se donnerait tel qu'il pût être représenté, de sorte que l'affectivité est la condition (456) transcendantale de possibilité de toute représentation et de toute science." (Terestchenko, "Le pur souffrir de l'âme..." pp.456-457) "Ce que Descartes appelle "la faculté de sentir"- qui est le propre de l'âme- ne désigne pas (458) une quelconque dépendance physiologique d'avec les sens. Le "sentir" de l'âme est l'essence même de la pensée comme faculté propre à l'ego de s'éprouver lui-même dans une expérience immédiate et immanente de soi. Le pur sentir de l'âme, de la pensée, ne dépend nullement de la sensibilité, mais désigne son essence originairement passive, c'est-à-dire affective." (id. pp.458-459) |
Amour / haine : "L'amour est une émotion de l'âme causée par le mouvement des esprits, qui l'incite à se joindre de volonté aux objets qui paraissent lui être convenables. Et la haine est une émotion causée par les esprits, qui incite l'âme à vouloir être séparée des objets qui se présentent à elle comme nuisibles. " (Passions de l'âme 2e partie, art. 79 A.T XI, 387) ", lorsque j'étais enfant, j'aimais une fille de mon âge, qui était un peu louche; au moyen de quoi, l'impression qui se faisait par la vue en mon cerveau, quand je regardais ses yeux égarés, se joignait tellement à celle qui s'y faisait aussi pour émouvoir en moi la passion de l'amour, que longtemps après, en voyant des personnes louches, je me sentais plus enclin à les aimer qu'à en aimer d'autres, pour cela seul qu'elles avaient ce défaut; et je ne savais pas néanmoins que ce fût pour cela. Au contraire, depuis que j'y ai fait réflexion, et que j'ai reconnu que c'était un défaut, je n'en ai plus été ému. Ainsi, lorsque nous sommes portés à aimer quelqu'un, sans que nous en sachions la cause, nous pouvons croire que cela vient de ce qu'il y a quelque chose en lui de semblable à ce qui a été dans un autre objet que nous avons aimé auparavant, encore que nous ne sachions pas ce que c'est. Et bien que ce soit plus ordinairement une perfection qu'un défaut, qui nous attire ainsi à l'amour; toutefois, à cause que ce peut être quelquefois un défaut, comme en l'exemple que j'ai apporté, un homme sage ne se (57)
doit pas laisser entièrement aller à cette passion, avant que d'avoir considéré le mérite de la personne pour laquelle nous nous sentons émus. " (à Chanut, 6 juin 1647, AT V, 57-58) "Au reste, puisque la haine et la tristesse doivent être rejetées par l'âme, lors même qu'elles procèdent d'une vraie connaissance, elles doivent l'être à plus forte raison lorsqu'elles viennent de quelque fausse opinion. (434) Mais on peut douter si l'amour et la joie sont bonnes ou non lorsqu'elles sont ainsi mal fondées ; et il me semble que si on ne les considère précisément que ce qu'elles sont en elles-mêmes au regard de l'âme, on peut dire que, bien que la joie soit moins solide et l'amour moins avantageuse que lorsqu'elles ont un meilleur fondement, elles ne laissent pas d'être préférables à la tristesse et à la haine aussi mal fondées : en sorte que, dans les rencontres de la vie où nous ne pouvons éviter le hasard d'être trompés, nous faisons toujours beaucoup mieux de pencher vers les passions qui tendent au bien que vers celles qui regardent le mal, encore que ce ne soit que pour l'éviter ; et même souvent une fausse joie vaut mieux qu'une tristesse dont la cause est vraie. Mais je n'ose pas dire de même de l'amour au regard de la haine. Car, lorsque la haine est juste, elle ne nous éloigne que du sujet qui contient le mal dont il est bon d'être séparé, au lieu que l'amour qui est injuste nous joint à des choses qui peuvent nuire, ou du moins qui ne méritent pas d'être tant considérées par nous qu'elles sont, ce qui nous avilit et nous abaisse. " (id art.142, AT XI, 434-435) |
Association d'idées : "...qu'il y a telle liaison entre notre âme et notre corps, que lorsque nous avons une fois joint quelque action corporelle avec quelque pensée, l'une des deux ne se présente point à nous par après que l'autre ne s'y présente aussi, et que ce ne sont pas toujours les mêmes actions qu'on joint aux mêmes pensées. (428) Car cela suffit pour rendre raison de tout ce qu'un chacun peut remarquer de particulier en soi ou en d'autres, touchant cette matière, qui n'a point été ici expliqué. Et pour exemple, il est aisé de penser que les étranges aversions de quelques-uns, qui les empêchent de souffrir l'odeur des roses ou la présence d'un chat, ou choses semblables, ne viennent que de ce qu'au commencement de leur vie, ils ont été fort offensés par quelques pareils objets, ou bien qu'ils ont compati au sentiment de leur mère qui en a été offensée étant grosse." (Passions de l'âme, 2e partie, art.136, AT XI, 428-429) |
Attribut : "De ces qualités ou attributs, il y en a quelques-uns qui sont dans les choses mêmes, et d'autres qui ne sont qu'en notre pensée ; ainsi le temps, par exemple, que nous distinguons de la durée prise en général, et que nous disons être le nombre du mouvement, n'est rien qu'une certaine façon dont nous pensons à cette durée, parce que nous ne concevons point que la durée des choses qui sont mues soit autre que celle des choses qui ne le sont point ; comme il est évident de ce que si deux corps sont mus pendant une heure, l'un vite et l'autre lentement, nous ne comptons pas plus de temps en l'un qu'en l'autre, encore que nous supposions plus de mouvement en l'un de ces deux corps. Mais afin de comprendre la durée de toutes les choses sous une même mesure, nous nous servons ordinairement de la durée de certains mouvements réguliers qui font les jours et les années, et la nommons temps, après l'avoir ainsi comparée ; bien qu'en effet ce que nous nommons ainsi ne soit rien, hors de la véritable durée des choses, qu'une façon de penser." (Principes, I, 57) |
Attribut principal : substance corporelle = l'étendue; substance qui pense = pensée "Ainsi, nous ne saurions concevoir, par exemple, de figure, si ce n'est en une chose étendue, ni de mouvement qu'en un espace qui est étendu; ainsi l'imagination, le sentiment et la volonté dépendent tellement d'une chose qui pense que nous ne les pouvons concevoir sans elle. Mais, au contraire, nous pouvons concevoir l'étendue sans figure ou sans mouvement; et la chose qui pense sans imagination ou sans sentiment, et ainsi du reste." (Principes, I, 53) |
Axiomes : Dans les Réponses aux 2ndes objections, Descartes donne ces "Axiomes ou Notions communes
I. Il n'y a aucune chose existante de laquelle on ne puisse demander quelle est la cause pourquoi elle existe. Car cela même se peut demander de Dieu; non qu'il ait besoin d'aucune cause pour exister, mais parce que l'immensité même de sa nature est la cause ou la raison pour laquelle il n'a besoin d'aucune cause pour exister.
II. Le temps présent ne dépend point de celui qui l'a immédiatement précédé; c'est pourquoi il n'est pas besoin d'une moindre cause pour conserver une chose, que pour la produire la première fois.
III. Aucune chose, ni aucune perfection de cette chose actuellement existante, ne peut avoir le Néant, ou une chose non existante, pour la cause de son existence. (127)
IV. Toute la réalité ou perfection qui est dans une chose se rencontre formellement, ou éminemment, dans sa cause première et totale.
V. D'où il suit aussi que la réalité objective de nos idées requiert une cause, dans laquelle cette même réalité soit contenue, non seulement objectivement, mais même formellement, ou éminemment. Et il faut remarquer que cet axiome doit si nécessairement être admis, que de lui seul dépend la connaissance de toutes les choses, tant sensibles qu'insensibles. Car d'où savons-nous, par exemple, que le ciel existe? Est-ce parce que nous le voyons? Mais cette vision ne touche point l'esprit, sinon en tant qu'elle est une idée: une idée, dis-je, inhérente en l'esprit même, et non pas une image dépeinte en la fantaisie; et, à l'occasion de cette idée, nous ne pouvons pas juger que le ciel existe, si ce n'est que nous supposions que toute idée doit avoir une cause de sa réalité objective, qui soit réellement existante; laquelle cause nous jugeons que c'est le ciel même, et ainsi des autres.
VI. Il y a divers degrés de réalité ou d'entité: car la substance a plus de réalité que l'accident ou le mode, et la substance infinie que la finie. C'est pourquoi aussi il y a plus de réalité objective dans l'idée de la substance que dans celle de l'accident, et dans l'idée de la substance infinie que dans l'idée de la substance finie.
VII. La volonté se porte volontairement, et librement (car cela est de son essence), mais néanmoins infailliblement, au bien qui lui est clairement connu. C'est pourquoi, si elle vient à connaître quelques perfections qu'elle n'ait pas, elle se les donnera aussitôt, si elles sont en sa puissance; car elle connaîtra que ce lui est un plus grand bien de les avoir, que de ne les avoir pas.
VIII. Ce qui peut faire le plus, ou le plus difficile, peut aussi faire le moins, ou le plus aisé.
IX. C'est une chose plus grande et plus difficile de créer ou conserver une substance, que de créer ou conserver ses attributs ou propriétés; mais ce n'est pas une chose plus grande, ou plus difficile, de créer une chose que de la conserver, ainsi qu'il a déjà été dit.
X. Dans l'idée ou le concept de chaque chose, l'existence y est contenue, parce que nous ne pouvons rien concevoir que sous la forme d'une chose qui existe; mais avec cette différence que, dans le concept d'une chose limitée, l'existence possible ou contingente est seulement contenue, et dans le concept d'un être souverainement parfait, la parfaite et nécessaire y est comprise." (2ndes Réponses A.T IX1, 127-128) |
Bon / mauvais : "Mais lorsqu'une chose nous est représentée comme bonne à notre égard, c'est-à-dire comme nous étant convenable, cela nous fait avoir pour elle de l'amour ; et lorsqu'elle nous est représentée comme mauvaise ou nuisible, cela nous excite à la haine. " (Passions de l'âme, 2e partie, art.56, AT XI, 374) |
Bon sens : "Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre chose, n'ont point coutume d'en désirer plus qu'ils en ont." "car pour la raison, ou le sens, d'autant qu'elle est la seule chose qui nous rend hommes, et nous distingue des bêtes, je veux croire qu'elle est tout entière en un chacun (…)"(D.M 1) |
Causa sui : "certes la lumière naturelle nous dicte qu'il n'y a aucune chose de laquelle il ne soit loisible de demander pourquoi elle existe, ou dont on ne puisse rechercher la cause efficiente" (...) "j'avoue franchement qu'il peut y avoir quelque chose dans laquelle il y ait une puissance si grande et si inépuisable, qu'elle n'ait jamais eu besoin d'aucun secours pour exister, et qui n'en ait pas encore besoin maintenant pour être conservée, et ainsi qui soit en quelque façon la cause de soi-même; et je conçois que Dieu est tel: car, tout de même que, bien que j'eusse été de toute éternité, et que par conséquent il n'y eût rien en avant moi, néanmoins, parce que je vois que les parties du temps peuvent être séparées les unes d'avec les autres, et qu'ainsi, de ce que je suis maintenant, il ne s'ensuit pas que je doive être encore après, si, pour ainsi parler, je ne suis créé de nouveau à chaque moment par quelque cause, je ne ferais point difficulté d'appeler efficiente la cause qui me crée continuellement en cette façon, c'est-à-dire qui me conserve." (1 ères Réponses, A.T IXa, 86) "passons aux choses que M. Arnauld désapprouve le plus, et qui toutefois me semblent mériter le moins sa censure: c'est à savoir, où j'ai dit qu'il nous était loisible de penser que Dieu fait en quelque façon le même chose à l'égard de soi-même, que la cause efficiente à l'égard de son effet. Car, par cela même, j'ai nié ce qui lui semble un peu hardi et n'être pas véritable, à savoir, que Dieu soit la cause efficiente de soi-même, parce qu'en disant qu'il fait en quelque façon la même chose, j'ai montré que je ne croyais pas que ce fût entièrement la même; et en mettant devant ces paroles: il nous est tout à fait loisible de penser, j'ai donné à connaître que je n'expliquais ainsi ces choses, qu'à cause de l'imperfection de l'esprit humain. Mais qui plus est, dans tout le reste de mes écrits, j'ai toujours fait la même distinction. Car dès le commencement, où j'ai dit qu'il n'y a aucune chose dont on ne puisse rechercher la cause efficiente, j'ai ajouté: ou, si elle n'en a point, demander pourquoi elle n'en a pas besoin; lesquelles paroles témoignent assez que j'ai pensé que quelque chose existait, qui n'a pas besoin de cause efficiente. Or quelle chose peut être telle, excepté Dieu? Et même un peu après j'ai dit: qu'il y avait en Dieu une si grande et si inépuisable puissance, qu'il n'a jamais eu besoin d'aucun secours pour exister, et qu'il n'en a pas encore besoin pour être conservé, en telle sorte qu'il est en quelque façon la cause de soi-même.
" (…) "Et d'autant que cette puissance inépuisable, ou cette immensité (182) d'essence, est très positive, pour cela j'ai dit que la raison ou la cause pour laquelle Dieu n'a pas besoin de cause, est positive. Ce qui ne se pourrait dire en même façon d'aucune chose finie, encore qu'elle fût très parfaite en son genre." (4e Rép. A.T IX 1, 182-183) |
Cause : Car, qu'il n'y ait rien dans un effet, qui n'ait été d'une semblable ou plus excellente façon dans sa cause, c'est une première notion, et si évidente qu'il n'y en a point de plus claire; et cette autre commune notion, que de rien rien ne se fait, la comprend en soi, parce que, si on accorde qu'il y ait quelque chose dans l'effet, qui n'ait point été dans sa cause, il faut aussi demeurer d'accord que cela procède du néant; et s'il est évident que le rien ne peut être la cause (106) de quelque chose, c'est seulement parce que, dans cette cause, il n'y aurait pas la même chose que dans l'effet." (Deuxièmes Réponses, AT IX a, 106, 107) |
Causes finales : "Non causas finales rerum creaturam sed efficientes esse examinandas." ("nos rejetterons entièrement de notre philosophie la recherche des causes finales") (Principes, I, 28) |
Cercle : "Cette figure de sophisme consiste à utiliser parmi ses prémisses une version cachée de la conclusion que l'on veut établir (...)" (Boyer, "Supprimer le doute..." p.491) |
Certitude : "la seule chose que je ne puisse séparer de moi, que je sais avec certitude être moi et que je puis maintenant affirmer sans crainte d'erreur, c'est que je suis une chose qui pense" (Recherche de la Vérité, X, 521) "si fallor, sum" "si on me trompe, je suis" (St Augustin, Cité de Dieu, XI, 26) " |
Choses qui dépendent de nous : "...il me semble que l'erreur qu'on commet le plus ordinairement touchant les désirs est qu'on ne distingue pas assez les choses qui dépendent entièrement de nous de celles qui n'en dépendent point. Car, pour celles qui ne dépendent que de nous, c'est-à-dire de notre libre arbitre, il suffit de savoir qu'elles sont bonnes pour ne les pouvoir désirer (436) avec trop d'ardeur, à cause que c'est suivre la vertu que de faire les choses bonnes qui dépendent de nous, et il est certain qu'on ne saurait avoir un désir trop ardent pour la vertu. " (Passions de l'Ame, 2e partie, art.144, AT. XI, 436-437) "Pour les choses qui ne dépendent aucunement de nous, tant bonnes qu'elles puissent être, on ne les doit jamais désirer avec passion, non seulement à cause qu'elles peuvent n'arriver pas, et par ce moyen nous affliger d'autant plus que nous les aurons plus souhaitées, mais principalement à cause qu'en occupant notre pensée elles nous détournent de porter notre affection à d'autres choses dont l'acquisition dépend de nous. Et il y a deux remèdes généraux contre ces vains désirs : (437) le premier est la générosité, de laquelle je parlerai ci-après ; le second est que nous devons souvent faire réflexion sur la Providence divine, et nous représenter qu'il est impossible qu'aucune chose arrive d'autre façon qu'elle a été déterminée de toute éternité par cette Providence ; en sorte qu'elle est comme une fatalité ou une nécessité immuable qu'il faut opposer à la fortune, pour la détruire comme une chimère qui ne vient que de l'erreur de notre entendement." (id art.145, AT XI 437-438) |
Cogito : "Lorsque quelqu'un dit:Je pense donc je suis, ou j'existe, il ne conclut pas son existence de sa pensée comme par la force de quelque syllogisme, mais comme une chose connue de soi: il la voit par une simple inspection de l'esprit. Comme il paraît de ce que, s'il la déduisait par le syllogisme, il aurait dû auparavant connaître cette majeure: Tout ce qui pense, est ou existe. Mais, au contraire, elle lui est enseignée de ce qu'il sent en lui-même qu'il ne se peut pas faire qu'il pense, s'il n'existe. Car c'est le propre de notre esprit, de former les propositions générales de la connaissance des particulières."(2e Réponses) Le cogito comme LE principe des principes, cf. infra, l'article "Principes" "Le Cogito engage donc une pensée consciente d'elle-même; et on ne peut lui substituer n'importe quelle activité ("Je me promène donc je suis", objectait Gassendi)"(Rodis-Lewis) "...si le langage ne saurait être mis en doute, c'est que le cogito est indéfectiblement langagier et que le langage est présent au coeur du cogito.(F. Jacques, Différence et Subjectivité)"Je suis, j'existe: cela est certain; mais combien de temps? A savoir, autant de temps que je pense; car peut être se pourrait-il faire, si je cessais de penser, que je cesserais en même temps d'être ou d'exister"(Méditations, 2)"Quand je dis: "je pense", j'exprime la conscience que j'ai de moi-même au moment où je pense et que j'aurai tant que je penserai; il ne m'est donc permis de saisir qu'une existence actuellement sentie; je ne dépasse point le plan des phénomènes psychologiques. En tirer: "je suis une substance qui pense", c'est provoquer l'intervention d'un moi ontologique qu'aucune expérience psychologique ne saurait justifier"(H.Gouhier, Essais) ",,,son indubitabilité résulte d'un acte de penser, à savoir de la tentative pour penser le contraire (,,,) l'indubitabilité de cette phrase n'est pas à proprement parler perçue au moyen de la pensée(comme on peut le dire d'une vérité démontrable), mais plutôt elle est indubitable parce que et pour autant que l'on y pense activement," (Hintikka) "Une propriété que possède une proposition parce que et dans la mesure où l'on y pense réellement devient facilement une propriété qui ne lui appartient qu'aussi longtemps qu'on y pense, En tous cas, c'est ce que dit Descartes de la certitude de sa propre existence: je puis être sûr de mon existence, dit-il, "pendant que" ou "au même temps que" j'y pense, [,,,] (Principes, I, art,7 et 49); "au lieu que, si j'eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j'avais jamais imaginé eût été vrai, je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été,"(Discours, 4)" (Hintikka)"..il se pourrait bien que ce dernier [le réfléchissant] se trompe quant à cette prétendue unité, qu'il se trompe en s'attribuant le penser originaire; [...]ça pense en moi, il est pensé en moi- tel est le fait pur, tout comme je peux dire à aussi bon droit: j'ai rêvé et ça rêvait en moi"(Schelling, Contribution à l'Histoire de la Philosophie Moderne pp.9-12)"Ce célèbre cogito implique que:1.quelque chose pense;2.et je crois que c'est moi qui pense;3. mais en admettant même que ce deuxième point soit incertain, étant matière de croyance, le premier point: "quelque chose pense" contient également une croyance, celle que "penser" soit une activité à laquelle il faille imaginer un sujet, ne fût-ce que "quelque chose" -et l'ergo sum ne signifie rien de plus! Mais c'est la croyance à la grammaire, on suppose des "choses" et leurs "activités", et nous voilà bien loin de la certitude immédiate." (Nietzsche, Fragments Posthumes, t.XI, p.376) le Cogito est "un Être, l'existence duquel nous soit plus connue que celle d'aucuns autres , en sorte quelle nous puisse servir de principe pour les connaître", "à cause qu'il n'y a rien dont l'existence nous soit plus notoire" (Descartes, à Clerselier, juin/juillet 1646) "A l'égard toutefois de ce principe : je doute, je pense, donc je suis, il importe avant tout d'observer que cette affirmation n'est pas un syllogisme, dont la majeure serait passée sous silence. Car, si c'était un syllogisme, les prémisses devraient être plus claires et mieux connues que la conclusion même : donc (240) je suis; et, par conséquent, je suis ne serait pas le premier fondement de toute connaissance; outre que cette conclusion ne serait pas certaine, car sa vérité dépendrait de prémisses universelles que. notre Auteur a depuis long-temps révoquées en doute. Ainsi ce je pense, donc je suis, est une proposition unique équivalant à celle-ci : je suis pensant." (Spinoza, Principes de la Philosophie de Descartes, p.240-241) "La seule vérité qui n'a pas besoin de garantie contre le doute, car elle est, comme dira Spinoza, index sui, la seule pensée qui montre elle-même avec certitude et sans recours à autre chose qu'elle même qu'elle est vraie, c'est le cogito (au moment de son effectuation), et toutes ses versions (...)" (Boyer, "Supprimer le Doute....", p.488) |
Composition : "Le dégoût est une espèce de tristesse qui vient de la même cause dont la joie est venue auparavant. Car nous sommes tellement composés, que la plupart des choses dont nous jouissons ne sont bonnes à notre égard que pour un temps, et deviennent par après incommodes. Ce qui paraît principalement au boire et au manger, qui ne sont utiles que pendant qu'on a de l'appétit, et qui sont nuisibles lorsqu'on n'en a plus ; et parce qu'elles cessent alors d'être agréables au goût, on a nommé cette passion le dégoût." (Passions de l'Ame, 3e partie, art.208, AT XI, 484) |
Comprendre / Connaître : "comprendre, c'est embrasser de la pensée; mais pour savoir une chose, il suffit de la toucher de la pensée." (à Mersenne, 27 mai 1630) à propos des perfections infinies de Dieu :"encore que nous ne les comprenons pas, parce que la nature de l'infini est telle que des pensées finies ne le sauraient comprendre, nous les concevons néanmoins plus clairement et plus distinctement que les choses matérielles, à cause qu'étant plus simples et n'étant point limitées, ce que nous en concevons est beaucoup moins confus." (Principes, I, 18) |
Concupiscence / irascibilité : "...ils tirent leur dénombrement de ce qu'ils distinguent en la partie sensitive de l'âme deux appétits, qu'ils nomment l'un "concupiscible", l'autre "irascible". Et parce que je ne connais en l'âme aucune distinction de parties, ainsi que l'ai dit ci-dessus, cela me semble ne signifier autre chose sinon qu'elle a deux facultés, l'une de désirer, l'autre de se fâcher ; et à cause qu'elle a en même façon les facultés d'admirer, d'aimer, d'espérer, de craindre, et ainsi de recevoir en soi chacune des autres passions, ou de faire les actions auxquelles ces passions la poussent, je ne vois pas pourquoi ils ont voulu les rapporter toutes à la concupiscence ou à la colère. " (Passions de l'âme, 2e partie, art. 68, AT XI, 379) |
Connaissance : "Car elles <les connaissances de Descartes> m'ont fait voir qu'il est possible de parvenir à des connaissances qui sont fort utiles à la vie, et qu'au lieu de cette philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles, on en peut trouver une pratique, par laquelle, connaissant la force et les actions du feu, de l'eau, de l'air, des astres, des cieux et de tous les autres corps qui nous environnent, aussi distinctement que nous connaissons les divers métiers de nos artisans, nous les pourrions employer en même façon à tous les usages auxquels ils sont propres, et ainsi nous rendre comme maître et possesseurs de la nature." (D.M, 6) "lorsqu'il est question de savoir si quelqu'une de ces substances existe véritablement, c'est-à-dire si elle est à présent dans le monde, ce n'est pas assez qu'elle existe en cette façon pour faire que nous l'apercevions : car cela seul ne nous découvre rien qui excite quelque connaissance particulière en notre pensée ; il faut outre cela qu'elle ait quelques attributs que nous puissions remarquer ; et il n'y en a aucun qui ne suffise pour cet effet, à cause que l'une de nos notions communes est que le néant ne peut avoir aucuns attributs, ni propriétés ou qualités : c'est pourquoi, lorsqu'on en rencontre quelqu'un, on a raison de conclure qu'il est l'attribut de quelque substance, et que cette substance existe." (Principes, I, 52) |
Connaissance claire et distincte :"la faculté de connaître qu'il nous a donnée, que nous appelons lumière naturelle, n'aperçoit jamais aucun objet qui ne soit vrai en ce qu'elle l'aperçoit, c'est-à-dire en ce qu'elle connaît clairement et distinctement ; parce que nous aurions sujet de croire que Dieu serait trompeur, s'il nous l'avait donnée telle que nous prissions le faux pour le vrai lorsque nous en usons bien." (Principes, I, 30) "…la connaissance sur laquelle on peut établir un jugement indubitable doit être non seulement claire, mais aussi distincte. J'appelle claire celle qui est présente et manifeste à un esprit attentif ; de même que nous disions voir clairement les objets lorsque étant présents ils agissent assez fort, et que nos yeux sont disposés à les regarder; et distincte, celle qui est tellement précise et différente de toutes les autres, qu'elle ne comprend en soi que ce qui paraît manifestement à celui qui la considère comme il faut." (Principes, I, 45) "nulle conception n'est dite obscure ou confuse, sinon parce qu'il y a en elle quelque chose de contenu, qui n'est pas connue" (2e Réponses, IXa, 115 ) |
Conservation / immortalité de l'âme : "…je n'ai pas tant de présomption que d'entreprendre de déterminer, par la force du raisonnement humain, une chose qui ne dépend que de la pure volonté de Dieu" (2es Réponses, IX, 119-120) la réponse est laissée à la foi du croyant. |
Corps : "s'il y en avait <des machines, automates> qui eussent la ressemblance de nos corps et imitassent autant nos actions que moralement il serait possible, nous aurions toujours deux moyens très certains pour reconnaître qu'elle ne seraient point pour cela de vrais hommes. Dont le premier est que jamais elles ne pourraient user de paroles, ni d'autres signes en les composant, comme nous faisons pour déclarer aux autres nos pensées.(…)Et le second est que, bien qu'elles fissent plusieurs choses aussi bien, ou peut-être mieux qu'aucun de nous, elles manqueraient infailliblement en quelques autres, par lesquelles on découvrirait qu'elles n'agiraient pas par connaissance, mais seulement par la disposition de leurs organes." (D.M, 5) "les corps mêmes ne sont pas proprement connus par les sens, mais par le seul entendement" (Deuxièmes Réponses, AT IXa, 105) "…la machine de nostre corps…" (Passions de l'âme, à de nombreux endroits, not. 1 ère partie, art. 34 A.T XI, 354) |
Création continuée :"…de ce qu'un peu auparavant j'ai été, il ne s'ensuit pas que je doive maintenant être, si ce n'est qu'en ce moment quelque chose me produise et me créé, pour ainsi dire derechef, c'est à dire me conserve." "la conservation et la création ne diffèrent qu'au regard de notre façon de penser, et non point en effet. "(Méd. III, A.T IX1, 39) "Et nous connaissons aisément qu'il n'y a point de force en nous par laquelle nous puissions subsister ou nous conserver un seul moment, et que celui qui a tant de puissance qu'il nous fait subsister hors de lui et qui nous conserve, doit se conserver soi-même, ou plutôt n'a besoin d'être conservé par qui que ce soit, et enfin qu'i est Dieu." (Principes, I, 21) "Car qu'est-ce, je vous prie, que la conservation, sinon une continuelle reproduction d'une chose? d'où il arrive que toute conservation suppose une première production. " (2e Réponses, A.T IXa 165) |
Démonstration de la réalité objective de Dieu : distinguer démonstration a priori, c'est-à-dire par la vraie définition de son essence, de l'a posteriori, c'est-à-dire celle où l'on part de l'idée que nous avons de Dieu.
"..il faut nécessairement conclure de tout ce que j'ai dit auparavant que Dieu existe; car, encore que l'idée de la substance soit en moi, de cela même que je suis une substance, je n'aurais pas néanmoins l'idée d'une substance infinie, moi qui suis un être fini, si elle n'avait été mise en moi par quelque substance qui fût véritablement infinie."(Méditations, 3)"Car, ayant accoutumé dans toutes les autres choses de faire distinction entre l'existence et l'essence, je me persuade aisément que l'existence ne peut être séparée de l'essence de Dieu, et qu'ainsi on peut concevoir Dieu comme n'étant pas actuellement." "…il n'y a pas moins de répugnance de concevoir un Dieu (c'est-à-dire un être souverainement parfait) auquel manque l'existence (c'est-à-dire auquel manque quelque perfection), que de concevoir une montagne qui n'ait point de vallée."(Méditations, 5)"Et comme de ce qu'elle voit qu'il est nécessairement compris dans l'idée qu'elle a du triangle que ses trois angles soient égaux à deux droits, elle se persuade absolument que le triangle a trois angles égaux à deux droits; de même, de cela seul qu'elle aperçoit que l'existence nécessaire et éternelle est comprise dans l'idée d'un être tout parfait, elle doit conclure que cet être tout parfait est ou existe." (Principes, I, 14) "Il est contradictoire de poser un triangle et d'en supprimer les trois angles, mais il n'y a nulle contradiction à supprimer à la fois le triangle et ses trois angles. Il en est exactement de même du concept d'un être absolument nécessaire. Si vous supprimez l'existence de cet être, vous supprimez aussi la chose même avec tous ses prédicats; d'où peut venir alors la contradiction. (…) la toute-puissance ne peut-être supprimée, dès que vous posez une divinité, c'est-à-dire un être infini avec le concept duquel cet attribut est identique. Mais si vous dites : Dieu n'est pas, alors ni la toute puissance, ni aucun autre de ses prédicats n'est donné, car ils sont supprimés tous ensemble avec le sujet, et dans cette pensée il ne se produit pas la moindre contradiction."(Kant, CDRP, Pléiade, t.I, p.1212)Gilson parle du "rôle de la puissance de Dieu comme intermédiaire entre son essence possible et son existence nécessaire" (Etudes, p.227) Gouhier parle aussi de "la médiation de la toute puissance" (Pensée métaphysique, p.177)"On pourrait dire qu'il fonde son existence sur la toute puissance de son essence." (Koyré, Essai sur l'idée de Dieu et les preuves de son existence chez Descartes) "il est évident que ce qui connaît quelque chose de plus parfait que soi ne s'est point donné l'être, à cause que par même moyen il se serait donné toutes les perfections dont il aurait eu connaissance, et par conséquent qu'il ne saurait subsister par aucun autre que par celui qui possède en effet toutes ces perfections, c'est-à-dire qui est Dieu." (Principes, I, 20) " Et toute la force de l'argument dont j'ai ici usé pour prouver l'existence de Dieu, consiste en ce que je reconnais qu'il ne serait pas possible que ma nature fût telle qu'elle est, c'est-à-dire que j'eusse en moi l'idée d'un Dieu, si Dieu n'existait véritablement; ce même Dieu, dis-je, duquel l'idée est en moi, c'est-à-dire qui possède toutes ces hautes perfections, dont notre esprit peut bien avoir quelque idée sans pourtant les comprendre toutes, qui n'est sujet à aucun défaut, et qui n'a rien de toutes les choses qui marquent quelque imperfection. D'où il est assez évident qu'il ne peut être trompeur, puisque la lumière naturelle nous enseigne que la tromperie dépend nécessairement de quelque défaut." (2des Réponses, A.T IX1 p.105) "La réalité objective de chacune de nos idées requiert une cause dans laquelle cette même réalité soit contenue non pas simplement objectivement mais formellement ou éminemment (par l'Axiome 9). Or nous avons l'idée de Dieu (par les Définitions 2 et 8) et la réalité objective de cette idée n'est contenue en nous ni éminemment ni formelle-ment (par l'Axiome 4) et elle ne peut être contenue dans aucune chose autre que dans Dieu même (par la Définition 8). Donc cette idée de Dieu qui est en nous requiert Dieu pour cause et par conséquent Dieu existe (par l'Axiome 7)." (Spinoza, Les Principes de la Philosophie de Descartes, Prop.VI, démontration, p.256) |
Désir : "La passion du désir est une agitation de l'âme causée par les esprits qui la dispose à vouloir pour l'avenir les choses qu'elle se représente être convenables. " (Passions de l'âme, 2e partie, art.86, AT XI, 393) "...encore que ce ne soit qu'un même désir qui tend à la recherche d'un bien et à la fuite du mal qui lui est contraire, ainsi qu'il a été dit, le désir qui naît de l'agrément ne laisse pas d'être fort différent de celui qui naît de l'horreur" (id art.89, AT XI, 394) "Enfin, tous les premiers désirs que l'âme peut avoir eus lorsqu'elle était nouvellement jointe au corps ont été de recevoir les choses qui lui étaient convenables, et de repousser celles qui lui étaient nuisibles. Et ç'a été pour ces mêmes effets que les esprits ont commencé dès lors (410) à mouvoir tous les muscles et tous les organes des sens en toutes les façons qu'ils les peuvent mouvoir. Ce qui est cause que maintenant, lorsque l'âme désire quelque chose, tout le corps devient plus agile et plus disposé à se mouvoir qu'il n'a coutume d'être sans cela. Et lorsqu'il arrive d'ailleurs que le corps est ainsi disposé, cela rend les désirs de l'âme plus forts et plus ardents." (art. 111, AT XI, 410-411) "Et il faut remarquer, touchant le désir, que la propriété que je lui ai attribuée de rendre le corps plus mobile ne lui convient que lorsqu'on imagine l'objet désiré être tel qu'on peut dès ce temps-là faire quelque chose qui serve à l'acquérir ; car si, au contraire, on imagine qu'il est impossible pour lors de rien faire qui y soit utile, toute l'agitation du désir demeure dans le cerveau, sans passer aucunement dans les nerfs, et étant entièrement employée à y fortifier l'idée de l'objet désiré, elle laisse le reste du corps languissant." (id art.120, AT XI, 417) "Du désir, de la joie et de la tristesse. Pour le désir, il est évident que lorsqu'il procède d'une vraie connaissance il ne peut être mauvais, pourvu qu'il ne soit point excessif et que cette connaissance le règle. Il est évident aussi que la joie ne peut manquer d'être bonne, ni la tristesse d'être mauvaise, au regard de l'âme, parce que c'est en la dernière que consiste toute l'incommodité que l'âme reçoit du mal, et en la première que consiste toute la jouissance du bien qui lui appartient. De façon que si nous n'avions point de corps, j'oserais dire que nous ne pourrions trop nous abandonner à l'amour et à la joie, ni trop éviter la haine et la tristesse. Mais les mouvements corporels qui les accompagnent peuvent tous être nuisibles à la santé lorsqu'ils sont fort violents, et au contraire lui être utiles lorsqu'ils ne sont que modérés. " (id, art.141, AT XI, 434) |
Dieu : "Par le nom de Dieu j'entends une substance infinie, éternelle, immuable, indépendante, toute-connaissante, toute-puissante, et par laquelle moi-même, et toutes les autres choses qui sont (s'il est vrai qu'il y en ait qui existent) ont été créées et produites." (Méditations, 3) "…j'ai pensé que l'existence de Dieu était beaucoup plus évidente que celle d'aucune chose sensible…"(1 res Réponses)"Si nous avons auparavant recherché la cause pourquoi il est, ou pourquoi il ne cesse point d'être, et que considérant l'immense et incompréhensible puissance qui est contenue dans son idée, nous l'ayons reconnue si pleine et si abondante, qu'en effet elle soit la cause pourquoi il est et ne cesse point d'être, et qu'il n'y en puisse avoir d'autre que celle-là, nous disions qu'il est par soi, non plus négativement, mais au contraire très positivement […]. Ce qui fait qu'il est par soi, ou qu'il n'a pas de cause différente de soi-même […] procède […] de la réelle et véritable immensité de sa puissance […]" (1e Réponses) "L'immensité de sa puissance ou de son essence, qui est la cause pourquoi il n'a pas besoin de conservateur, est une chose positive." (4e Réponses) "…on ne doit pas trouver étrange que Dieu, en me créant, ait mis en moi cette idée pour être comme la marque de l'ouvrier empreinte sur son ouvrage(…)"(Méditations, 3)"…faisant réflexion sur l'idée que nous avons naturellement de lui, nous voyons qu'il est éternel, tout-connaissant, tout-puissant, source de toute bonté et vérité, créateur de toutes choses, et qu'enfin il a en soi tout ce en quoi nous pouvons reconnaître quelque perfection infinie ou bien qui n'est bornée d'aucune imperfection." (Principes, I, 22)"…il entend et veut, non pas encore comme nous par des opérations aucunement différentes, mais que toujours par une même et très simple action, il entend, veut et fait tout, c'est-à-dire toutes les choses qui sont en effet; car il ne veut point la malice du péché, parce qu'elle n'est rien"(Ibid. Art.23)"…il est l'auteur de tout ce qui est ou qui peut être."[i.d des essences et des existences ] (ibid. art. 24)"…il est certain qu'il est aussi bien l'auteur de l'essence comme de l'existence des créatures." (à Mersenne, 27 mai 1630) "L'existence de Dieu est la première et la plus éternelle de toutes les vérités qui peuvent être, et la seule d'où procèdent toutes les autres."(…) Dieu est une cause dont la puissance surpasse les bornes de l'entendement humain" (à Mersenne, 6 mai 1630) L'idée de Dieu est une idée particulière : elle contient une nécessité d'être que ne contiennent pas les autres idée : en cette idée, l'essence implique l'existence. cf. "Que la nécessité d'être n'est pas ainsi comprise en la notion que nous avons des autres choses, mais seulement le pouvoir d'être." (Principes, I, 15) "faisant réflexion sur l'idée que nous avons naturellement de lui, nous voyons qu'il est éternel, tout-connaissant, tout-puissant, source de toute bonté et vérité, créateur de toutes choses, et qu'enfin il a en soi tout ce en quoi nous pouvons reconnaître quelque perfection infinie ou bien qui n'est bornée d'aucune imperfection. " (Ibid, I, 22) "bien que ce soit un avantage aux hommes d'avoir des sens, néanmoins, à cause que les sentiments se font en nous par des impressions qui viennent d'ailleurs, et que cela témoigne de la dépendance, nous concluons aussi que Dieu n'en a point, mais qu'il entend et veut, non pas encore comme nous par des opérations aucunement différentes, mais que toujours par une même et très simple action, il entend, veut et fait tout, c'est-à-dire toutes les choses qui sont en effet ; car il ne veut point la malice du péché, parce qu'elle n'est rien. " (Ibid, I, 23) "nous ne devons point trouver étrange qu'il y ait en sa nature, qui est immense, et en ce qu'il a fait, beaucoup de choses qui surpassent la capacité de notre esprit. " (Ibid, I, 25) "Dieu n'est point la cause de nos erreurs" (ibid, I, 29) "Je ne vois pas aussi que vous prouviez rien contre moi, en disant que j'ai peut-être reçu l'idée qui me représente Dieu, des pensées que j'ai eues auparavant, des enseignements des livres, des discours et entretiens de mes amis, etc., et non pas de mon esprit seul. Car mon argument aura toujours la même force, si, m'adressant à ceux de qui l'on dit que je l'ai reçue, je leur demande s'ils l'ont par eux-mêmes, ou bien par autrui, au lieu de le demander de moi-même; et je conclurai toujours que celui-là est Dieu, de qui elle est premièrement dérivée." On ne peut avoir l'idée de Dieu à partir des choses corporelles : "on peut dire qu'il y a plus d'analogie ou de rapport entre les couleurs et les sons, qu'entre les choses corporelles et Dieu" (2e Réponses, AT IXa, 107) "mon âme étant finie, je ne puis connaître que l'ordre des causes n'est pas infini, sinon en tant que j'ai en moi cette idée de la première cause; et encore qu'on admette une première cause, qui me conserve, je ne puis dire qu'elle soit Dieu, si je n'ai véritablement l'idée de Dieu." (à Mesland 2 mai 1644, AT IV, 112)"qu'un athée puisse connaître clairement que les trois angles d'un triangle sont égaux à deux droits, je ne le nie pas; mais je maintiens seulement qu'il ne le connaît pas par une vraie et certaine science, parce que toute connaissance qui peut être rendue douteuse ne doit pas être appelée science; et puisqu'on suppose que celui-là est un athée, il ne peut pas être certain de n'être point déçu dans les choses qui lui semblent être très évidentes, comme il a déjà été montré ci-devant; et encore que peut-être ce doute ne lui vienne point en la pensée, il lui peut néanmoins venir, s'il l'examine, ou s'il lui est proposé par un autre; et jamais il ne sera hors du danger de l'avoir, si premièrement il ne reconnaît un Dieu." (2e Réponses, A.T IXa 111) |
Différence spécifique à l'idée de Dieu : "dans les idées de toutes les autres natures, l'existence possible se trouve bien contenue, mais que, dans l'idée de Dieu, non seulement l'existence possible y est contenue, mais de plus la nécessaire. Car, de cela seul, et sans aucun raisonnement, ils connaîtront que Dieu existe; et il ne leur sera pas moins clair et (127) évident, sans autre preuve, qu'il leur est manifeste que deux est un nombre pair, et que trois est un nombre impair, et choses semblables. Car il y a des choses qui sont ainsi connues sans preuves par quelques-uns, que d'autres n'entendent que par un long discours et raisonnement." (2e Réponses, A.T IXa 126-127) "je voyais bien que, supposant un triangle, il fallait que ses trois angles fussent égaux à deux droits; mais je ne voyais rien pour cela qui m'assurât qu'il y eût au monde aucun triangle. Au lieu que, revenant à examiner l'idée que j'avais d'un être parfait, je trouvais que l'existence y était comprise, en même façon qu'il est compris en celle d'un triangle que ses trois angles sont égaux à deux droits, ou en celle d'une sphère que toutes ses parties sont également distantes de son centre, ou même encore plus évidemment; et que, par conséquent, il est pour le moins aussi certain, que Dieu, qui est cet Être parfait, est ou existe, qu'aucune démonstration de géométrie le saurait être." (D.M, 4e partie, A.T VI, 36) |
Discours de la méthode (synopsis) : 1°) Descartes s'étonne qu'il y ait pluralité d'opinions : la cause en est que, tout le monde étant pourvu du même bon sens, tout le monde ne sait pas s'en servir comme il convient. Le bon sens n'est pas toujours dans le bon sens. Descartes présente le D.M "que comme une histoire" ou "comme une fable".3°) La troisième partie expose la morale "par provision" de Descartes.4°) |
Distinction : "il y a des distinctions de trois sortes : à savoir, réelle, modale, et de raison, ou bien qui se fait de la pensée."
Distinction réelle : "La réelle se trouve proprement entre deux ou plusieurs substances." (Principes, I, 60)
Distinction modale : a)"entre le mode que nous avons appelé façon et la substance dont il dépend et qu'il diversifie" "Il y a, par exemple, une distinction modale entre la figure ou le mouvement et la substance corporelle dont ils dépendent tous deux "
b)"entre deux différentes façons d'une même substance" "qui est entre deux différentes façons d'une même substance, elle est remarquable en ce que nous pouvons connaître l'une de ces façons sans l'autre, comme la figure sans le mouvement, et le mouvement sans la figure ; mais que nous ne pouvons penser distinctement ni à l'une ni à l'autre que nous ne sachions qu'elles dépendent toutes deux d'une même substance" (Principes, I, 61)
Distinction de pensée (ou de raison) : "Enfin, la distinction qui se fait par la pensée consiste en ce que nous distinguons quelquefois une substance de quelqu'un de ses attributs sans lequel néanmoins il n'est pas possible que nous en ayons une connaissance distincte " "Par exemple, à cause qu'il n'y a point de substance qui ne cesse d'exister lorsqu'elle cesse de durer, la durée n'est distincte de la substance que par la pensée " (ibid I, 62) |
Distinction du corps et de l'âme : "nous connaissons manifestement que, pour être, nous n'avons pas besoin d'extension, de figure, d'être en aucun lieu, ni d'aucune autre telle chose que l'on peut attribuer au corps, et que nous sommes par cela seul que nous pensons; et par conséquent que la notion que nous avons de notre âme ou de notre pensée précède celle que nous avons du corps, et qu'elle est plus certaine, vu que nous doutons encore qu'il y ait aucun corps au monde, et que nous savons certainement que nous pensons." (Principes, I, 8) "Et quand Dieu même joindrait si étroitement un corps à une âme qu'il fût impossible de les unir davantage, et ferait un composé de ces deux substances ainsi unies, nous concevons aussi qu'elles demeureraient toutes deux réellement distinctes, nonobstant cette union, parce que, quelque liaison que Dieu ait mise entre elles, il n'a pu se défaire de la puissance qu'il avait de les séparer, ou bien de les conserver l'une sans l'autre, et que les choses que Dieu peut séparer ou conserver séparément les unes des autres sont réellement distinctes." (ibid, I, 60) "Encore que j'aie un corps qui me soit fort étroitement conjoint, néanmoins, parce que, d'un côté, j'ai une claire et distincte idée de moi-même, en tant que je suis seulement une chose qui pense, et non étendue, et que, d'un autre, j'ai une claire et distincte idée du corps, en tant qu'il est seulement une chose étendue, et qui ne pense point, il est certain que moi, c'est-à-dire mon esprit, ou mon âme, par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement et véritablement distincte de mon corps, et qu'elle peut être ou exister sans lui. " (Deuxièmes Réponses, AT IXa, 104) "...vous priant de me dire comment l'âme de l'homme peut déterminer les esprits du corps, pour faire les actions volontaires, (n'étant qu'une substance pensante). Car il semble que toute détermination de mouvement se fait par la pulsion de la chose mue, à manière dont elle est poussée par celle qui la meut, ou bien, de la qualification et figure de la superficie de cette dernière. " (Elisabeth à Descartes, 16 mai 1643, A.T III, 661) cf entrée Notions Primitives "concevoir l'union qui est entre deux choses, c'est les concevoir comme une seule. "(à Elisabeth, 28 juin 1643, A.T III, 692) "...l'union que chacun éprouve toujours en soi-même sans philosopher; à savoir qu'il est une seule personne, qui a ensemble un corps et une pensée..." (à Elisabeth, 28 juin 1643, A.T III, 694 ) "...la seule cause qui fait qu'un muscle s'accourcit plutôt que son opposé est qu'il vient tant soit peu plus d'esprits du cerveau vers lui que vers l'autre. Non pas que les esprits qui viennent immédiatement du cerveau suffisent seuls pour mouvoir ces muscles, mais ils déterminent les autres esprits qui sont déjà dans ces deux muscles à sortir tous fort promptement de l'un d'eux et passer dans l'autre " (Passions de l'Ame, art.11, AT XI, 335) |
Douleur : "La nature m'enseigne aussi par ces sentiments de douleur, de faim, de soif, etc., que je ne suis pas seulement logé dans mon corps, ainsi qu'un pilote en son navire, mais, outre cela, que je lui suis conjoint très étroitement et tellement confondu et mêlé, que je compose comme un seul tout avec lui. Car, si cela n'était, lorsque mon corps est blessé, je ne sentirais pas pour cela de la douleur, moi qui ne suis qu'une chose qui pense, mais j'apercevrais cette blessure par le seul entendement, comme un pilote aperçoit par la vue si quelque chose se rompt dans son vaisseau; et lorsque mon corps a besoin de boire ou de manger, je connaîtrais simplement cela même, sans en être averti par des sentiments de faim et de soif. Car en effet tous ces sentiments de faim, de soif, de douleur, etc., ne sont autre chose que de certaines façons confuses de penser, qui proviennent et dépendent de l'union et comme du mélange de l'esprit avec le corps." (6e Méd. A.T, IX1, p.64) cf lettre à Régius de janvier 1642 (A.T III, 493) trad. : "Si un ange était uni au corps humain, il n'aurait pas les sentiments tels que nous, mais il percevrait seulement les mouvements causés par les objets extérieurs, et par là il serait différent d'un véritable homme" / "L'ange n'éprouve pas le sentiment pathologique de la douleur, car il voit toute chose dans la lumière de l'entendement. L'animal ne le sent pas davantage, tout en lui n'est que machinerie, ressort et rouage. L'expérience de la douleur atteste que nous ne sommes ni un esprit seulement ni un corps seulement, mais un être à la fois corps et âme." (...) "Nous éprouvons, en elle et en elle, l'union indivisible de l'âme et du corps, la totalité psychophysiologique qui constitue notre réalité substantielle." (...) "...dans ce souffrir se révèle notre être véritable" (Terestchenko, "Le pur souffrir de l'âme..." p.447) |
Doute : "Pour continuer à douter en face de l'évidence, Descartes a besoin d'envisager le cas d'un univers entièrement falsifié."(H.Gouhier, Essais)"Sed mihi persuasi nihil plane esse in mondo, nullum coelum, nullam terram, nullas mentes, nulla corpora; nonne igitur etiam me non esse?" "Mais je me suis persuadé qu'il n'y avait rien du tout dans le monde, qu'il n'y avait aucun ciel, aucune terre, aucuns esprits, ni aucuns corps; ne me suis-je donc pas aussi persuadé que je n'étais point?"(...)"Haud dubie igitur ego etiam sum, si me fallit; & fallat quantum potest, nunquam tamen efficiet, ut nihil sim quamdiume aliquid esse cogitabo""Il n'y a donc point de doute que je suis s'il me trompe; et qu'il me trompe tant qu'il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose." "hoc pronuntiatum, Ego sum, ego existo, quoties a me profetur, vel mente concipitur, necessario esse verum" (AT VII, 25) "cette proposition: Je suis, j'existe, est nécessairement vraie, toutes les fois que je la prononce, ou que je la conçois en mon esprit."(Méditations,II) "…le philosophe serait, comme Sisyphe, sans cesse condamné à revenir à son point de départ, actuellement évident, si le doute "métaphysique", faible d'un point de vue psychologique n'était définitivement écarté par la démonstration que Dieu est source de vérité, non de tromperie" (Rodis-Lewis)"…dès qu'est démontrée l'existence de Dieu, sa perfection rend impensable l'hypothèse d'une tromperie totale" (Ibid) "mais, parce qu'alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu'il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir, s'il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable."(D.M, 4) "il est utile aussi de considérer comme fausses toutes les choses dont on peut douter." (Principes, I, 2) "nous ne devons point user de ce doute pour la conduite de nos actions."(Ibid, I, 3) "Sitôt en effet qu'il aura vu qu'il existe un Être tout parfait, par la puissance de qui toutes choses sont produites et conservées, et dont la nature répugne à ce qu'il soit trompeur, cette raison de douter provenant de ce qu'il ignorait sa propre cause sera levée. Car il saura que la faculté de discerner le vrai d'avec le faux ne lui a pas été donnée par un Dieu souverainement bon et véridique pour qu'il fût trompé. Et ainsi les vérités mathématiques et toutes les choses paraissant très évidentes ne pourront plus être suspectées. " (Spinoza, Principes de la Philosophie de Descartes, p. 242) |
Ego : "...peut-on nommer en vérité alter ego, "autre soi-même", ce que par ailleurs l'on ne cesse pas de considérer et de se représenter sur le mode d'un "objet", alors que, justement, l'(alter) ego se caractérise en propre par l'exercice de la considération, de la représentation, bref de la cogitatio? Si l'ego se définit comme cogito, l'alter ego, toujours cogitatum, peut-il échapper au statut d'ego altéré et donc objectivé?" (Marion, Questions Cartésiennes, "L'EGO altère-t-il autrui?" p.215) L'autre (en tant qu'autre ego cogito) est altéré par l'ego comme objet. cf l'idée husserlienne (Méditations Cartésiennes, §§44 & 62) [c'est en moi que j'éprouve, que je connais l'autre, c'est en moi qu'il se constitue- vu apprésentativement en miroir et non comme un original.] / ".le regard surplombe bien "ex fenestra" (A.T VII, 32), les hommes se réduisent peut-être à des "automata" (AT VII, 32). Aussi s'agit-il de rien de moins que de renverser l'ego : "La vision, poursuit Merleau-Ponty, ne cesse d'être solipsiste que de près, quand l'autre retourne contre moi le faisceau lumineux où je l'avais capté, (...) m'attire dans la prison que j'avais préparée pour lui et me rend, tant qu'il est là, incapable de solitude. En tout cas, dans le solipsisme comme dans l'aliénation, comment trouverions-nous jamais au bout de notre regard un esprit, un invisible?" (Marion, id pp. 216-217) |
Emotion intérieure : "Des émotions intérieures de l'âme. J'ajouterai seulement encore ici une considération qui me semble beaucoup servir pour nous empêcher de recevoir aucune incommodité des passions ; c'est que notre bien et notre mal dépendent principalement des émotions intérieures qui ne sont excitées en l'âme que par l'âme même, en quoi elles diffèrent de ces passions, qui dépendent toujours de quelque mouvement des esprits ; et bien que ces émotions de l'âme soient souvent jointes avec les passions qui leur sont semblables, (440) elles peuvent souvent aussi se rencontrer avec d'autres, et même naître de celles qui leur sont contraires. Par exemple, lorsqu'un mari pleure sa femme morte, laquelle (ainsi qu'il arrive quelquefois) il serait fâché de voir ressuscitée, il se peut faire que son coeur est serré par la tristesse que l'appareil des funérailles et l'absence d'une personne à la conversation de laquelle il était accoutumé excitent en lui ; et il se peut faire que quelques restes d'amour ou de pitié qui se présentent à son imagination tirent de véritables larmes de ses yeux, nonobstant qu'il sente cependant une joie secrète dans le plus intérieur de son âme, l'émotion de laquelle a tant de pouvoir que la tristesse et les larmes qui l'accompagnent ne peuvent rien diminuer de sa force. Et lorsque nous lisons des aventures étranges dans un livre, ou que nous les voyons représenter sur un théâtre, cela excite quelquefois en nous la tristesse, quelquefois la joie, ou l'amour, ou la haine, et généralement toutes les passions, selon la diversité des objets qui s'offrent à notre imagination ; mais avec cela nous avons du plaisir de les sentir exciter en nous, et ce plaisir est une joie intellectuelle qui peut aussi bien naître de la tristesse que de toutes les autres passions. " (Passions de l'âme, 2e partie, art.147, AT XI, 440-441) "Que l'exercice de la vertu est un souverain remède contre les passions. Or, d'autant que ces émotions intérieures nous touchent de plus près et ont, par conséquent, beaucoup (441) plus de pouvoir sur nous que les passions, dont elles diffèrent, qui se rencontrent avec elles, il est certain que, pourvu que notre âme ait toujours de quoi se contenter en son intérieur, tous les troubles qui viennent d'ailleurs n'ont aucun pouvoir de lui nuire ; mais plutôt ils servent à augmenter sa joie, en ce que, voyant qu'elle ne peut être offensée par eux, cela lui fait connaître sa perfection. Et afin que notre âme ait ainsi de quoi être contente, elle n'a besoin que de suivre exactement la vertu. " (id art. 148 AT XI, 441-442) |
Entendement : "l'entendement ne s'étend qu'à ce peu d'objets qui se présentent à lui, et sa connaissance est toujours fort limitée : au lieu que la volonté en quelque sens peut sembler infinie, parce que nous n'apercevons rien qui puisse être l'objet de quelque autre volonté, même de cette immense qui est en Dieu, à quoi la nôtre ne puisse aussi s'étendre ; ce qui est cause que nous la portons ordinairement au delà de ce que nous connaissons clairement et distinctement ; et lorsque nous en abusons de la sorte, ce n'est pas merveille s'il nous arrive de nous méprendre." (Principes, I, 35) "Intellectio enim proprie mentis passio est, et volitio ejus actio" (seconde lettre à Regius de mai 1641, A.T III, 372) |
Envie : "Ce qu'on nomme communément envie est un vice qui consiste en une perversité de nature qui fait que certaines gens se fâchent du bien qu'ils voient arriver aux autres hommes. Mais je me sers ici de ce mot pour signifier une passion qui n'est pas toujours vicieuse. L'envie donc, en tant qu'elle est une passion, est une espèce de tristesse mêlée de haine qui vient de ce qu'on voit arriver du bien à ceux qu'on pense en être indignes. " (Passions de l'âme, art.182, AT XI, 466) |
Equivocité : Descartes est en bien des aspects un penseur de l'équivocité "...l'équivocité (Dieu est cause de soi, mais en un autre sens qu'il n'est cause efficiente des choses qu'il crée ; dès lors, l'être ne se dit pas au même sens de tout ce qui est, substance divine et substances créées, substances et modes, etc.) ; l'éminence (Dieu contient donc toute la réalité, mais éminemment, sous une autre forme que celle des choses qu'il crée) ; l'analogie (Dieu comme cause de soi n'est donc pas atteint en lui-même, mais par analogie : c'est par analogie avec la cause efficiente que Dieu peut-être dit cause de soi, ou par soi "comme" par une cause)." (Spinoza et le Problème de l'Expression, p.148) |
Erreurs : "…je trouve qu'elles dépendent du concours de deux causes, à savoir, de la puissance de connaître qui est en moi, et de la puissance d'élire, ou bien de mon libre arbitre: c'est-à-dire, de mon entendement, et ensemble de ma volonté. Car par l'entendement seul je n'assure ni ne nie aucune chose, mais je conçois seulement des idées des choses, que je puis assuré ou nier. Or, en le considérant ainsi précisément, on peut dire qu'il ne se trouve en lui jamais aucune erreur, pourvu qu'on prenne le mot erreur en sa propre signification." "D'où est-ce donc que naissent mes erreurs? C'est à savoir de cela seul que, la volonté étant beaucoup plus ample et plus étendue que l'entendement, je ne la contiens pas dans les mêmes limites, mais que je l'étends aussi aux choses que je n'entends pas(…)"(Méd. 4, IX, 45-46)"la diversité de nos opinions ne vient pas de ce que les uns sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduisons nos pensées par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses. Car ce n'est pas assez d'avoir l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien. Les plus grandes âmes sont capables des plus grands vices, aussi bien que des plus grandes vertus; et ceux qui ne marchent que fort lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droit chemin, que ne font ceux qui courent, et qui s'en éloignent." (D.M, 1) "ce qui fait que nous nous trompons ordinairement est que nous jugeons bien souvent, encore que nous n'ayons pas une connaissance bien exacte de ce dont nous jugeons." (Principes, I, 33) autre cause d'erreur: "tous les hommes donnent leur attention aux paroles plutôt qu'aux choses ; ce qui est cause qu'ils donnent bien souvent leur consentement à des termes qu'ils n'entendent point " (ibid I, 74) |
Existence du corps : "peut-être qu'il y a en moi quelque faculté ou puissance propre à produire ces idées sans l'aide d'aucune choses extérieures, bien qu'elle ne me soit pas encore connue." (Méd.3, IX, 31)"il se rencontre en moi une certaine faculté passive de sentir, c'est-à-dire de recevoir et de connaître les idées des choses sensibles; mais elle me serait inutile, et je ne m'en pourrais aucunement servir, s'il n'y avait en moi, ou en autrui, une autre faculté active, capable de former et produire ces idées. Or cette faculté active ne peut être en moi en tant que je suis qu'une chose qui pense, vu qu'elle ne présuppose point ma pensée, et aussi que ces idées-là me sont souvent représentées sans que j'y contribue en aucune sorte, et même souvent contre mon gré; il faut donc nécessairement qu'elle soit en quelque substance différente de moi, dans laquelle toute la réalité, qui est objectivement dans les idées qui en sont produites, soit contenues formellement ou éminemment (comme je l'ai remarqué ci-devant). Et cette substance est ou un corps, c'est-à-dire une nature corporelle, dans laquelle est contenu formellement et en effet tout ce qui est objectivement et par représentation dans les idées; ou bien c'est Dieu même, ou quelque autre créature plus noble que le corps, dans laquelle cela même est contenu éminemment. Or, Dieu n'étant point trompeur, il est très manifeste qu'il ne m'envoie point ces idées immédiatement par lui-même, ni aussi par l'entremise de quelque créature, dans laquelle leur réalité ne soit pas contenue formellement, mais seulement éminemment. Car ne m'ayant donné aucune faculté pour connaître que cela soit, mais au contraire une très grande inclination à croire qu'elles me sont envoyées ou qu'elles partent des choses corporelles, je ne vois pas comment on pourrait l'excuser de tromperie, si en effet ces idées partaient ou étaient produites par d'autres causes que par des choses corporelles. Et partant il faut confesser qu'il y a des choses corporelles qui existent."(Méd. 6, IX a, 62-63)"Toutefois elles ne sont peut-être pas entièrement telles que nous les apercevons par les sens." (Principes, II, 1) "C'est aussi une première notion, que toute la réalité, ou toute la perfection, qui n'est qu'objectivement dans les idées, doit être formellement ou éminemment dans leurs causes; et tout l'opinion que nous avons jamais eue de l'existence des choses qui sont hors de notre esprit, n'est appuyée que sur elle seule. Car d'où nous a pu venir le soupçon qu'elles existaient, sinon de cela seul que leurs idées venaient par les sens frapper notre esprit?" (Deuxièmes Réponses, AT IX a, 107) |
Extra-terrestres : "Et les astronomes, qui, en mesurant la grandeur des étoiles, les trouvent beaucoup plus grandes que la terre, la confirment aussi: car si, de l'étendue indéfinie du monde, on infère qu'il doit y avoir des habitants ailleurs qu'en la terre, on le peut inférer aussi de l'étendue que tous les astronomes lui attribuent; à cause qu'il n'y en a aucun qui ne juge que la terre est plus petite au regard de tout le ciel, que n'est un grain de sable au regard d'une montagne." (à Chanut, 6 juin 1647, AT V, 56) |
Foi : "qu'on dise que la foi a pour objet des choses obscures, néanmoins ce pour quoi nous les croyons n'est pas obscur, mais il est plus claire qu'aucune lumière naturelle. D'autant qu'il faut distinguer entre la matière, ou la chose à laquelle nous donnons notre créance, et la raison formelle qui meut notre volonté à la donner. Car c'est dans cette seule raison formelle que nous voulons qu'il y ait de la clarté et de l'évidence.
Et quant à la matière, personne n'a jamais nié qu'elle peut être obscure, voire l'obscurité même; car, quand je juge que l'obscurité doit être ôtée de nos pensées pour leur pouvoir donner notre consentement sans aucun danger de faillir, c'est l'obscurité même qui me sert de matière pour former un jugement clair et distinct." (115) "quoiqu'on dise ordinairement que la foi est des choses obscures, toutefois cela s'entend seulement de sa matière, et non point de la raison formelle pour laquelle nous croyons; car, au contraire, cette raison formelle consiste en une certaine lumière intérieure, de laquelle Dieu nous ayant surnaturellement éclairés, nous avons une confiance certaine que les choses qui nous sont proposées à croire, ont été révélées par lui, et qu'il est entièrement impossible qu'il soit menteur et qu'il nous trompe: ce qui est plus assuré que toute autre lumière naturelle, et souvent même plus évident, à cause de la lumière de la grâce." (2e Réponses, AT IXa 115-116) |
Générosité : "Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu'un homme s'estime au plus haut point qu'il se peut (446) légitimement estimer, consiste seulement partie en ce qu'il connaît qu'il n'y a rien qui véritablement lui appartienne que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu'il en use bien ou mal, et partie en ce qu'il sent en soi-même une ferme et constante résolution d'en bien user, c'est-à-dire de ne manquer jamais de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu'il jugera être les meilleures. Ce qui est suivre parfaitement la vertu. " (Les passions de l'âme, art. 153, AT XI, 445-446) "l'orgueil et la générosité ne consistent qu'en la bonne opinion qu'on a de soi-même, et ne diffèrent qu'en ce que cette opinion est injuste en l'un et juste en l'autre" (ibid, art.160 AT XI, 451) "Ainsi, encore qu'il n'y ait point de vertu à laquelle il semble que la bonne naissance contribue tant qu'à celle qui fait qu'on ne s'estime que selon sa juste valeur, et qu'il soit aisé à croire que toutes les âmes que Dieu met en nos corps ne sont pas également nobles et fortes (ce qui est cause que j'ai nommé cette vertu générosité, suivant l'usage de notre langue, plutôt que magnanimité, suivant l'usage de l'École , où elle n'est pas fort connue), il est certain néanmoins que la bonne institution sert beaucoup pour corriger les défauts de la naissance, et que si on s'occupe souvent à considérer (453) ce que c'est que le libre arbitre, et combien sont grands les avantages qui viennent de ce qu'on a une ferme résolution d'en bien user, comme aussi, d'autre côté, combien sont vains et inutiles tous les soins qui travaillent les ambitieux, on peut exciter en soi la passion et ensuite acquérir la vertu de générosité, laquelle étant comme la clef de toutes les autres vertus et un remède général contre tous les dérèglements des passions, il me semble que cette considération mérite bien d'être remarquée. " (id 3e partie, art. 161, AT XI, 453-454) |
Glande pinéale ; "Il est besoin aussi de savoir que, bien que l'âme soit jointe à tout le corps, il y a néanmoins en lui quelque (351) partie en laquelle elle exerce ses fonctions plus particulièrement qu'en toutes les autres. Et on croit communément que cette partie est le cerveau, ou peut-être le coeur : le cerveau, à cause que c'est à lui que se rapportent les organes des sens ; et le coeur, à cause que c'est comme en lui qu'on sent les passions. Mais, en examinant la chose avec soin, il me semble avoir évidemment reconnu que la partie du corps en laquelle l'âme exerce immédiatement ses fonctions n'est nullement le coeur, ni aussi tout le cerveau, mais seulement la plus intérieure de ses parties, qui est une certaine glande fort petite, située dans le milieu de sa substance, et tellement suspendue au-dessus du conduit par lequel les esprits de ses cavités antérieures ont communication avec ceux de la postérieure, que les moindres mouvements qui sont en elle peuvent beaucoup pour changer le cours de ces esprits, et réciproquement que les moindres changements qui arrivent au cours des esprits peuvent beaucoup pour changer les mouvements de cette glande." (Passions de l'âme, 1e partie, art.31, AT XI, 351-352) |
Idée : "..lorsque que nous faisons réflexion sur les diverses idées qui sont en nous, il est aisé d'apercevoir qu'il n'y a pas beaucoup de différence entre elles, en tant que nous les considérons simplement comme les dépendances de notre âme ou de notre pensée, mais qu'il y en a beaucoup en tant que l'une représente une chose, et l'autre une autre" (Principes, I, 17) idées innées:"innata" (les "semences de science"-Saint Thomas) "Je distingue tout ce qui tombe sous notre connaissance en deux genres : le premier contient toutes les choses qui ont quelque existence, et l'autre toutes les vérités qui ne sont rien hors de notre pensée." (ibid I, 48) "je ne puis avoir aucune connaissance de ce qui est hors de moi, que par l'entremise des idées que j'en ai eu en moi" (à Gibieuf 19 janvier 1642, A.T III, 474) |
Idées innées, adventices et factices : "Mais néanmoins les idées innées diffèrent des adventices et des idées élaborées ou artificielles en ce que l'action de la volonté concourt à la formation des idées artificielles, les sens à celle des adventices, et à celle des idées innées la seule perception de l'entendement."(Remarques que Descartes semblent avoir écrites sur ses "Principes de la philosophie", XI, 655) "j'ai tâché de trouver en général les principes ou premières causes de tout ce qui est ou qui peut être dans le monde, sans rien considérer pour cet effet que Dieu seul qui l'a créé, ni les tirer d'ailleurs que de certaines semences de vérité qui sont naturellement en nos âmes." (D.M, 6)"Qu'il y a des notions d'elles-mêmes si claires qu'on les obscurcit en les voulant définir à la façon de l'Ecole, et qu'elles ne s'acquièrent point par l'étude, mais naissent avec nous." (Principes, I, 10) |
Imaginable / Intelligible : "on ne prend pas garde ordinairement qu'il n'y a que les choses qui consistent en étendue, en mouvement et en figure, qui soient imaginables, et qu'il y en a quantité d'autres que celles-là qui sont intelligibles : de là vient aussi que la plupart du monde se persuade qu'il n'y a rien qui puisse subsister sans corps, et même qu'il n'y a point de corps qui ne soit sensible. " (Principes, I, 73) |
Infini : " Et, pour nous, en voyant des choses dans lesquelles, selon certains sens, nous ne remarquons point de limites, nous n'assurerons pas pour cela qu'elle soient infinies, mais nous les estimerons seulement indéfinies" (Principes, I, 26)"réserver à Dieu seul le nom d'infini" "Pour ce qui est des autres choses, nous savons qu'elles ne sont pas ainsi absolument parfaites, parce qu'encore que nous y remarquions quelquefois des propriétés qui nous semblent n'avoir point de limites, nous ne laissons pas de connaître que cela procède du défaut de notre entendement, et non point de leur nature."(ibid, I, 27) "Et je prétends maintenir que, de cela seul que quelque perfection, qui est au-dessus de moi, devient l'objet de mon entendement, en quelque façon que ce soit qu'elle se présente à lui : par exemple, de cela seul que j'aperçois que je ne puis jamais, en nombrant, arriver au plus grand de tous les nombres, et que de là je connais qu'il y a quelque (109) chose, en matière de nombrer, qui surpasse mes forces, je puis conclure nécessairement, non pas à la vérité qu'un nombre infini existe, ni aussi que son existence implique contradiction, comme vous dites, mais que cette puissance que j'ai de comprendre qu'il y a toujours quelque chose de plus à concevoir, dans le plus grand des nombres, que je ne puis jamais concevoir, ne me vient pas de moi-même, et que je l'ai reçue de quelque autre être qui est plus parfait que je ne suis." (2e Réponses, AT IXa, 109-110 ) "il faut remarquer que je ne me sers jamais du mot d'infini pour signifier seulement n'avoir point de fin, ce qui est négatif et à quoi j'ai appliqué le mot d'indéfini, mais pour signifier une chose réelle, qui est incomparablement plus grande que toutes celles qui ont quelque fin. 5. Or je dis que la notion que j'ai de l'infini est en moi avant celle du fini, parce que, de cela seul que je conçois l'être ou ce qui est, sans penser s'il est fini ou infini, c'est l'être infini que je conçois; mais, afin que je puisse concevoir un être fini, il faut que je retranche quelque chose de cette notion générale de l'être, laquelle par conséquent doit précéder. 6. Est, inquam, hæc idea summe vera etc. La vérité consiste en l'être, et la fausseté au non-être seulement, en sorte que l'idée de l'infini, comprenant tout l'être, comprend tout ce qu'il y a de vrai dans les choses, et ne peut avoir en soi rien de faux, encore que d'ailleurs on veuille supposer qu'il n'est pas vrai que cet être infini existe." (à Clerselier, 23 avril 1649, A.T V, 356) "Et quant à la chose qui est infinie, nous la concevons à la vérité positivement, mais non pas selon toute son étendue, c'est-à-dire que nous ne comprenons pas tout ce qui est intelligible en elle. Mais tout ainsi que, lorsque nous jetons les yeux sur la mer, on ne laisse pas de dire que nous la voyons, quoique notre vue n'en atteigne pas toutes les parties et n'en mesure pas la vaste étendue: et de vrai, lorsque nous ne la regardons que de loin, comme si nous la voulions embrasser toute avec les yeux, nous ne la voyons que confusément, comme aussi n'imaginons-nous que confusément un chiliogone, lorsque nous tâchons d'imaginer tous ses côtés ensemble; mais, lorsque notre vue s'arrête sur une partie de la mer seulement, cette vision alors peut être fort claire et fort distincte, comme aussi l'imagination d'un chiliogone, lorsqu'elle s'étend seulement sur un ou deux de ses côtés. " (1ères Réponses, A.T IX1, 90) "que je ne dis pas que le monde soit infini, mais indéfini seulement. En quoi il y a une différence assez remarquable: car pour dire qu'une chose est infinie, on doit avoir quelque raison qui la fasse connaître telle, ce qu'on ne peut avoir que de Dieu seul; mais pour dire qu'elle est indéfinie, il suffit de n'avoir point de raison par laquelle on puisse prouver qu'elle ait des bornes. Ainsi il me semble qu'on ne peut (51) prouver, ni même concevoir, qu'il y ait des bornes en la matière dont le monde est composé. Car, en examinant la nature de cette matière, je trouve qu'elle ne consiste en autre chose qu'en ce qu'elle a de l'étendue en longueur, largeur et profondeur, de façon que tout ce qui a ces trois dimension est une partie de cette matière; et il ne peut y avoir aucun espace entièrement vide, c'est-à-dire qui ne contienne aucune matière, à cause que nous ne saurions concevoir un tel espace, que nous ne concevions en lui ces trois dimensions, et, par conséquent, de la matière. " (…) "N'ayant donc aucune raison pour prouver, et même ne pouvant concevoir que le monde ait des bornes, je le nomme indéfini. Mais je ne puis nier pour cela qu'il n'en ait peut-être quelques-unes qui sont connues de Dieu, bien qu'elles me soient incompréhensibles: c'est pourquoi je ne dis pas absolument qu'il est infini."(à Chanut, 6 juin 1647, A.T V, 51-52) "Je n'ai jamais traité de l'infini que pour me soumettre à lui." (à Mersenne, 28 janvier 1641, A.T III, 293) |
Jalousie : "La jalousie est une espèce de crainte qui se rapporte au désir qu'on a de se conserver la possession de quelque bien ; et elle ne vient pas tant de la force des raisons qui font juger qu'on le peut perdre que de la grande estime qu'on en fait, laquelle est cause qu'on examine jusqu'aux moindres sujets de soupçon, et qu'on les prend pour des raisons fort considérables. " (Passions de l'âme, art. 167, AT XI, 457) |
Jalousie : "on se moque d'un avaricieux lorsqu'il est jaloux de son trésor, c'est-à-dire lorsqu'il le couve des yeux et ne s'en veut jamais éloigner de peur qu'il ne lui soit dérobé ; car l'argent ne vaut pas la peine d'être gardé avec tant de soin. Et on méprise un homme qui est jaloux de sa femme, parce que c'est un témoignage qu'il ne l'aime pas de la bonne sorte, et qu'il a mauvaise opinion de soi ou d'elle. Je dis qu'il ne l'aime pas de la bonne sorte ; car, s'il avait une vraie amour pour elle, il n'aurait aucune inclination à s'en défier. Mais ce n'est pas proprement elle qu'il aime, c'est seulement le (458) bien qu'il imagine consister à en avoir seul la possession ; et il ne craindrait pas de perdre ce bien s'il ne jugeait pas qu'il en est indigne ou bien que sa femme est infidèle." (Passions de l'Ame, 3e partie, art.169, AT XI, 458-459) |
Joie : "La joie est une agréable émotion de l'âme, en laquelle consiste la jouissance qu'elle a du bien que les impressions du cerveau lui représentent comme sien. Je dis que c'est en cette émotion que consiste la jouissance du bien ; car en effet l'âme ne reçoit aucun autre fruit de tous les biens qu'elle possède ; et pendant qu'elle n'en a aucune joie, on peut dire qu'elle n'en jouit pas plus (396) que si elle ne les possédait point. J'ajoute aussi que c'est du bien que les impressions du cerveau lui représentent comme sien, afin de ne pas confondre cette joie, qui est une passion, avec la joie purement intellectuelle, qui vient en l'âme par la seule action de l'âme, et qu'on peut dire être une agréable émotion excitée en elle-même, par elle-même, en laquelle consiste la jouissance qu'elle a du bien que son entendement lui représente comme sien. Il est vrai que pendant que l'âme est jointe au corps, cette joie intellectuelle ne peut guère manquer d'être accompagnée de celle qui est une passion ; car, sitôt que notre entendement s'aperçoit que nous possédons quelque bien, encore que ce bien puisse être si différent de tout ce qui appartient au corps qu'il ne soit point du tout imaginable, l'imagination ne laisse pas de faire incontinent quelque impression dans le cerveau, de laquelle suit le mouvement des esprits qui excite la passion de la joie. " (Passions de l'âme, 2e partie, art. 91, AT XI, 396-397) "...la joie vient de l'opinion qu'on a de posséder quelque bien, et la tristesse, de l'opinion qu'on a d'avoir quelque mal ou quelque défaut. Mais il arrive souvent qu'on se sent triste ou joyeux sans qu'on puisse ainsi distinctement remarquer le bien ou le mal qui en sont les causes, à savoir, lorsque ce bien ou ce mal font leurs impressions dans le cerveau sans l'entremise de l'âme, quelquefois à cause qu'ils n'appartiennent qu'au corps, et quelquefois aussi, encore qu'ils appartiennent à l'âme, à cause qu'elle ne les considère pas comme bien et mal, mais sous quelque autre forme dont l'impression est jointe avec celle du bien et du mal dans le cerveau." (id art.93, AT XI, 398) "le chatouillement des sens est suivi de si près par la joie, et la douleur par la tristesse, que la plupart des hommes ne les distinguent point. Toutefois, ils diffèrent si fort qu'on peut quelquefois souffrir des douleurs avec joie, et recevoir des chatouillements qui déplaisent." (id art.94, AT XI, 399) "Il est aussi quelquefois arrivé au commencement de notre vie que le sang contenu dans les veines était un aliment assez convenable pour entretenir la chaleur du coeur, et qu'elles en contenaient en telle quantité qu'il n'avait pas besoin de tirer aucune nourriture d'ailleurs. Ce qui a excité en l'âme la passion de la joie, et a fait en même temps que les orifices du coeur se sont plus ouverts que de coutume, et que les esprits coulant abondamment du cerveau, non seulement dans les nerfs qui servent à ouvrir ces orifices, mais aussi généralement en tous les autres qui poussent le sang des veines vers le coeur, empêchent qu'il n'y en vienne de nouveau du foie, de la rate, des intestins et de l'estomac. C'est pourquoi ces mêmes mouvements accompagnent la joie." (id art.109, AT XI, 409) "ART. 115 . Comment la joie fait rougir. Ainsi la joie rend la couleur plus vive et plus vermeille, parce qu'en ouvrant les écluses du coeur elle fait que le sang coule plus vite en toutes les veines, et que, devenant plus chaud et plus subtil, il enfle médiocrement toutes les parties du visage, ce qui en rend l'air plus riant et plus gai. (413) ART. 116. Comment la tristesse fait pâlir. La tristesse, au contraire, en étrécissant les orifices du coeur, fait que le sang coule plus lentement dans les veines, et que, devenant plus froid et plus épais, il a besoin d'y occuper moins de place ; en sorte que, se retirant dans les plus larges, qui sont les plus proches du coeur, il quitte les plus éloignées, dont les plus apparentes étant celles du visage, cela le fait paraître pâle et décharné, principalement lorsque la tristesse est grande ou qu'elle survient promptement, comme on voit en l'épouvante, dont la surprise augmente l'action qui serre le coeur." (id art. 115-116, AT XI, 413-414) "Après avoir donné les définitions de l'amour, de la haine, du désir, de la joie, de la tristesse, et traité de tous les mouvements corporels qui les causent ou les accompagnent, nous n'avons plus ici à considérer que leur (429) usage. Touchant quoi il est à remarquer que, selon l'institution de la nature, elles se rapportent toutes au corps, et ne sont données à l'âme qu'en tant qu'elle est jointe avec lui ; en sorte que leur usage naturel est d'inciter l'âme à consentir et contribuer aux actions qui peuvent servir à conserver le corps ou à le rendre en quelque façon plus parfait. Et en ce sens la tristesse et la joie sont les deux premières qui sont employées. Car l'âme n'est immédiatement avertie des choses qui nuisent au corps que par le sentiment qu'elle a de la douleur, lequel produit en elle premièrement la passion de la tristesse, puis ensuite la haine de ce qui cause cette douleur, et en troisième lieu le désir de s'en délivrer. Comme aussi l'âme n'est immédiatement avertie des choses utiles au corps que par quelque sorte de chatouillement qui, excitant en elle de la joie, fait ensuite naître l'amour de ce qu'on croit en être la cause, et enfin le désir d'acquérir ce qui peut faire qu'on continue en cette joie ou bien qu'on jouisse encore après d'une semblable. Ce qui fait voir qu'elles sont toutes cinq très utiles au regard du corps, et même que la tristesse est en quelque façon première et plus nécessaire que la joie, et la haine que l'amour, à cause qu'il importe davantage de repousser les choses qui nuisent et peuvent détruire que d'acquérir celles qui ajoutent quelque perfection sans laquelle on peut subsister." (id art. 137, AT XI, 429-430) |
Légitimation de la proportionnalité entre perfection d'un concept et nécéssité d'existence (par Spinoza) :
"Plus une chose est parfaite de sa nature, plus grande et plus nécessaire est l'existence qu'elle enveloppe; et inverse-ment plus grande et plus nécessaire est l'existence qu'une chose enveloppe de sa nature, plus parfaite elle est. Démonstration. Dans l'idée ou le concept de toute chose est contenue l'existence (par l'Axiome 6). Soit donc A une chose supposée avoir dix degrés de perfection. Je dis que son concept contient plus d'existence que si elle était supposée contenir seulement cinq degrés de perfection. Puisque, en effet, nous ne pouvons rien affirmer du néant (voir Scolie de la Proposition 4), autant nous retranchons par la pensée à la perfection de A (le concevant ainsi de plus en plus comme participant du néant) autant aussi de possibilité d'existence nous nions de lui. Et, par suite, si nous concevons que les degrés de sa perfection soient diminués à l'infini, autrement dit jusqu'à zéro, A ne contiendra aucune existence, c'est-à-dire contiendra une existence absolument impossible. Si, au contraire, nous augmentons à l'infini ses degrés, nous le concevrons comme enveloppant l'existence suprême, et par suite, suprêmement nécessaire. C'est là la première partie de la Proposition. Maintenant comme nécessité et perfection ne peuvent être aucunement séparées (ainsi qu'il est assez certain par l'Axiome 6 et toute la première partie de cette Démonstration), il suit de là clairement ce qu'il fallait démontrer en second lieu." (Spinoza, Les Principes de la Philosophie de Descartes, 1ère partie, Lemme 1, p.261) |
Liberté : "Mais quand celui qui nous a créé serait tout puissant, et quand même il prendrait plaisir à nous tromper, nous ne laissons pas d'éprouver en nous une liberté qui est telle que, toutes les fois qu'il nous plaît, nous pouvons nous abstenir de recevoir en notre croyance les choses que nous ne connaissons pas bien, et ainsi nous empêcher d'être jamais trompés" (Principes,I, 6) "il suffit de bien juger pour bien faire." (D.M, 3) "Pour les choses qui ne dépendent aucunement de nous, tant bonnes qu'elles puissent être, on ne les doit jamais désirer avec passion, non seulement à cause qu'elles peuvent n'arriver pas, et par ce moyen nous affliger d'autant plus que nous les aurons plus souhaitées, mais principalement à cause qu'en occupant notre pensée elles nous détournent de porter notre affection à d'autres choses dont l'acquisition dépend de nous." (Passions de l'âme, art. 145 AT XI, 437) |
Liberté d'indifférence : "… cette indifférence que je sens, lorsque je ne suis point emporté vers un côté plutôt que vers un autre par le poids d'aucune raison, est le plus bas degré de la liberté, et fait plutôt paraître un défaut dans la connaissance, qu'une perfection dans la volonté; car si je connaissais toujours clairement ce qui est vrai et ce qui est bon, je ne serais jamais en peine de délibérer quel jugement et quel choix je devrais faire; et ainsi je serais entièrement libre, sans jamais être indifférent."(Méd. 4, IX, 45-46)(N.B:les molinistes, à l'opposé des thomistes pensent l'indifférence comme essentielle à la liberté) |
Liberté d'indifférence en Dieu : "…parce qu'il a voulu créer le monde dans le temps, pour cela il est ainsi meilleur que s'il eût été créé dès l'éternité; et d'autant qu'il a voulu que les trois angles d'un triangle fussent nécessairement égaux à deux droits, il est maintenant vrai que cela est ainsi, et il ne peut pas être autrement, et ainsi de toutes les autres choses." (6e Réponses, §6) |
Liberté humaine : "Et ainsi une entière indifférence en Dieu est une preuve très grande de sa toute-puissance. Mais il n'en est pas ainsi de l'homme, lequel trouvant déjà la nature de la bonté et de la vérité établie et déterminée de Dieu, et sa volonté étant telle qu'elle ne se peut naturellement porter que vers ce qui est bon, il est manifeste qu'il embrasse d'autant plus volontiers, et par conséquent d'autant plus librement, le bon et le vrai, qu'il ne les connaît plus évidemment; et que jamais il n'est indifférent que lorsqu'il ignore ce qui est de mieux ou de plus véritable (…)""…l'indifférence n'est point de l'essence de la liberté humaine, vu que nous ne sommes pas seulement libres, quand l'ignorance du bien et du vrai nous rend indifférents, mais principalement aussi lorsque la claire et distincte connaissance d'une chos nous pousse et nous engage à sa recherche." (6e Réponses, §6) "Et j'avais toujours un extrême désir d'apprendre à distinguer le vrai davec le faux, pour voir clair en mes actions, et marcher avec assurance en cette vie." (D.M, 1) "Il est bien vrai que toutes les fois que nous faillons, il y a du défaut en notre façon d'agir ou en l'usage de notre liberté ; mais il n'y a point pour cela de défaut en notre nature, à cause qu'elle est toujours la même quoique nos jugements soient vrais ou faux. " (Principes, I, 38) "nous avons bien assez d'intelligence pour connaître clairement et distinctement que cette puissance est en Dieu ; mais que nous n'en avons pas assez pour comprendre tellement son étendue que nous puissions savoir comment elle laisse les actions des hommes entièrement libres et indéterminées ; et que d'autre côté nous sommes aussi tellement assurés de la liberté et de l'indifférence qui est en nous, qu'il n'y a rien que nous connaissions plus clairement ; de façon que la toute-puissance de Dieu ne nous doit point empêcher de la croire." (Principes, I, 41) |
Logique : "je pris garde que, pour la logique, ses syllogismes et la plupart de ses autres instructions servent plutôt à expliquer à autrui les choses qu'on sait ou même, comme l'art de Lulle, à parler, sans jugement, de celles qu'on ignore, qu'à les apprendre." (D.M, 2) |
Mal : "...le mal n'étant qu'une privation, il ne peut être conçu sans quelque sujet réel dans lequel il soit (...)" (Passions de l'âme, 2e partie, art.140, AT XI, 433) |
Malin génie : "Or, qui me peut assurer que ce Dieu n'ait point fait qu'il n'y ait aucune terre, aucun ciel, aucun corps étendu, aucune figure, aucune grandeur, aucun lieu, et que néanmoins j'ai les sentiments de toutes ces choses, et que tout cela ne me semble point exister autrement que je le vois? Et même, comme je juge quelquefois que les autres se méprennent, même dans les choses qu'ils pensent savoir avec le plus de certitude, il se peut faire qu'il ait voulu que je me trompe toutes les fois que je fais l'addition de deux et de trois, ou que je nombre les côtés d'un carré(...)Mais peut-être que Dieu n'a pas voulu que je fusse déçu de la sorte, car il est dit souverainement bon."(Méditations, 1;IX, 16) "Je supposerai donc qu'il y a, non point un vrai Dieu, qui est la souveraine source de vérité, mais un certain mauvais génie, non moins rusé et trompeur que puissant, qui a employé toute son industrie à me trompé."(Méditations, 1;IX, 17-18) "Le malin génie n'est pas une raison, mais un moyen de douter. Il ne constitue pas un argument, mais soutient un effort de la volonté"(F.Alquié, Découverte Métaphysique, p.176-177) |
Médecine : "car même l'esprit dépend si fort du tempérament et de la disposition des organes du corps, que, s'il est possible de trouver quelque moyen qui rende communément les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecine qu'on doit le chercher." (D.M, 6) |
Métaphysique : "En la 4 <ème partie du Discours>, les raisons par lesquelles il prouve l'existence de Dieu et de l'âme humaine, qui sont les fondements de sa métaphysique." (Préface du D.M) à propos de Régius: "à cause qu'il a mal transcrit et changé l'ordre, et nié quelques vérités de métaphysique, sur qui toute la physique doit être appuyée, je suis obligé de le désavouer entièrement. "(Principes, Préface) |
Méthode : "Mais, comme un homme qui marche seul et dans les ténèbres, je me résolus d'aller si lentement, et d'user de tant de circonspection en toutes choses, que, si je n'avançais que fort peu, je me garderais bien, au moins, de tomber." (D.M, 2) L'échec de la "logique" invite Descartes à "chercher quelque autre méthode." "Et comme la multitude des lois fournit souvent des excuses aux vices, en sorte qu'un Etat est bien mieux réglé lorsque, n'en ayant que fort peu, elles y sont fort étroitement observées; ainsi, au lieu de ce grand nombre de préceptes dont la logique est composée, je crus que j'aurais assez des quatre suivants, pourvu que je prisse une ferme et constante résolution de ne manquer pas uns seule fois à les observer. Le premier était de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne la connusse évidemment être telle: c'est-à-dire, d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention, et de ne comprendre rien de plus en mes jugements, que ce qui se présenterait si clairement et si distinctement à mon esprit, que je n'eusse aucune occasion de la mettre en doute. Le second, de diviser chacune des difficultés que j'examinerais, en autant de parcelles qu'il se pourrait, et qu'il serait requis pour les mieux résoudre. Le troisième, de conduire par ordre mes pensées, en commençant par les objets les plus simples et les plus aisés à connaître, pour monter peu à peu, comme par degrés, jusque à la connaissance des plus composés; et supposant même de l'ordre entre ceux qui ne se précèdent point naturellement les uns les autres. Et le dernier, de faire partout des dénombrement si entiers, et des revues si générales, que je fusse assuré de ne rien omettre." (D.M, 2) la méthode est relativement à la science "un chemin qui me semble tel qu'on doit infailliblement la trouver en le suivant" (D.M, 6) "si nous désirons vaquer sérieusement à l'étude de la philosophie et à la recherche de toutes les vérités que nous sommes capables de connaître, nous nous délivrerons en premier lieu de nos préjugés, et ferons état de rejeter toutes les opinions que nous avons autrefois reçues en notre créance, jusques à ce que nous les ayons derechef examinées ; nous ferons ensuite une revue sur les notions qui sont en nous, et ne recevrons pour vraies que celles qui se présenteront clairement et distinctement à notre entendement. " "comparant ce que nous venons d'apprendre en examinant ces choses par ordre, avec ce que nous en pensions avant que de les avoir ainsi examinées, nous nous accoutumerons à former des conceptions claires et distinctes sur tout ce que nous sommes capables de connaître. C'est en ce peu de préceptes que je pense avoir compris tous les principes plus généraux et plus importants de la connaissance humaine. "(Principes, I, 74) "Necessaria est methodus ad rerum investigandam veritatem." (4e des Règles pour la direction de l'esprit ) la bonne méthode en physique consiste à "examiner les matières physiques par des raisons mathématiques." (à Mersenne, 11 octobre 1638, Alquié II p;91) |
Morale par provision : "afin que je ne demeurasse point irrésolu en mes actions pendant que la raison m'obligerait de l'être en mes jugements (…) je me formai une morale par provision, qui ne consistait qu'en trois ou quatre maximes, dont je veux bien vous faire part. La première était d'obéir aux lois et aux coutumes de mon pays, retenant constamment la religion en laquelle Dieu m'a fait grâce d'être instruit dès mon enfance, et me gouvernant, en toute autre chose, suivant les opinions les plus modérées, et les plus éloignées de l'excès, qui fussent communément reçues en pratique par les mieux sensés de ceux avec lesquels j'aurai à vivre. (…) Ma seconde maxime était d'être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais, et de ne suivre pas moins constamment les opinions les plus douteuses, lorsque je m'y serais une fois déterminé, que si elles eussent été très assurées. Imitant en ceci les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant, tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, ni encore moins s'arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent vers un même côté, et ne le changer point pour de faibles raisons, encore que ce n'ait peut-être été au commencement que le hasard seul qui les ait déterminés à le choisir : car, par ce moyen, s'ils ne vont justement où ils désirent, ils arriveront au moins à la fin quelque part, où vraisemblablement ils seront mieux que dans le milieu d'une forêt. (…) Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que l'ordre du monde; et généralement, de m'accoutumer à croire qu'il n'y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir, que nos pensées, en sorte qu'après que nous avons fait notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures, tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible.(…) Enfin, pour conclusion de cette morale, je m'avisai de faire une revue sur les diverses occupations qu'ont les hommes en cette vie, pour tâcher à faire choix de la meilleure; et sans que je veuille rien dire de celles des autres, je pensai que je ne pouvais mieux que de continuer en celle-là même où je me trouvais, c'est-à-dire, que d'employer toute ma vie à cultiver ma raison, et m'avancer, autant que je pourrais, en la connaissance de la vérité, suivant la méthode que je m'étais prescrite." (D.M, 3) "on ne doit pas douter des choses qui semblent vraies en ce qui regarde la conduite de la vie; mais qu'on ne doit pas aussi les estimer si certaines qu'on ne puisse changer d'avis lorsqu'on y est obligé par l'évidence de quelque raison." (Principes, Préface) "…j'ai toujours mis une très grande distinction entre l'usage de la vie et la contemplation de la vérité. Car, pour ce qui regarde l'usage de la vie, tant s'en faut que je pense qu'il ne faille suivre que les choses que nous connaissons très clairement, qu'au contraire je tiens qu'il ne faut pas même toujours attendre les plus vraisemblables, mais qu'il faut quelquefois, entre plusieurs choses tout à fait inconnues et incertaines, en (116) choisir une et s'y déterminer, et après cela ne la pas croire moins fermement, tant que nous ne voyons point de raisons au contraire, que si nous l'avions choisie pour des raisons certaines et très évidentes" (2e Réponses, AT IXa 116-117, cf DM p.26) |
Morale par provision : "l'homme pouvant n'avoir pas toujours une parfaite attention aux choses qu'il doit faire, c'est une bonne action que de l'avoir, et de faire, par son moyen, que notre volonté suive si fort la lumière de notre entendement, qu'elle ne soit point du tout indifférente. " (à Mesland, 2 mai 1644, AT IV 117) |
Mort : "…la mort du corps dépend seulement de quelque division ou de changement de figure. (…) Et même nous n'avons aucun argument ni exemple, qui nous puisse persuader qu'il y a des substances qui sont sujettes à être anéanties. Ce qui suffit pour conclure que l'esprit, ou âme de l'homme, autant que cela peut-être connu par la philosophie naturelle, est immortelle. Mais si on demande si Dieu, par son absolue puissance, n'a point peut-être déterminé que les âmes humaines cessent d'être, au même temps que les corps auxquels elles sont unies sont détruits, c'est à Dieu seul d'en répondre. Et puisqu'il nous a maintenant révèle que cela n'arrivera point, il ne nous doit plus rester touchant cela aucun doute." (2es Réponses, IX, 119-120) "...la mort n'arrive jamais par la faute de l'âme, mais seulement parce que quelqu'une des principales parties du corps se corrompt ; et jugeons que le corps d'un homme vivant diffère autant de celui d'un homme (331) mort que fait une montre, ou autre automate (c'est-à-dire autre machine qui se meut de soi-même), lorsqu'elle est montée et qu'elle a en soi le principe corporel des mouvements pour lesquels elle est instituée, avec tout ce qui est requis pour son action, et la même montre ou autre machine, lorsqu'elle est rompue et que le principe de son mouvement cesse d'agir. " (Passions de l'âme, art.6, A.T XI, 330-331) |
Notions primitives : Il y en a trois : corps, âme, union corps-âme. / "Premièrement, je considère qu'il y a en nous certaines notions primitives, qui sont comme des originaux, sur le patron desquels nous formons toutes nos autres connaissances. Et il n'y a que fort peu de telles notions; car, après les plus générales, de l'être, du nombre, de la durée etc., qui conviennent à tout ce que nous pouvons concevoir, nous n'avons, pour le corps en particulier, que la notion de l'extension, de laquelle suivent celles de la figure et du mouvement; et pour l'âme seule, nous n'avons que celle de la pensée, en laquelle sont comprises les perceptions de l'entendement et les inclinations de la volonté; enfin, pour l'âme et le corps ensemble, nous n'avons que celle de leur union, de laquelle dépend celle de la force qu'a l'âme de mouvoir le corps, et le corps d'agir sur l'âme, en causant ses sentiments et ses passions." (à Elisabeth, 21 mai 1643, A.T III, 665) "qu'après avoir distingué trois genres d'idées ou de notions primitives qui se connaissent chacune d'une façon particulière et non par la comparaison de l'une à l'autre, à savoir la notion que nous avons de l'âme, celle du corps, et celle de l'union qui est entre l'âme et le corps, je devais expliquer la différence qui est entre ces trois sortes de notions, et entre les opérations de l'âme par lesquelles nous les avons, et dire les moyens de nous rendre chacune d'elles familière et facile; puis ensuite, ayant dit pourquoi je m'étais servi de la comparaison de la pesanteur, faire voir que, bien qu'on veuille concevoir l'âme comme matérielle (ce qui est proprement concevoir son union avec le corps), on ne laisse pas de connaître, par après, qu'elle en est séparable. " (à Elisabeth, 26 juin 1643, A.T III, 691) |
Objection du cercle : "En troisième lieu, puisque vous n'êtes pas encore assuré de l'existence de Dieu, et que vous dites néanmoins que vous ne sauriez être assuré d'aucune chose, ou que vous ne pouvez rien connaître clairement et distinctement, si premièrement vous ne connaissez certainement et clairement que Dieu existe, il s'ensuit que vous ne savez pas (98) encore que vous êtes une chose qui pense, puisque, selon vous, cette connaissance dépend de la connaissance claire d'un Dieu existant, laquelle vous n'avez pas encore démontrée, aux lieux où vous concluez que vous connaissez clairement ce que vous êtes. " (2ndes objections, A.T IX1, 98-99) "Il ne me reste plus qu'un scrupule, qui est de savoir comment il se peut défendre de ne pas commettre un cercle, lorsqu'il dit que nous ne sommes assurés que les choses que nous concevons clairement et distinctement sont vraies, qu'à cause que Dieu est ou existe. Car nous ne pouvons être assurés que Dieu est, sinon parce que nous concevons cela très clairement et très distinctement; donc, auparavant que d'être assurés de l'existence de Dieu, nous devons être assurés que toutes les choses que nous concevons clairement et distinctement sont toutes vraies."(4e Réponses, A.T IX1, 166) |
Ordre : "L'ordre consiste en cela seulement, que les choses qui sont proposées les premières doivent être connues sans l'aide des suivantes, que les suivantes doivent après être disposées de telle façon, qu'elles soient démontrées par les seules choses qui les précédent. " (2e Réponses, IXa 121) "Nous disons donc premièrement, qu'il faut considérer chacune des choses quand elles sont ordonnées à notre connaissance autrement, que si nous parlions des mêmes pour autant qu'elles existent réellement. " (Règles pour la Direction de l'Esprit, règle 12 AT X, 418 ) |
Passion : "ce qui est passion au regard d'un sujet est toujours action à quelque autre égard." (...) "...je considère que tout ce qui se fait ou qui arrive de nouveau est généralement appelé par les philosophes une passion au regard du sujet auquel il arrive, et une action au regard de celui qui fait qu'il arrive. En sorte que, bien que l'agent et le patient soient souvent fort différents, l'action et la passion ne laissent pas d'être toujours une même chose qui a ces deux noms, à raison des deux divers sujets auxquels on la peut rapporter." (Passions de l'âme, 1ère partie, art. 1 A.T XI, 327) "Puis aussi je considère que nous ne remarquons point qu'il y ait aucun sujet qui agisse plus immédiatement contre notre âme que le corps auquel elle est jointe, et que par conséquent nous devons penser que ce qui est en elle une passion est communément en lui une action ; en sorte qu'il n'y a point de meilleur chemin pour venir à la connaissance de nos passions que d'examiner la différence qui est entre l'âme et le corps, afin de connaître auquel des deux on doit attribuer chacune des fonctions qui sont en nous." (ibid, art. 2) "Après avoir considéré en quoi les passions de l'âme différent de toutes ses autres pensées, il me semble qu'on peut généralement les définir des perceptions ou des sentiments, ou des émotions de l'âme, qu'on rapporte particulièrement à elle, et qui sont causées, entretenues et fortifiées par quelque mouvement des esprits." (Passions de l'âme 1ère partie, art. 27) "l'expérience fait voir que ceux qui sont les plus agités par leurs passions ne sont pas ceux qui les connaissent le (349) mieux, et qu'elles sont du nombre des perceptions que l'étroite alliance qui est entre l'âme et le corps rend confuses et obscures." (id art.28, AT XI, 349-350) "J'ajoute qu'elles <les passions> se rapportent particulièrement à l'âme, pour les distinguer des autres sentiments qu'on rapporte, les uns aux objets extérieurs, comme les odeurs, les sons, les couleurs ; les autres à notre corps, comme la faim, la soif, la douleur. J'ajoute aussi qu'elles sont causées, entretenues et fortifiées par quelque mouvement des esprits, afin de les distinguer de nos volontés, qu'on peut nommer des émotions de l'âme qui se rapportent à elle, mais qui sont causées par elle-même, et aussi afin d'expliquer leur dernière et plus prochaine cause, qui les distingue derechef des autres sentiments . "(id, art. 29, AT XI, 350) "Nos passions ne peuvent pas aussi directement être excitées ni ôtées par l'action de notre volonté, mais elles peuvent l'être indirectement par la représentation des choses qui ont coutume d'être jointes avec les passions que nous voulons avoir, et qui sont contraires à (362) celles que nous voulons rejeter. Ainsi, pour exciter en soi la hardiesse et ôter la peur, il ne suffit pas d'en avoir la volonté, mais il faut s'appliquer à considérer les raisons, les objets ou les exemples qui persuadent que le péril n'est pas grand ; qu'il y a toujours plus de sûreté en la défense qu'en la fuite ; qu'on aura de la gloire et de la joie d'avoir vaincu, au lieu qu'on ne peut attendre que du regret et de la honte d'avoir fui, et choses semblables. " (id art.45, AT XI, 362-363)"comme l'âme, en se rendant fort attentive à quelque autre chose, peut s'empêcher d'ouïr un petit (363) bruit ou de sentir une petite douleur, mais ne peut s'empêcher en même façon d'ouïr le tonnerre ou de sentir le feu qui brûle la main, ainsi elle peut aisément surmonter les moindres passions, mais non pas les plus violentes et les plus fortes, sinon après que l'émotion du sang et des esprits est apaisée. Le plus que la volonté puisse faire pendant que cette émotion est en sa vigueur, c'est de ne pas consentir à ses effets et de retenir plusieurs des mouvements auxquels elle dispose le corps. Par exemple, si la colère fait lever la main pour frapper, la volonté peut ordinairement la retenir ; si la peur incite les jambes à fuir, la volonté les peut arrêter, et ainsi des autres." (Passions de l'âme, 1ère partie art.46, A.T XI 363-364) "…c'est par le succès de ces combats <âme contre corps>que chacun peut connaître la force ou la faiblesse de son âme. Car ceux en qui naturellement la volonté peut le plus aisément vaincre les passions et arrêter les mouvements du corps qui les accompagnent ont sans doute les âmes (367) les plus fortes. Mais il y en a qui ne peuvent éprouver leur force, parce qu'ils ne font jamais combattre leur volonté avec ses propres armes, mais seulement avec celles que lui fournissent quelques passions pour résister à quelques autres. Ce que je nomme ses propres armes sont des jugements fermes et déterminés touchant la connaissance du bien et du mal, suivant lesquels elle a résolu de conduire les actions de sa vie. Et les âmes les plus faibles de toutes sont celles dont la volonté ne se détermine point ainsi à suivre certains jugements, mais se laisse continuellement emporter aux passions présentes, lesquelles, étant souvent contraires les unes aux autres, la tirent tour à tour à leur parti et, l'employant à combattre contre elle-même, mettent l'âme au plus déplorable état qu'elle puisse être. " (Ibid art.48, A.T XI, 366-367) "ceux même qui ont les plus faibles âmes pourraient acquérir un empire très absolu sur toutes leurs passions, si on employait assez d'industrie à les dresser et à les conduire." (ibid, art. 50, A.T 369) "…l'usage de toutes les passions consiste en cela seul qu'elles disposent l'âme à vouloir les choses que la nature dicte nous être utiles, et à persister en cette volonté" (Passions de l'âme, 2e partie, art. 52 A.T XI, 372) "…il n'y a que six passions primitives (…) l'admiration, l'amour, la haine, le désir, la joie et la tristesse ; et que toutes les autres sont composées de quelques-unes de ces six, ou bien en sont des espèces. " (ibid art. 69, A.T XI, 380) "Que c'est d'elles seules que dépend tout le bien et le mal de cette vie. Au reste, l'âme peut avoir ses plaisirs à part. Mais pour ceux qui lui sont communs avec le corps, ils dépendent entièrement des passions : en sorte que les hommes qu'elles peuvent le plus émouvoir sont capables de goûter le plus de douceur en cette vie. Il est vrai qu'ils y peuvent aussi trouver le plus d'amertume lorsqu'ils ne les savent pas bien employer et que la fortune leur est contraire. Mais la sagesse est principalement utile en ce point, qu'elle enseigne à s'en rendre tellement maître et à les ménager avec tant d'adresse, que les maux qu'elles causent sont fort supportables, et même qu'on tire de la joie de tous. " (id art.212, A.T XI, 488 ultima verba) "Mon dessein n'a pas été d'expliquer les passions en orateur, ni même en philosophe moral, mais seulement en physicien" (à l'abbé Picot, 14 août 1649) C'est en tant que physicien des passions que Descartes est spinoziste. "Nos perceptions sont aussi de deux sortes, et les unes ont l'âme pour cause, les autres le corps. Celles qui ont l'âme pour cause sont les perceptions de nos volontés et de toutes les imaginations ou autres pensées qui en dépendent. Car il est certain que nous ne saurions vouloir aucune chose que nous n'apercevions par même moyen que nous la voulons; et bien qu'au regard de notre âme ce soit une action de vouloir quelque chose, on peut dire que c'est aussi en elle une passion d'apercevoir qu'elle veut. Toutefois, à cause que cette perception et cette volonté ne sont en effet qu'une même chose, la dénomination se fait toujours par ce qui est le plus noble, et ainsi on n'a point coutume de la nommer une passion, mais seulement une action." (Passions de l'âme, art. 19, A.T XI, 343) "Qu'il n'y a point d'âme si faible qu'elle ne puisse, étant bien conduite, acquérir un pouvoir absolu sur ses passions." (id, art. 50, A.T XI, 368) "Cette correspondance entre un mouvement de la glande et une pensée est une institution de la nature, de sorte que la peur dans l'âme dispose le corps à une mouvement de fuite, mais elle peut être modifiée par l'habitude et l'industrie afin, par exemple, qu'à la colère, à laquelle se joint naturellement un mouvement de la glande qui pousse les esprits animaux en grande quantité dans les bras pour frapper, soit associé un autre mouvement, comme la retenue." (Jacquet, L'unité du corps et de l'Esprit, p.38) "ART. 49. Que la force de l'âme ne suffit pas sans la connaissance de la vérité. " (Passions de l'âme, I, art. 49) "la dernière et plus prochaine cause des passions de l'âme n'est autre que l'agitation dont les esprits meuvent la petite glande qui est au milieu du cerveau. " (id 2e partie, art.51 AT XI, 371) "Il n'y a aucune passion que quelque particulière action des yeux ne déclare : et cela est si manifeste en quelques-unes, que même les valets les plus stupides peuvent remarquer à l'oeil de leur maître s'il est fâché contre eux ou s'il ne l'est pas. " (id art.113, AT XI, 412) |
Passion et connaissance : "...nous devons principalement considérer les passions en tant qu'elles appartiennent à l'âme, au regard de laquelle l'amour et la haine viennent de la connaissance et précèdent la joie et la tristesse, excepté lorsque ces deux dernières tiennent le lieu de la connaissance, dont elles sont des espèces. Et lorsque cette connaissance est vraie, c'est-à-dire que les choses qu'elle nous porte à aimer sont véritablement bonnes, et celles qu'elle nous porte à haïr sont véritablement mauvaises, l'amour est incomparablement meilleure que la haine ; elle ne saurait être trop grande, et elle ne manque jamais de produire la joie. Je dis que cette amour est extrêmement bonne, parce que, joignant à nous de vrais biens, elle nous perfectionne d'autant. " (Passions de l'âme, 2e partie, art.139, AT XI, 423) |
Pensée :"…elle ne peut à la vérité concevoir en même temps beaucoup de choses, mais tout de même plus d'une : par exemple présentement je conçois et je pense en même temps que je parle et que je mange.2.D'autre part, que la pensée se fasse dans l'instant, cela est faux puisque toutes nos actions se font dans le temps et que je peux être dit continuer et persévérer dans la même pensée pendant un certain temps." (Entretien avec Burman, V, 148)"…Dieu nous ayant donné à chacun quelque lumière pour discerner le vrai d'avec le faux" (D.M, 3)"toutes les façons de penser que nous remarquons en nous peuvent être rapportées à deux générales, dont l'une consiste à apercevoir par l'entendement, et l'autre à se déterminer par la volonté. Ainsi sentir, imaginer et même concevoir des choses purement intelligibles, ne sont que des façons différentes d'apercevoir ; mais désirer, avoir de l'aversion, assurer, nier, douter, sont des façons différentes de vouloir." (Principes, I, 32) "De même le nombre que nous considérons en général, sans faire réflexion sur aucune chose créée, n'est point hors de notre pensée, non plus que toutes ces autres idées générales que dans l'École on comprend sous le nom d'universaux." (ibid, I, 52) "Après avoir ainsi considéré toutes les fonctions qui appartiennent au corps seul, il est aisé de connaître qu'il ne reste rien en nous que nous devions attribuer à notre âme, sinon nos pensées, lesquelles sont principalement de deux genres, à savoir : les unes sont les actions de l'âme, les autres sont ses passions. Celles que je nomme ses actions sont toutes nos volontés, à cause que nous expérimentons qu'elles viennent directement de notre âme, et semblent ne dépendre que d'elle. Comme, au contraire, on peut généralement nommer ses passions toutes les sortes de perceptions ou connaissances qui se trouvent en nous, à cause que souvent ce n'est pas notre âme qui les fait telles qu'elles sont, et que toujours elle les reçoit des choses qui sont représentées par elles." (Passions de l'âme, 1ère partie, art.17, AT XI, 342) |
Perfection : "Que, d'autant que nous concevons plus de perfection en une chose, d'autant devons-nous croire que sa cause doit être plus parfaite."(Principes, I, 17)"Que la principale perfection de l'homme est d'avoir un libre arbitre, et que c'est ce qui le rend digne de louange ou de blâme."(Principes, titre, I art.37) cf. "ce qui fait notre valeur quand nous adhérons au vrai, c'est notre pouvoir de n'y pas adhérer."(Alquié, Découverte métaphysique… p.287)"il n'y a pas tant de perfection dans les ouvrages composés de plusieurs pièces, et fait de la main de divers maîtres, qu'en ceux auxquels un seul a travaillé."(D.M, 2) |
Persuasion/Science : "Je distingue ainsi les deux: la persuasion est en nous, lorsqu'il subsiste quelque raison qui puisse nous pousser au doute, mais la science est une persuasion dont la raison est si forte qu'elle ne peut jamais être ébranlée par aucune plus forte; laquelle n'appartient jamais à ceux qui ignorent Dieu."(à Regius, 24 mai 1640) |
Philosophie :"…la vraie philosophie, dont la première partie est la métaphysique, qui contient les principes de la connaissance, entre lesquels est l'explication des principaux attributs de Dieu, de l'immatérialité de nos âmes, et de toutes les notions claires et simples qui sont en nous. La seconde est la physique, en laquelle, après avoir trouvé les vrais principes des choses matérielles, on examine en général comment l'univers est composé (etc…) Ainsi toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale; j'entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse. Or, comme ce n'est pas des racines ni du tronc des arbres qu'on cueille des fruits, mais seulement des extrémités de leurs branches, ainsi la principale utilité de la philosophie dépend de celle de ses parties qu'on ne peut apprendre que les dernières." (Principes, Préface) |
Philosophie de l'école : "Pour la philosophie de l'École, je ne la tiens nullement difficile à réfuter, à cause des diversités de leurs opinions; car on peut aisément renverser tous les fondements desquels ils sont d'accord entre eux; et cela fait, toutes leurs disputes particulières paraissent ineptes. J'ai acheté la Philosophie du Frère Eustache de Saint Paul, qui me semble le meilleur livre qui ait jamais été fait en cette matière; je serai bien aise de savoir si l'auteur vit encore." (à Mersenne, 11 novembre 1640, AT III, 231-232) |
Préjugé : "la première et principale cause de nos erreurs sont les préjugés de notre enfance" (Principes, I, 71, titre) |
Préordination : "nous ferions un crime de penser que nous eussions jamais été capables de faire aucune chose qu'il ne l'eût auparavant ordonnée" (Principes, I, 40) |
Principe(s) : "par la sagesse on n'entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissance de toutes les choses que l'homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et l'invention de tous les arts; et qu'afin que cette connaissance soit telle, il est nécessaire qu'elle soit déduite des premières causes, en sorte que pour étudier à l'acquérir, ce qui se nomme proprement philosopher, il faut commencer par la recherche de ces premières causes, c'est-à-dire des principes; et que ces principes doivent avoir deux conditions : l'une, qu'ils soient si clairs et si évidents que l'esprit humain ne puisse douter de leur vérité, lorsqu'il s'applique avec attention à les considérer; l'autre, que ce soit d'eux que dépende la connaissance des autres choses, en sorte qu'ils puissent être connus sans elles, mais non pas réciproquement elles sans eux." (Principes, Lettre préface) "je prouve très aisément qu'ils sont très clairs : premièrement, par la façon dont je les ai trouvés, à savoir, en rejetant toutes les choses auxquelles je pouvais rencontrer la moindre occasion de douter; car il est certain que celles qui n'ont pu en cette façon être rejetées, lorsqu'on s'est appliqué à les considérer, sont les plus évidentes et les plus claires que l'esprit humain puisse connaître." "Ainsi, en considérant que celui qui veut douter de tout ne peut toutefois douter qu'il ne soit pendant qu'il doute, et que ce qui raisonne ainsi, en ne pouvant douter de soi-même et doutant néanmoins de tout le reste, n'est pas ce que nous disons être notre corps, mais ce que nous appelons notre âme ou notre pensée, j'ai pris l'être ou l'existence de cette pensée pour le premier principe, duquel j'ai déduit très clairement les suivants, à savoir qu'il y a un Dieu qui est auteur de tout ce qui est au monde, et qui, étant la source de toute vérité, n'a point créé notre entendement de telle nature qu'il se puisse tromper au jugement qu'il fait des choses dont il a une perception fort claire et fort distincte. Ce sont là tous les principes dont je me sers touchant les choses immatérielles ou métaphysiques, desquels je déduis très clairement ceux des choses corporelles ou physiques (…) Voilà, en somme, tous les principes dont je déduis la vérité des autres choses." L'autre raison qui prouve la clarté de ces principes est qu'ils ont été connus de tout temps, et même reçus pour vrais et indubitables par tous les hommes, excepté seulement l'existence de Dieu, qui a été mise en doute par quelques-uns à cause qu'ils ont trop attribué aux perceptions des sens, et que Dieu ne peut être vu ni touché."(Principes, Préface) "En l'autre sens, le premier principe est que notre âme existe, à cause qu'il n'y a rien dont l'existence nous soit plus notoire.
"J'ajoute aussi que ce n'est pas une condition qu'on doive requérir au premier principe, que d'être tel que toutes les autres propositions se puissent réduire et prouver par lui, c'est assez qu'il puisse servir à en trouver plusieurs, et qu'il n'y en ait point d'autre dont il dépende, ni qu'on puisse plutôt trouver que lui. (IV,445) "Car il se peut faire qu'il n'y ait point au monde aucun principe auquel seul toutes les choses se puissent réduire; et la façon dont on réduit les autres propositions à celle-ci: impossibile est idem simul esse et non esse, est superflue et de nul usage; au lieu que c'est avec très grande utilité qu'on commence à s'assurer de l'existence de Dieu, et en suite de celle de toutes les créatures, par la considération de sa propre existence." (à Clerselier, Juin ou Juillet 1646, AT IV 444-445) "Et remarquant que cette vérité: je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n'étaient pas capables de l'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie, que je cherchais." (D.M 4e Partie, AT VI, 32) |
Réalité objective : "Par la réalité objective d'une idée, j'entends l'entité ou l'être de la chose représentée par l'idée, en tant que cette entité est dans l'idée; et de la même façon, on peut dire une perfection objective, ou un artifice objectif, etc. Car tout ce que nous concevons comme étant dans les objets des idées, tout cela est objectivement, ou par représentation, dans les idées mêmes." (2e Réponses, IXa 124) "Mais il se présente encore une autre voie pour rechercher si, entre les choses dont j'ai en moi les idées, il y en a quelques-unes qui existent hors de moi. A savoir, si ces idées sont prises en tant seulement que ce sont de certaines façons de penser, je ne reconnais entre elles aucune différence ou inégalité, et toutes semblent procéder de moi d'une même sorte; mais, les considérant comme des images, dont les unes représentent une chose et les autres une autre, il est évident qu'elles sont fort différentes les unes des autres. Car, en effet, celles qui me représentent des substances, (31) sont sans doute quelque chose de plus, et contiennent en soi (pour ainsi parler) plus de réalité objective, c'est-à-dire participent par représentation à plus de degrés d'être ou de perfection, que celles qui me représentent seulement des modes ou accidents. De plus, celle par laquelle je conçois un Dieu souverain, éternel, infini, immuable, tout connaissant, tout puissant, et Créateur universel de toutes les choses qui sont hors de lui; celle-là, dis-je, a certainement en soi plus de réalité objective, que celles par qui les substances finies me sont représentées.Maintenant, c'est une chose manifeste par la lumière naturelle, qu'il doit y avoir pour le moins autant de réalité dans la cause efficiente et totale que dans son effet: car d'où est-ce que l'effet peut tirer sa réalité, sinon de sa cause? et comment cette cause la lui pourrait-elle communiquer, si elle ne l'avait en elle-même? Et de là il suit, non seulement que le néant ne saurait produire aucune chose, mais aussi que ce qui est plus parfait, c'est-à-dire qui contient en soi plus de réalité, ne peut être une suite et une dépendance du moins parfait. " (3e Méd. A.T IX1, 31-32) "Or, afin qu'une idée contienne une telle réalité objective plutôt (32)qu'une autre, elle doit sans doute avoir cela de quelque cause, dans laquelle il se rencontre pour le moins autant de réalité formelle que cette idée contient de réalité objective. Car si nous supposons qu'il se trouve quelque chose dans l'idée, qui ne se rencontre pas dans sa cause, il faut donc qu'elle tienne cela du néant; mais, pour imparfaite que soit cette façon d'être, par laquelle une chose est objectivement ou par représentation dans l'entendement par son idée, certes on ne peut pas néanmoins dire que cette façon et manière-là ne soit rien, ni par conséquent que cette idée tire son origine du néant. Je ne dois pas aussi douter qu'il ne soit nécessaire que la réalité soit formellement dans les causes de mes idées, quoique la réalité que je considère dans ces idées soit seulement objective, ni penser qu'il suffit que cette réalité se rencontre objectivement dans leurs causes; car, tout ainsi que cette manière d'être objectivement appartient aux idées, de leur propre nature, de même aussi la manière ou la façon d'être formellement appartient aux causes de ces idées (à tout le moins aux premières et principales) de leur propre nature. Et encore qu'il puisse arriver qu'une idée donne la naissance à une autre idée, cela ne peut pas toutefois être à l'infini, mais il faut à la fin parvenir à une première idée, dont la cause soit comme un patron ou un original, dans lequel toute la réalité ou perfection soit contenue formellement en effet, qui se rencontre seulement objectivement ou par représentation dans ces idées. En sorte que la lumière naturelle me fait connaître évidemment, que les idées sont en moi comme des tableaux, ou des images, qui peuvent à la vérité facilement déchoir de la perfection des choses dont elles ont été tirées, mais qui ne peuvent jamais rien contenir de plus grand ou de plus parfait." (ibid 32-33) |
Res cogitans :"Mais qu'est-ce donc que je suis? Une chose qui pense. Qu'est-ce qu'une chose qui pense? C'est-à-dire une chose qui doute, qui conçoit qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent." (Méditations, 2)"Ma propre pensée ou conscience" (A Gibieuf, 19 janvier 1642) "Par le nom de pensée je comprends tout ce qui est tellement en nous que nous l'apercevons immédiatement par nous-mêmes [ut ejus immediate conscii simus] et en avons une connaissance intérieure: ainsi toutes les opérations de la volonté, de l'entendement, de l'imagination et des sens sont des pensées" (Deuxièmes Réponses)"Par le mot penser j'entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l'apercevons immédiatement par nous-mêmes; c'est pourquoi non seulement entendre, vouloir, imaginer, mais aussi sentir est la même chose ici que penser."(Principes, I, 9) "Je ne mets autre différence entre l'âme et ses idées, que comme entre un morceau de cire et les diverses figures qu'il peut recevoir. Et comme ce n'est pas proprement une action, mais une passion en la cire, de recevoir diverses figures, il me semble que c'est aussi une passion en l'âme de recevoir telle ou telle idée, et qu'il n'y a que ses volontés qui soient des actions; et que ses idées sont mises en elle, partie par les objets qui (113) touchent les sens, partie par les impressions qui sont dans le cerveau, et partie aussi par les dispositions qui ont précédé en l'âme même, et par les mouvements de sa volonté; ainsi que la cire reçoit ses figures, partie des autres corps qui la pressent, partie des figures ou autres qualités qui sont déjà en elle, comme de ce qu'elle est plus ou moins pesante ou molle etc., et partie aussi de son mouvement, lorsqu'ayant été agitée, elle a en soi la force de continuer à se mouvoir." (à Mesland, 2 mai 1644, AT IV, 113-114) |
Révélation : "nous tiendrons pour règle infaillible que ce que Dieu a révélé est incomparablement plus certain que le reste" (Principes, I, 76) |
Satisfaction : "La satisfaction qu'ont toujours ceux qui suivent constamment la vertu est une habitude en leur âme qui se nomme tranquillité et repos de conscience. Mais celle qu'on acquiert de nouveau lorsqu'on a fraîchement fait quelque action qu'on pense bonne est une passion, à savoir, une espèce de joie, laquelle je crois être la plus douce de toutes, parce que sa cause ne dépend que de nous-mêmes." (Passions de l'âme, 3e partie, art.190, ATXI, 471) |
Sentiments : "Celles que nous rapportons à des choses qui sont hors de nous, à savoir, aux objets de nos sens, sont causées, au moins lorsque notre opinion n'est point fausse, par ces objets qui, excitant quelques mouvements dans les organes des sens extérieurs, en excitent aussi par l'entremise des nerfs dans le cerveau, lesquels font que l'âme les sent. Ainsi lorsque nous voyons la lumière d'un flambeau et que nous oyons le son d'une cloche, ce son et cette lumière sont deux diverses actions qui, par cela seul qu'elles excitent deux divers mouvements en quelques-uns de nos nerfs, et par leur moyen dans le cerveau, donnent à l'âme deux sentiments différents" (Passions de l'Ame, 1e partie, art.23, AT XI, 346) |
Solipsisme :"Les idées qui me représentent des autres hommes [...] encore que, hors de moi, il n'y eût point d'autres hommes dans le monde" (Méditations, 3) Les raisons prouvant l'existence des choses matérielles"qui n'ont jamais été mises en doute par un homme de bon sens" ont été exposées davantage (que pour réellement prouver ce qu'elles prouvent) "parce qu'en les considérant de près, l'on vient à connaître qu'elles ne sont pas si fermes ni évidentes, que celles qui nous conduisent à la connaissance de Dieu et de notre âme; en sorte que celles-ci sont plus certaines et plus évidentes qui puissent tomber en la connaissance de l'esprit humain" (Abrégé des Méditations) |
Substance : "Lorsque nous concevons la substance, nous concevons seulement une chose qui existe en telle façon qu'elle n'a besoin que de soi-même pour exister. En quoi il peut y avoir de l'obscurité touchant l'explication de ce mot, n'avoir besoin que de soi-même ; car, à proprement parler, il n'y a que Dieu qui soit tel, et il n'y a aucune chose créée qui puisse exister un seul moment sans être soutenue et conservée par sa puissance. C'est pourquoi on a raison dans l'École de dire que le nom de substance n'est pas univoque au regard de Dieu et des créatures, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune signification de ce mot que nous concevions distinctement, laquelle convienne à lui et à elles : mais parce qu'entre les choses créées quelques-unes sont de telle nature qu'elles ne peuvent exister sans quelques autres, nous les distinguons d'avec celles qui n'ont besoin que du concours ordinaire de Dieu, en nommant celles-ci des substances, et celles-là des qualités ou des attributs de ces substances " (Principes, I, 51 A.T IX 2, 47) "Et la notion que nous avons ainsi de la substance créée se rapporte en même façon à toutes, c'est-à-dire à celles qui sont immatérielles comme à celles qui sont matérielles ou corporelles ; car il faut seulement, pour entendre que ce sont des substances, que nous apercevions qu'elles peuvent exister sans l'aide d'aucune chose créée" (ibid, I, 52) |
Substance infinie : "Et je ne dois pas imaginer que je ne conçois pas l'infini par une véritable idée, mais seulement par la négation de ce qui est fini, de même que je comprends le repos et les ténèbres par la négation du mouvement et de la lumière; puisqu'au contraire je vois manifestement qu'il se rencontre plus de réalité dans la substance infinie que dans la substance finie, et partant que j'ai en quelque façon premièrement en moi la notion de l'infini, que du fini, c'est-à-dire de Dieu, que de moi-même. Car comment serait-il possible que je pusse connaître que je doute et que je désire, c'est-à-dire qu'il me manque quelque chose et que je ne suis pas tout parfait, si je n'avais en moi aucune idée d'un être plus parfait que le mien, par la comparaison duquel je connaîtrait les défauts de ma nature?"(Méditations, 3) "De même, parce que nous trouvons en nous l'idée d'un Dieu, ou d'un être tout parfait, nous pouvons rechercher la cause qui fait que cette idée est en nous; mais, après avoir considéré avec attention combien sont immenses les perfections qu'elles nous représente, nous sommes contraints d'avouer que nous ne saurions la tenir que d'un être très parfait, c'est-à-dire d'un Dieu qui est véritablement ou qui existe." (Principes, I, 18) |
Théodicée : "Je ne sache point avoir déterminé que Dieu fait toujours ce qu'il connaît être le plus parfait, et il ne me semble pas qu'un esprit fini puisse juger de cela. Mais j'ai tâché d'éclaircir la difficulté proposée, touchant la cause des erreurs, en supposant que Dieu ait créé le monde très parfait; parce que, supposant le contraire, cette difficulté cesse entièrement" (à Mesland, 2 mai 1644, AT IV 113) |
Tristesse : "La tristesse est une langueur désagréable en laquelle consiste l'incommodité que l'âme reçoit du mal, ou du défaut que les impressions du cerveau lui représentent comme lui appartenant. Et il y a aussi une tristesse intellectuelle qui n'est pas la passion, mais qui ne manque guère d'en être accompagnée. " (Passions de l'âme, 2e partie, art. 92, AT XI, 397) |
Union de l'âme et du corps : "l'âme a son siège principal dans la petite glande qui est au milieu du cerveau, d'où elle rayonne en tout le reste du corps par l'entremise des esprits, des nerfs et même du sang, qui, participant aux impressions des esprits, les peut porter par les artères en tous les membres ; et nous souvenant de ce qui a été dit ci-dessus de la machine de notre corps, à savoir, que les petits filets de nos nerfs sont tellement distribués en toutes ses parties qu'à l'occasion des divers mouvements qui y sont excités par les objets sensibles, ils ouvrent diversement les pores du cerveau, ce qui fait que les esprits animaux contenus en ces cavités entrent diversement dans les muscles, au moyen de quoi ils peuvent mouvoir les membres en toutes les diverses façons qu'ils sont capables d'être mus" (Passions de l'âme, 1e partie, art.34, AT XI, 354) "Toutefois ce n'est pas toujours la volonté d'exciter en nous quelque mouvement ou quelque autre effet qui peut faire que nous l'excitons ; mais cela change selon que la nature ou l'habitude ont diversement joint chaque mouvement de la glande à chaque pensée. Ainsi, par exemple, si on veut disposer ses yeux à regarder un objet fort éloigné, cette volonté fait que leur prunelle s'élargit ; et si on les veut disposer à (361) regarder un objet fort proche, cette volonté fait qu'elle s'étrécit. Mais si on pense seulement à élargir la prunelle, on a beau en avoir la volonté, on ne l'élargit point pour cela, d'autant que la nature n'a pas joint le mouvement de la glande qui sert à pousser les esprits vers le nerf optique en la façon qui est requise pour élargir ou étrécir la prunelle avec la volonté de l'élargir ou étrécir, mais bien avec celle de regarder des objets éloignés ou proches. " (id art. 44, AT XI, 361-362) "Et je déduis les raisons de tout ceci de ce qui a été dit ci-dessus, qu'il y a telle liaison entre notre âme et notre corps, que lorsque nous avons une fois joint quelque action corporelle avec quelque pensée, l'une des deux ne se présente point à nous par après que l'autre ne s'y présente aussi. Comme on voit en ceux qui ont pris avec grande aversion quelque breuvage étant malades, qu'ils ne peuvent rien boire ou manger par après qui en approche du goût, sans avoir derechef la même aversion " (id 2e partie, art. 107, AT XI, 407) |
Universaux : "se font de cela seul que nous nous servons d'une même idée pour penser à plusieurs choses particulières qui ont entre elles un certain rapport." "c'est ainsi qu'on compte ordinairement cinq universaux, à savoir le genre, l'espèce, la différence, le propre et l'accident." (Principes, I, 59) |
Utilité & nocivité des passions : "Or, il est aisé à connaître, de ce qui a été dit ci-dessus, que l'utilité de toutes les passions ne consiste qu'en ce qu'elles fortifient et font durer en l'âme des pensées, lesquelles il est bon qu'elle conserve, et qui pourraient facilement, sans cela, en être effacées. Comme aussi tout le mal qu'elles peuvent causer consiste en ce qu'elles fortifient et conservent ces pensées plus qu'il n'est besoin, ou bien qu'elles en fortifient et conservent d'autres auxquelles il n'est pas bon de s'arrêter. " (Passions de l'âme, 2e partie¸art. 74, AT XI, 383) |
Valeur : "c'est proprement ne valoir rien que de n'être utile à personne." (D.M, 6) |
Vérité : "Et ayant remarqué qu'il n'y a rien du tout en ceci : je pense, donc je suis, qui m'assure que je dis la vérité, sinon que je vois très clairement que, pour penser il faut être, je jugeais que je pouvais prendre pour règle générale, que les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies, mais qu'il y a seulement quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement." (Discours, 4)"...IL ME SEMBLE que déjà je puis établir pour règle générale, que toutes les choses que nous concevons fort clairement et fort distinctement, sont toutes vraies."(Méditations, 3)"...cela même que j'ai tantôt pris pour une règle, à savoir, que les choses que nous concevons très clairement et très distinctement sont toutes vraies, n'est assuré qu'à cause que Dieu est ou existe, et qu'il est un être parfait, et que tout ce qui est en nous vient de lui. D'où il suit que nos idées ou notions, étant des choses réelles, et qui viennent de Dieu en tout ce en quoi elles sont claires et distinctes, ne peuvent en cela être que vraies." (Discours, 4)"me résolvant de ne chercher plus d'autre science, que celle qui se pourrait trouver en moi-même, ou bien dans le grand livre du monde, j'employais le reste de ma jeunesse à voyager, à voir des cours et des armées, à fréquenter des gens de diverses humeurs et conditions, à recueillir diverses expériences, à m'éprouver moi-même dans les rencontres que la fortune me proposait, et partout à faire telle réflexion sur les choses qui se présentaient, que j'en pusse tirer quelque profit." (D.M, 1) "pour examiner la vérité il est besoin, une fois en sa vie, de mettre toutes choses en doute autant qu'il se peut." (Principes, I, 1) "quand on dit qu'il est impossible qu'une même chose en même temps soit et ne soit pas, que ce qui a été fait ne peut n'être pas fait, que celui qui pense ne peut manquer d'être ou d'exister pendant qu'il pense et quantité d'autres semblables, ce sont seulement des vérités, et non pas des choses qui soient hors de notre pensée" (ibid, I, 49) "Dieu est la première et la plus éternelle de toutes les vérités qui peuvent être, et la seule d'où procèdent toutes les autres" (AT, I, 150, à Mersenne, 6 mai 1630) Descartes parle d' "ideæ falsi et veri" (2ndes réponses, AT VII, 144) |
Vérités éternelles :"…je ne pense pas à la vérité que les essences des choses, et ces vérités mathématiques que l'on en peut connaître, soient indépendantes de Dieu, mais néanmoins je pense que, parce que Dieu l'a ainsi voulu et qu'il en a ainsi disposé, elles sont immuables et éternelles."(…)"…d'autant que l'idée véritable du triangle était déjà en nous, et que notre esprit la pouvait plus aisément concevoir que la figure moins simple ou plus composée d'un triangle peint, de là vient qu'ayant vu cette figure composée nous ne l'avons pas conçus elle-même, mais plutôt le véritable triangle." (5e Réponses, 5e Méditation, §1) "…les vérités mathématiques, lesquelles vous nommez éternelles, ont été établies de Dieu et en dépendent entièrement, aussi bien que tout le reste des créatures. c'est en effet parler de Dieu comme d'un Jupiter ou Saturne, et l'assujettir au Styx et aux destinées, que de dire que ces vérités sont indépendantes de lui. Ne craignez pas, je vous prie, d'assurer et de publier partout, que c'est Dieu qui a établi des lois en son royaume." "C'est Dieu qui a établi ces lois en la nature, ainsi qu'un roi établit des lois en son royaume" et elles sont toutes innées en nos âmes "ainsi qu'un roi imprimerait ses lois dans le cœur de tous ses sujets, s'il en avait aussi bien le pouvoir" (à Mersenne, 15 Avril 1630)"Vous me demandez in quo genere causæ Deus disposuit æternas veritates. Je vous réponds que c'est in eodem genere causæ qu'il a créé toutes choses, c'est-à-dire ut efficiens et totalis causa. Car il est certain qu'il est aussi bien auteur de l'essence comme de l'existence des créatures: or cette essence n'est autre chose que ces vérités éternelles, lesquelles je ne conçois point émaner de Dieu, comme les rayons du soleil; mais je sais que Dieu est auteur de toutes choses, et que ces vérités sont quelque chose, et par conséquent qu'il en est auteur. Je dis que je le sais, et non pas que je le conçois ni que je le comprends; car on peut savoir que Dieu est infini et tout-puissant, encore que notre âme étant finie ne le puisse comprendre ni concevoir; de même que nous pouvons bien toucher avec les mains une montagne, mais non pas l'embrasser comme nous ferions un arbre, ou quelqu'autre chose que ce soit, qui n'excédât point la grandeur de nos bras: car comprendre, c'est embrasser de la pensée; mais pour savoir une chose, il suffit de la toucher de la pensée. Vous demandez aussi qui a nécessité Dieu à créer ces vérités; et je dis qu'il a été aussi libre de faire qu'il ne fût pas vrai que toutes les lignes tirées du centre à la circonférence fussent égales, comme de ne pas créer le monde. Et il est certain que ces vérités ne sont pas plus nécessairement conjointes à son essence, que les autres créatures. Vous demandez ce que Dieu a fait pour les produire. Je dis que ex hoc ipso quod illas ab æterno esse voluerit et intellexerit, illas creavit, ou bien (si vous n'attribuez le mot de creavit qu'à l'existence des choses) illas disposuit et fecit. Car c'est en Dieu une même chose de vouloir, d'entendre, et de créer, sans que l'un précède l'autre, ne quidem ratione.(AT, I, 151-153, à Mersenne, 27 mai 1630) "Pour les vérités éternelles, je dis derechef que sunt tantum verae aut possibiles, quia Deus illas veras aut possibiles cognoscit, non autem contra veras a Deo cognosci quasi independenter ab illi sint verae."("quelles sont seulement vraies ou possibles, parce que Dieu les connaît comme vraies ou comme possibles, et qu'elles ne sont pas au contraire connues comme vraies par Dieu comme si elles étaient vraies indépendamment de lui.")(…)"ex hoc ipso quod aliquid velit, ideo cognoscit, et ideo tantum talis res est vera" ("Par cela même qu'il veut une chose il la connaît, et par cela même cette chose est vraie.") "il ne faut donc pas dire que si Deus non esset, nihilominus istae veritates essent verae" ("si Dieu n'était pas, néanmoins ces vérités seraient vraies.") (à Mersenne, 6 mai 1630) "Pour la question, savoir s'il y aurait un espace réel, ainsi que maintenant, en cas que Dieu n'eût rien créé, encore qu'elle semble surpasser les bornes de l'esprit humain et qu'il ne soit point raisonnable d'en disputer, non plus que de l'infini; toutefois je crois qu'elle ne surpasse les bornes que de notre imagination, ainsi que font les questions de l'existence de Dieu et de l'âme humaine, et que notre entendement en peut atteindre la vérité, laquelle est, au moins selon mon opinion, que non seulement il n'y aurait point d'espace, mais même que ces vérités qu'on nomme éternelles, comme que totum est majus sua parte, etc., ne seraient point vérités, si Dieu ne l'avait ainsi établi, ce que je crois vous avoir déjà autrefois écrit." (à Mersenne, 27 mai 1638, AT II, 138) |
Vertu : "ce qu'on nomme communément des vertus sont des habitudes en l'âme qui la disposent à certaines pensées, en sorte qu'elles sont différentes de ces pensées, mais qu'elles les peuvent produire, et réciproquement être produites par elles. Il faut remarquer aussi que ces pensées peuvent être produites par l'âme seule, mais qu'il arrive souvent que quelque mouvement des esprits les fortifie, et que pour lors elles sont des actions de vertu et ensemble des passions de l'âme." (Passions de l'Ame, 3e partie, art.161, AT XI, 453) |
Volonté : (identifiée au libre arbitre)"Je ne puis pas aussi me plaindre que Dieu ne m'a pas donné un libre arbitre, ou une volonté assez ample et parfaite, puisque en effet je l'expérimente comme si vague et si étendue, qu'elle n'est renfermée dans aucunes bornes."" Il n'y a que la seule volonté, que j'expérimente en moi être si grande, que je ne conçois pas l'idée d'aucune autre plus grande et plus étendue: en sorte que c'est elle principalement qui me fait connaître que je porte l'image et la ressemblance de Dieu."" Car elle consiste seulement en ce que nous pouvons faire une chose, ou ne la faire pas (c'est-à-dire affirmer ou nier, poursuivre ou fuir), ou plutôt seulement en ce que, pour affirmer ou nier, poursuivre ou fuir les choses que l'entendement nous propose, nous agissons en telle sorte que nous ne sentons point qu'aucune fore extérieure nous y contraigne."(Méd. 4, IX1, 45-46) "Que la principale perfection de l'homme est d'avoir un libre arbitre, et que c'est ce qui le rend digne de louange ou de blâme. " (Principes, I, 37 titre) "Derechef nos volontés sont de deux sortes. Car les (342) unes sont des actions de l'âme qui se terminent en l'âme même, comme lorsque nous voulons aimer Dieu ou généralement appliquer notre pensée à quelque objet qui n'est point matériel. Les autres sont des actions qui se terminent en notre corps, comme lorsque de cela seul que nous avons la volonté de nous promener, il suit que nos jambes se remuent et que nous marchons. " (Passions de l'Ame, 1e partie, art.18, AT. XI, 342-343)"toute l'action de l'âme consiste en ce que, par cela seul qu'elle veut quelque chose, elle fait que la petite glande à qui elle est étroitement jointe se meut en la façon qui est requise pour produire l'effet qui se rapporte à cette volonté. " (Passions de l'âme, 1ère partie art. 41) "ART. 49. Que la force de l'âme ne suffit pas sans la connaissance de la vérité. " (ibid 49, A.T XI, 367) |
Volonté / appétit : Il n'y a pas de combat entre deux parties de l'âme, mais entre l'âme et le corps : "...il n'y a en nous qu'une seule âme, et cette âme n'a en soi aucune diversité de parties : la même qui est sensitive est raisonnable, et tous ses appétits sont des volontés. L'erreur qu'on a commise en lui faisant jouer divers personnages qui sont ordinairement contraires les uns aux autres ne vient que de ce qu'on n'a pas bien distingué (364) ses fonctions d'avec celles du corps, auquel seul on doit attribuer tout ce qui peut être remarqué en nous qui répugne à notre raison ; en sorte qu'il n'y a point en ceci d'autre combat sinon que la petite glande qui est au milieu du cerveau pouvant être poussée d'un côté par l'âme et de l'autre par les esprits animaux, qui ne sont que des corps, ainsi que j'ai dit ci-dessus, il arrive souvent que ces deux impulsions sont contraires, et que la plus forte empêche l'effet de l'autre. Or on peut distinguer deux sortes de mouvements excités par les esprits dans la glande : les uns représentent à l'âme les objets qui meuvent les sens, ou les impressions qui se rencontrent dans le cerveau et ne font aucun effort sur sa volonté ; les autres y font quelque effort, à savoir, ceux qui causent les passions ou les mouvements du corps qui les accompagnent " (Passions de l'âme, 1e partie, art. 47, AT XI, 364-365) |
Bibliographie (la liste n'est pas exhaustive) :
Descartes, Oeuvres Complètes, édition Adam- Tannery, 12 tomes, notée A.T
Rodis-Lewis, Geneviève, Descartes, textes et débats, livre de poche
Marion, J-L Questions Cartésiennes, PUF "Philosophie d'Aujourd'hui, Paris 1991 : chap. VI "L'EGO altère-t-il autrui? "
Articles :
Boyer Alain, "Supprimer le doute. La réécriture spinoziste du cartésianisme" in Les Etudes Philosophiques, novembre 2004, P.U.F pp.485-507
Terestchenko, Michel, "Le pur souffrir de l'âme : rationalité et affectivité chez Descartes" in Les Etudes Philosophiques, novembre 2004, P.U.F pp.441-461 |
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